59. Amnésie

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je vous présente ci-haut notre petit homme chocolat, Donovan 🤰🏼

***

Je suis sur un putain de tapis roulant depuis trente minutes.

— Voilà... continuez...

Je roule des yeux en continuant à marcher à ce rythme insupportablement lent qui m'éclate pourtant les muscles des jambes.

Les trois semaines que j'ai passées immobile, cloué dans ce lit à cause de mon coma, ont mis mes muscles dans un état d'engourdissement perpétuel que le kinésithérapeute essaie d'éradiquer avec des séances d'exercice de plus en plus longues. Après deux heures de marche et d'étirements qui font circuler le sang partout dans mes membres et délient mes muscles, c'est l'ergothérapeute de l'hôpital qui prend le relais. Elle m'oblige à réfléchir sur mes plans de vie et comment je veux gérer mon existence après ce que je viens de vivre.

J'ai envie de dire que c'est inutile, mais je dois avouer que ça me fait prendre conscience sur des trucs que je n'avais pas envisagés auparavant.

Comme... la direction que je veux prendre avec ma carrière. Ou même avec ma vie.
Est-ce que je veux être avocat en droit criminel toute ma vie ? Ou est-ce que le droit familial serait envisageable ? Est-ce que je veux m'acheter une maison un jour ? Est-ce que j'ai les fonds nécessaires ? Est-ce que je veux fonder une famille ? Est-ce que je veux me marier ?

Est-ce que les efforts que je mets dans le boulot en valent la peine ? Est-ce que je devrais prendre soin de moi et de mon entourage mieux que je le fais en ce moment ? Est-ce que la famille vient avant les obligations de son travail ?

Ce sont toutes des questions auxquelles n'importe qui pense sous la douche une fois par semaine, mais que je n'ai jamais eu le temps d'aborder avec le mode de vie exhaustif que je mène.

Et ça me fait aussi remettre en question ma position comme président du cabinet avec Lauren. Est-ce que j'en ai vraiment envie ?

Je réfléchis à tout ça ce soir après mon rendez-vous quotidien avec une infirmière qui change mes bandages et avec l'orthophoniste qui s'assure que la balle qui a transpercé mon aorte n'a pas eu de conséquences plus profondes sur mon cerveau à part l'amnésie à court terme.
Cette partie de mon coma me casse aussi les couilles.

Je me souviens de la naissance de Zoé il y a vingt-trois ans, mais je n'arrive pas à grappiller les détails importants des derniers mois.

J'étouffe ma frustration dans un morceau de pain au beurre que j'enfonce dans ma bouche de ma main libre.

C'est la seule chose comestible dans ce putain d'hôpital et je n'arrive pas à atteindre le sac de bouffe que ma mère m'a apporté de l'autre côté du lit. Mes jambes sont mortes.

Je vais me contenter de la banane.

Putain de fruit du démon.

En mâchant avec dégoût, je m'installe confortablement contre les oreillers et observe le plafond. Je n'ai rien d'autre à faire à part réfléchir.

Réfléchir à ma vie. Et à Margaux.

Margaux dont je ne sais rien.

Enfin... je savais probablement tout d'elle il y a un mois. Je crois pourtant être au courant de l'essentiel. Je dois probablement me tromper, mais je garde espoir pour le moment.

La manière dont elle s'est laissée assoupir dans mes bras, dont elle me serrait avec désespoir, dont elle m'a laissé la respirer à l'envi et la manière dont son parfum m'a complètement retourné le cerveau ne me laisse pas indifférent.

Sue Me - T1Where stories live. Discover now