Chapitre 26 (2/2)

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Il hésita un instant, puis finit par soupirer bruyamment. Il me parut soudainement épuisé, pourtant ses yeux luisaient d'espoir.

— Probablement... mais je ne l'ai pas fait. J'ignore pourquoi, je fais un tas de choses idiotes depuis que tu as débarqué dans ma vie. Et bizarrement, je n'en regrette aucune.

— De quoi tu parles ?

— De choses qui te dépasses pour le moment et d'autres que tu n'es pas prête à accepter. J'ai par exemple une envie ridicule de t'embrasser, et une autre toute aussi stupide de te faire sourire. Je sais que c'est une mauvaise idée, en partie parce que tu trouveras un moyen de me le faire payer plus tard, mais je n'y peux rien. Aloys, pour la première fois de ma vie, je peux être moi-même, tu comprends ? Je n'ai pas besoin d'entraver mon don ou de donner une certaine image de moi-même, tu es accro au premier et tu piétine la seconde.

Ça pour être accro... il ne se doutait visiblement pas que son don n'était pas la seule chose qui m'attirait chez lui. Il se rapprocha dangereusement de moi et enivrée par ses paroles j'en oubliai de reculer. M'embrasser ? Me faire sourire ? Bon sang, j'allais plonger tête la première.

— Même si je dois admettre que tu es beaucoup plus douée que moi pour te battre contre ce que tu ressens, il serait peut-être temps de l'accepter non ? dit-il en plongeant ses yeux gris dans les miens.

— Je ne...

Sachant parfaitement ce qui allait sortir de ma bouche, il me coupa d'un ton sec :

— C'est simple Aloys, pour une fois, arrête de te mentir. Tu détestes cet endroit, ça tu me l'as déjà fait comprendre, mais peut-être que tu le détesterais moins, si pour une fois, au lieu d'être seule, tu m'avais moi...

Je ne me mentais pas, ça faisait un moment que j'avais compris ce que je ressentais pour lui, mais l'admettre c'était avouer ma défaite. Peut-être qu'il avait raison et qu'avec lui, je finirais par me faire à cet endroit, voire même à l'apprécier et au fond c'était probablement ce qui m'effrayait le plus. Car il n'y a pas plus triste que de voir un animal chérir ses chaines... Si je partais je le perdais, et si je restais c'était moi que je perdais. Sauf que ce soir, tout convergeait vers lui, ma liberté et mon aliéné de cœur.

Alors je fis ce que nous voulions tous les deux. Je comblai les quelques centimètres qui nous séparaient et l'embrassai. Il répondit aussitôt à mon baiser et sans que je ne comprenne comment je me retrouvais assise sur un tas de caisses de whisky, les jambes enroulées à ses hanches. Mon corps épousant le sien à la perfection. Ma peau n'était plus qu'un brasier sur lequel il faisait courir ses lèvres et ses mains avec un dextérité étonnante de la part d'un homme censé tuer toutes ses amantes. Je me souvenais vaguement d'avoir activé mon pass et d'avoir ressenti le petit vrombissement qui indiquait qu'il se mettait à la recherche d'un appareil à hacker, mais mon esprit était entièrement focalisé sur Aaron et la chaleur qui envahissait mon ventre. Je dévorai ses soupirs, comme une affamée et il me le rendait au centuple. Mon monde se résumait à nos corps entrelacés.

Puis il se détacha de moi, les yeux pétillants d'amusement.

— Doucement Aloys... Tu vas me brûler vif si tu continues.

Je pris un instant avant de comprendre qu'il faisait référence à l'incendie qui ravageait ma peau. Mes veines commençaient à prendre des allures de sapins de Noël, faisant irradier mon épiderme d'une douce lumière ivoire. J'avais tout bonnement perdu le contrôle sur tous les plans en même temps. Rouge de honte, je détournai les yeux.

— Je suis désolée, je... commençai-je alors qu'il éclatait de rire. Oh et puis c'est de ta faute ! m'écriai-je irritée qu'il ose se moquer de moi dans un moment pareil.

Sans cesser de rire, Aaron retira sa veste de costume et la jeta un peu plus loin, puis il fit courir ses doigts sur ma joue en m'adressant un clin d'œil taquin.

— Tu permets ?

Je hochai légèrement la tête et aussitôt la limite qui séparait ma peau de la sienne sembla disparaître. Je sentis mon énergie couler doucement hors de mon corps, dans un flux régulier. C'était différent des autres fois, je ne me sentais pas faiblir, c'était comme une caresse apaisante. Il se pencha vers moi, et déposa un léger baiser sur mes lèvres, juste suffisant pour qu'il les débarrasse de l'énergie qui s'y était accumulée. L'instant d'après, il m'embrassa avec davantage de fougue. Mes mains s'insinuèrent sous sa chemise, caressant la courbe de ses muscles avec délectation. Faire partie de l'armée depuis aussi longtemps avait un avantage certain, son corps était un chef d'œuvre, et en cet instant, il était à moi. Le monde sembla s'évanouir autour de nous, il n'y avait plus que lui et moi, sa peau contre la mienne qui semblaient se fondre l'une dans l'autre alors que mon énergie épousait la sienne.

J'entendis vaguement la musique devenir soudainement plus forte, mais ne compris que quelqu'un venait d'entrer que lorsqu'Aaron s'écarta de moi. J'aurais voulu foudroyer celui qui venait de nous interrompre, mais lorsque je le reconnus, cela me fit plutôt l'effet d'une douche froide.

— Ton père te demande, lâcha la voix caverneuse de Soen.

Il ne me regardait pas, mais je pouvais sentir d'ici le jugement qu'il portait à la scène dont il avait été témoin. C'est lui-même qui m'avait conseillé de rester loin d'Aaron et à l'époque, j'étais certaine qu'il s'inquiétait pour rien. Maintenant il me retrouvait exactement là où il m'avait conseillé de ne pas me rendre : dans les bras d'Aaron... J'étais morte de honte, j'aurais voulu pouvoir disparaître.

— Bien, lâcha Aaron d'une voix enroué avant de se tourner vers moi. Attends-moi là, je reviens vite.

Il recula, laissant un vide glacial entre nous. Il ramassa sa veste qu'il secoua légèrement pour la débarrasser de la poussière et entreprit de refermer sa chemise que j'avais probablement ouverte sans m'en rendre compte. L'instant d'après, lui et ses abdos avaient disparu, me laissant seule avec Soen, qui cette fois-ci me regarda avec pitié. Je me remis debout, chassant la poussière et les plis de ma robe avec obstination. Puis lorsque je fus prête à affronter de nouveau son regard je relevai la tête. Voyant qu'il ne comptait ni parler ni partir, je pris les devants et me dirigeai vers la porte. Je tanguai légèrement, probablement un effet secondaire du nombre de verre de champagne que j'avais bu.

— Ou est-ce que tu vas ? s'inquiéta-t-il alors que la porte s'ouvrait devant moi.

— J'ai besoin de prendre l'air.

— Je croyais qu'Aaron t'avait demandé de rester ici ?

— Ce n'était pas un ordre que je sache, répliquai-je d'un ton acide. Bien, dans ce cas, je vais prendre l'air.

Sans un mot, il me regarda m'éloigner, mais je ne pus respirer de nouveau normalement que lorsque je mis les pieds dans le parc qui bordait l'arène. À cette heure il était pratiquement désert, seuls quelques groupes étaient éparpillés çà et là. Heureuse de sentir l'herbe fraîche sous mes pieds nus, je m'éloignai encore un peu du sentier et m'adossai à un arbre de sorte à être invisible aux yeux de ceux qui sortiraient de l'arène.

L'air était frais, l'été devait toucher à sa fin. Ce qui voulait dire que j'étais là depuis presque quatre mois et au vu de ma progression dans la recherche d'une porte de sortie, j'allais bien rester là quatre mois de plus sans avec progresser dans pouce. Plus le temps passait plus la situation devenait ingérable. Je me dispersais sans cesse, jonglant entre ma soif de réponses et mes sentiments contradictoires comme une adolescente.

Pathétique. Voilà un terme qui me correspondait plutôt bien.

Aloys (Tome 1) : lightning and shadowWhere stories live. Discover now