Sue Me - T1

57. Mon chou

— Est-ce qu'il est mort ?

On me soulève une paupière et ma rétine est brûlée par les lumières beaucoup trop intenses du plafond.

— Je crois qu'il est mort.

On me renifle.

— En tous cas, il sent le mort.

Deux petites mains se posent sur mes joues et me secouent.

— Est-ce que t'es mort ? hurle un enfant à mon oreille.

Mes tympans sont défoncés.

— Ouais, je suis mort, ronchonné-je d'une voix caverneuse.

— Tu vois ? Je te l'ai dit.

J'ouvre un œil après l'autre en commençant par sentir ma bouche extrêmement sèche et mes lèvres gercées. Puis la douleur lancinante qui me déchire l'épaule et la poitrine me fait haleter en serrant les dents.

Puis ce sont quatre petites têtes qui apparaissent devant mes yeux lorsque je recouvre la vision. Deux paires de têtes identiques. Je ne les reconnais pas au départ.

Puis, je sens mon torse nu, les draps inconnus, le large bandage qui m'enserre le torse, les fils collés à ma poitrine et le bracelet de papier autour de mon poignet. Je suis à l'hôpital.
Et pendant que les quatre enfants me traumatisent avec leurs larges sourires aux dents manquantes, j'essaie de faire un effort pour savoir d'où ils sortent.

Ce ne sont pas les miens, si ?
Mon Dieu, est-ce que j'ai vraiment fait ça ?

Je ne me souviens même pas de mon prénom, mais putain, est-ce que j'étais teubé au point d'avoir quatre enfants ?

Je les dévisage avec quelque chose proche de l'horreur.

Deux fillettes blondes.
Deux garçons aux cheveux bruns.
Deux jumelles et deux jumeaux.
La couleur de leurs chevelures m'est peu à peu familière.

J'ai une sœur. Jade. Elle est blonde. Et son mari. Jared. Il a les cheveux bruns.
Le mélange des deux donne ces quatre gamins.

— Juliet. Jaden. Jude. Jasmine, les nommé-je lentement un à un en me demandant pourquoi ils sont dans ma putain de chambre.

— Coucou, tonton Noah ! lancent-ils avec une synchronisation parfaite.

Ma blessure me fait souffrir encore plus et la putain de lumière ne fait que me donner une migraine qui empire mon cas. Je me force à me souvenir de la raison derrière mon hospitalisation. À mesure que mes synapses se reconnectent, je vois défiler les quelques minutes avant le trou noir dans lequel j'étais plongé sous mes yeux.

J'étais au club.

J'ai repris Zoé.

Zoé, c'est ma sœur.

Zoé est libre. Elle devrait l'être, en tous cas.

Greyson m'a tiré une balle dans la poitrine.

Greyson, c'est un psychopathe.

Et ensuite... ensuite, je ne sais pas.

Je ramène toute mon attention sur les quatre gamins qui me fixent, le front plissé. L'une des deux filles a deux minuscules chignons de chaque côté de la tête. Basé sur sa dent manquante, je sais que c'est Jasmine.
Un exploit ? Absolument.

— Jasmine, qu'est-ce que vous faites ici ? Est-ce que vous êtes seuls ?

— J'sais pas, papa a dit que tu étais malade.