So Beautiful or So What

Questions for the Angels

Cela faisait plus d'un mois que Gabriel rentrait tous les soirs à l'appartement en espérant l'y retrouver, et qu'iel ne s'y présentait jamais.

Chaque soir, il écoutait un album qu'iel avait avoué aimé. Les deux chanteurs en tenue d'enfant de choeur sur la couverture le fixaient et semblaient se moquer de son désarroi. Au bout de deux semaines, il pouvait réciter chaque chanson par cœur.

Pas tant qu'il aimait ce disque, mais cela lui donnait l'impression que Belzébuth était avec lui.

"Pourquoi les anges sont-ils si con?"

Sa gueule de bois allait mieux, mais il lui avait fallu trois jours pour s'en remettre. Depuis, iel fuyait le bureau et travaillait à ses dossiers depuis l'arrière-boutique de la librairie d'Aziraphale. Impossible de faire abstraction des sourires moqueurs de ses collègues, et iel voulait se concentrer.

L'ange à qui iel avait posé la question fronça des sourcils.

"Est-ce une question générale ou pensez-vous à un ange en particulier?
-Je pense à Gabriel, évidemment.
-Ah, c'est déjà plus compréhensible."

Iel claqua sa langue d'irritation.
"Pourquoi est-ce si difficile? Pourquoi est-ce qu'il n'a pas tenu sa promesse? Pourquoi je me déteste autant? Pourquoi nous a-t-Elle fait chuter? Pourquoi...
-Attendez, ma chère, c'est un peu trop de questions pour un ange." Il lui tendit une tasse de chocolat chaud. Des petits marshmallow y flottaient.

"Pourquoi est-ce que ça me fait si mal.
-Parce que tu l'aimes."

Iel bourdonna de colère.
"Tu le nies?
-Non, c'est tout à fait vrais, mais ça m'énerve.
-C'est déjà une bonne chose. Moi, j'ai nié mes sentiments pendant des siècles et agit... inconsciemment. Il t'as dit qu'il t'aimait?
-Pas directement. Je crois qu'il a peur que cela me fasse mal.
-Crowley n'est jamais blessé par mes mots doux. C'est une peur irrationnelle.
-Mais Crowley n'est même pas blessé par de l'eau bénite."

Aziraphale fronça les sourcils. Ce n'était pas le moment idéal pour révéler l'astuce. "Je t'aime, vous savez. Vous êtes une bonne amie."

Pour la seconde fois en peu de temps, Belzébuth tomba de sa chaise, mais iel eu plus facile à se relever cette fois-ci. "Oh, par Satan, maudit ange, préviens-moi avant de me faire un truc pareil.
-Vous n'êtes pas blessé?
-Non, mais...
-Alors je dirais à Gabriel qu'il peut vous exprimer un peu plus son amour. Si vous résistez à l'attachement sincère en étant juste surprise, tout ira bien."

Belzébuth repris son cacao, un peu plus froid et buvable. Les marshmallow avaient fondu. "Mais il ne m'aimera plus jamais. Il a vu...
-Qu'a-t-il vu?
-... A quoi ressemblent les ailes de Crowley?
-Elles sont grandes et noires et... Oh, toujours si emmêlées. Je passe des heures à les nettoyer, parfois." A son sourire, cela ne ressemblait définitivement pas une corvée.

Iel considéra la Principauté en fronçant les sourcils. Si iel n'avait aucune certitude sur le jugement de Gabriel, Aziraphale regarderait probablement ses ailes comme il regarde l'ensemble de la création: avec une tendresse répugnante et sans jugements. Alors, doucement, iel déploya une aile en veillant à ne rien faire tomber dans la librairie, puis libéra la seconde, en évitant de la cogner. Elle était toujours endolorie et ne cesserait jamais de l'être.

"Oh, ma chère! Cela doit être douloureux. Est-ce que cela vous laisse parfois tranquille?
-... Pas souvent.
-Vous devriez accepter l'offre de Gabriel pour qu'il s'occupe de vos ailes, cela vous soulagerais sans doute." Puis, la réalisation le frappas. "Oh. Vous pensez qu'il n'aimera pas vos ailes?
-Bien sûr que non! Regarde-les! Noires! Difformes, disproportionnées... Détruites!
-Personnellement, je les vois brillantes, majestueuses et malheureusement abîmées. Mais toujours digne d'être...
-Il s'est figé en les voyants. J'ai vu son regard effrayé...
-N'a-t-il pas songé, comme moi, que cela vous procurait de la douleur? Si Crowley était blessé comme vous l'êtes, cela m'effraierait aussi. Je ressentirait... sa peine..."

Et il éclata en sanglot. Cela commençait à être péniblement récurrent, les anges pleurnichards, songea le Prince. Et iel n'avait plus de mouchoir propre.

"Pa... Pardon. J'ai soudainement très fort ressentit votre peine, et ça m'a débordé. Je vous en supplie, ne restez pas plus longtemps loin de Gabriel. Il peut être parfois obtus, mais il vous aime tellement que cette histoire d'aile... cela n'aura aucune importance, vraiment."

Belzébuth resta figée sur place. "Vraiment?
-Oui, vraiment! Allez-y, maintenant, ou je vous y tire par la peau du cou!"

Belzébuth disparu en un claquement de doigt pour réapparaître dans l'appartement, sans songer même à miraculer ses ailes en dehors de ce plan d'existence.

"Sérieusement, mec, change de disque, tu vas finir par l'user.
-Tu es revenu!"

Et Gabriel se précipita dans ses bras. Ah, oui, iel était vraiment rentré à la maison.

"Ne repars jamais.
-Il faudra bien retourner travailler...
-Je ne parle pas de ça. Ne disparaît plus si longtemps, s'il te plait. Je suis perdu sans toi."

Belzébuth se sentit rougir, puis se rendit compte que ses ailes prenaient vraiment beaucoup de place. Iel s'apprêtait à les faire disparaître quand les mains de Gabriel vinrent se plaquer dans son dos, juste en dessous de la base des ailes, sans pour autant les toucher.

"Attends! Attends... Elles sont magnifiques."

Le Prince eu un petit rire incrédule, comme s'iel n'en croyait pas ses oreilles mais qu'iel en était ravi malgré tout.

Gabriel fit apparaître ses propres ailes et leurs plumes effleurèrent doucement pour la toute première fois.

Tout le reste est une question de première fois - quand iel accepta qu'il touche à ses ailes, installé confortablement dans la baignoire, et lui sur la méridienne. Quand ils franchirent enfin le seuil de la chambre au lit paré de draps blancs.

Quand iel pouvait avoir le plaisir de rentrer en Enfer avec son odeur sur son corps, et que ce n'était pas la faute des coussins.

🕊🐝

Tout s'éclaire, à la fin, non? il reste deux chapitres. Vous êtes toujours bienvenus sur le discord good omens https://discord.gg/GC2k8vy