Chapitre 23 (2/2)

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— Remplace mon énergie par la tienne, ordonna-t-il en me voyant fixer mes mains comme une demeurée.

Il s'agissait du même phénomène qu'avec l'arc. Je n'avais qu'à transmettre mon énergie de ma main à l'arme. Pourtant, cette fois-ci la manipulation fut plus compliquée. Quelque chose me gênait. Je fronçai les sourcils, frustrée.

— Je n'y arrive pas...

— Et bien entraîne-toi. Tu manques de contrôle, tu ne peux pas laisser échapper ton énergie dès que quelque chose t'énerve, il faut que tu contrôles ce que tu fais.

Son ton était comme d'habitude dépourvu de chaleur. Il me rappelait l'Aaron que j'avais croisé dans les rues de Paris. Méprisant, autoritaire, et surtout exécrable. De toute évidence, il ne comptait pas assister à mes efforts car il reposa mon arme, toujours recouverte par son énergie poisseuse et tourna les talons. Me laissant seule avec ces trois armes à l'allure spectrale.

Il me fallut plus de trois heures avant de parvenir à faire disparaître l'énergie visqueuse d'Aaron sur l'une de ses épées. J'avais rarement dû me concentrer autant pour réussir un exercice, et mon corps était couvert de sueur. Pourtant, je n'avais pas bougé d'un millimètre, je m'étais contentée de m'asseoir sur un tapis au milieu de la pièce et de tenir l'une de ses armes. Petit à petit, le pouvoir d'Aaron s'était mis à frémir au contact du mien, puis peu à peu mon énergie s'était immiscée au sein de la sienne et avait fini par l'engloutir. Épuisée, je coupai le lien qui m'unissait au métal, et aussitôt les petits éclairs qui dansaient à sa surface disparurent. Il n'y avait plus que l'acier sur lequel étaient gravées les initiales de son propriétaire. Contrairement à moi, il n'utilisait pas des armes d'entraînement, c'était les siennes. Celles avec lesquelles il avait ôté un nombre incalculable de vies... Je repensai à ce que m'avait dit un jour Arthur et Elena, et frissonnai à l'idée de tenir une arme qui avait tué des centaines de rebelles.

Ne sachant pas trop quoi faire de l'épée, je la posai délicatement à côté de moi et saisis la suivante pour lui faire subir le même sort. Cette fois-ci, le processus me demanda moins de temps, mais pas nécessairement moins d'efforts. On aurait dit que son énergie imprégnait l'acier et ne se contentait pas simplement de le recouvrir. Je ne comprenais même pas comment son arme pouvait encore posséder son énergie alors que lui était parti depuis des heures.

Mon, ventre grognait férocement dans l'espoir que je me décide enfin à abandonner ma tâche et à rejoindre le réfectoire, mais je m'étais donnée pour objectif de débarrasser les trois armes de l'énergie d'Aaron avant de céder. Si je voulais pouvoir lui tenir tête le moment venu, j'allais devoir me frotter à un adversaire nettement plus puissant qu'un bout de métal délaissé par son propriétaire. Lorsque j'achevai enfin mon travail, il était bien trop tard pour aller manger. À bout de forces, je m'allongeai sur le sol et tentai de reprendre mon souffle. Mon corps était encore engourdi d'avoir eu à manipuler mon énergie pendant aussi longtemps. J'avais rarement eu l'occasion de l'utiliser en continu pendant plusieurs heures de suite. Il ne me fallut pas longtemps avant de sentir le sommeil me gagner, mais avant que je n'aie l'occasion de sombrer, j'entendis la porte s'ouvrir dans un grincement. Evidemment, je savais qui était entré alors je ne me donnai pas la peine d'ouvrir les yeux. Peut-être qu'il se contentera de récupérer ses armes et de disparaître ?

Malheureusement, il avait dû sentir que j'étais parfaitement réveillée et se contentai de rester immobile à un pas de moi. Pourquoi avait-il fallu que ce soit justement lui qui possède le don maudit de détecter mes humeurs ?

— Quoi ? grommelai-je, les yeux toujours clos. Je me repose... Va voir ailleurs si j'y suis.

Étrangement, il m'écouta. Il se pencha, ramassa ses armes et disparut aussi vite qu'il était arrivé. Étonnée, je me redressai vivement sur mes coudes et fixai son dos se diriger vers la porte. Comme s'il avait senti mon regard, il s'arrêta sur le seuil et se tourna vers moi. Son visage était toujours aussi inexpressif, mais je me doutai que ce n'était qu'une façade. La même qu'il arborait à chaque fois qu'on se voyait depuis notre baiser. Il attendait visiblement que je dise quelque chose, mais rien de sensé ne me venait à l'esprit. Tout ce qui était susceptible de sortir de ma bouche était plein de sarcasme et pour une fois, je n'avais pas envie de le provoquer. Une première ! Quand il comprit que je n'ajouterais rien, il haussa les épaules et quitta la salle.

Je me retrouvai une nouvelle fois seule avec cette impression dérangeante qu'il me manquait quelque chose. J'avais beau ne pas vouloir l'admettre, au fond de moi, j'avais envie qu'il reste, j'avais envie qu'il me parle, qu'il me sourit ou même qu'il m'engueule ! Qu'il soit tout sauf cette créature de marbre qui laissait toujours un froid dans ma poitrine !

Je retombai lourdement sur le tapis en soupirant. Bon sang, j'étais fichue. Mon maudit cœur, ce traître, se languissait d'Aaron Melchior. Pouvait-on tomber plus bas ? 

Aloys (Tome 1) : lightning and shadowWhere stories live. Discover now