The Afterlife

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Les étroits couloirs de l'Enfer sont tout encombrés. Un par un, les damnés circulent, d'un cercle de l'enfer à l'autre.

Lorsque le Seigneur Belzébuth doit se rendre de son bureau à la salle du trône, cela lui prends à peu près deux ou trois heures terrestres, selon l'encombrement. Le jour ou Dagon avait décidé d'ajouter un formulaire alternatif au document 7b uniquement destiné aux fornicateurs, cela lui avait pris la moitié d'une journée.

Les vastes couloirs du Ciel sont vides, à peine si on croise de temps en temps un Chérubin sur un hoverboard ou un Trône pressé.

Si Gabriel prenait le temps, il irait voir la Porte. Saint Pierre gerait plutôt bien l'organisation, et il y avait peu d'attente à l'entrée, malgré la paperasse. Les bienheureux entraient, remplissaient les documents, et repartaient par l'Autre Porte. Les Anges n'y avaient pas accès... On disait que chaque âme avait le droit à une éternité de Son Amour, de l'autre côté des Portes.

Ni Gabriel, ni Belzébuth, n'ont de temps à perdre avec ça aujourd'hui
et ne s'aventurent pas trop loin de leurs bureaux. Ils parachèvent leurs travaux du jour et espèrent en secret qu'il n'y aura pas de réunion de dernière minute.

Parfois, Belzébuth échangerait bien sa paperasse avec les puits de flammes du dernier cercle. Au moins, il fait chaud et sec, et avec Dagon comme collaborateur, on ne peu pas s'attendre à une atmosphère autre qu'humide. Si iel pouvait, iel se mettrait au bout de la file et attendrait patiemment le chatiment libérateur. Cela serait fini une fois pour toute... et on en a jamais fini des papiers.

Ce sentiment était particulièrement vrais pendant les quelques mois qui avaient suivit Noël. Iel avait ruminé longuement sur sa manière de partir au quart de tour alors que, de toute évidence, Gabriel n'était pas lui-même.

Parfois, Gabriel échangerait bien sa paperasse pour un passage devant Saint Pierre. Evidemment, ces documents étaient peu nombreux, mais d'une complexité inouïes. On ne s'imagine pas du nombre de critère que le Bien doit remplir pour être... oh, Bien, supposait-il. Alors qu'il suffirait de pousser l'Autre Porte pour se laisser aller à une éternité de félicité.

Ce sentiment était particulièrement vrais pendant les quelques mois qui avaient suivit Noël. Il s'était souvent demandé ce qui lui avait pris, pourquoi il avait rejeté si fort ce qui l'attirait le plus.

Mais aucun des deux ne se laisseras aller à ce genre de mélancolie ce soir. Le Seigneur des Mouches envoya une série boulettes de papier brouillon sur les tête d'Hastur, Ligur et Dagon pour leur souhaiter le bonsoir. Le Messager de Dieu agita discrètement la main de loin en direction de Sandalphon, Uriel et Michaël.

"Iel n'a attendu que ça toute la journée. Le premier qui fait une remarque demain matin, je lui cloue l'amphibien ou le reptile au mur, ok?" déclara le Seigneur de la Paperasse aux deux Ducs.

Aucun problème pour eux de respecter l'ordre: ils se souvenaient malheureusement bien d'une journée particulièrement affreuse qu'ils avaient passé à subir la pire des humeurs de Belzébuth après, eh bien, une plaisanterie.

"Il est parfois si pressé d'aller courir.. Mon pauvre frère. Toujours été un peu hyperactif.
-A se demander après quoi il court!"
Uriel grimaça en regardant le visage de Michaël passer par toutes les couleurs.
"Retire ce genre d'insinuation, Sandalphon! Et évite de les repéter devant lui."

Aucun problème pour lui de respecter l'ordre: même l'or de ses dents avait grincé lorsqu'Uriel se faisait réprimander la dernière fois, pour une remarque pourtant anodine. A peine, eh bien, une plaisanterie.

Leurs appartements n'avaient rien en commun. Etroit et sombre, bien que très chalereux, en bas, et large et lumineux, bien que très froid, en haut. Tout deux en étaient au même point, pourtant, se prenant en selfie devant leurs miroirs encastrés dans leurs dressings.

Le portable d'Aziraphale fit un bourdonnement caractéristique. L'une des premières choses qu'il avait fait lorsque Crowley lui avait offert un smartphone, c'était de personnaliser les sonneries de ses contacts, et il en était fier. Il regarda la photo qu'il venait de reçevoir, sourit et répondit en tapant doucement sur son écran.

<Oh chérie, c'est absolument charmant. J'espère que vous vous amuserez bien ce soir. Vous verrez, le be bop est toujours si distrayant!>

Le portable de Crowley vibra. Il détestait profondément avoir les oreilles transpercées par des bruits parasites, et vu qu'il avait toujours son smarphone dans sa poche, cela ne posait pas de soucis. Il saisit ce dernier d'une main et tapota du pouce tout en continuant de vaporiser ses plantes vertes.

<Absolument pitoyable. Vous vous croyez ou? Une soirée de Be bop a lula? Y'a quoi d'autre dans votre très saint dressing?>

Les téléphones sonnèrent et vibrèrent encore quelques fois avant que, finalement, ils se rendent compte qu'ils allaient être en retard! Ajustant son troisième essais de tenue, Gabriel se miracula dans un éclair discret. S'autorisant en dernière minute un raccord pour son rouge à lèvre, Belzébuth émergea du sol.

"Alors, cette soirée be bop?
-Je croyais que ce n'était pas une soirée be bop?"

Ils se retournèrent pour trouver un Ange et un Démon, du genre posté sur terre depuis trop longtemps, en train d'argumenter.

"Mais enfin, ce n'est pas parce que je t'ai demandé de choisir la prochaine sortie avec eux que...
-Oh, mais Belzébuth se serait damné pour danser! J'ai voulu lui faire plaisir...
-Mais une soirée vintage, mon ange, sérieusement?"

Crowley se retourna et regarda l'étrange duo que formaient leurs anciens patrons respectifs. "Ah, y'en a au moins un qui a eu l'info. Chouette style pin-up, Monseigneur. Et toi, le pigeon, tu peux miraculer ta première tenue, elle était parfaite"

Gabriel aurait pu s'agacer de se faire traiter de pigeon mais, déjà, il avait l'habitude. Depuis que les missions de filatures s'étaient transformées en sortie entre "amis", le Démon avait trouvé ce surnom.

"Ben quoi? Il est gris, il a des ailes, c'est une saloperie de pigeon."

Mais pour s'agacer, il aurait fallu que deux neurones répondent. Ces neurones étaient occupées par Belzébuth, en cet instant.

Belzébuth triturait le bord de sa robe d'un air contrit. Iel n'avait pas l'habitude, iel était loin d'être à l'aise, mais iel était surtout complètement excité par l'idée de danser. Prenant avec soulagement le bras que lui tendait la Principauté, iel entra avec lui dans le club

Les deux autres durent bien suivre, mais il faudrait bien quelques verres avant que Crowley et Gabriel n'acceptent de danser.

"Bon, le pigeon, tu comptes l'inviter à danser, maintenant? On ne va pas picoler toute la soirée.
-Ecoute, j'apprécie Aziraphale, mais de là à danser avec lui..."

Le visage de Crowley se figea. Il articula très doucement.
"... C'est moi qui danse avec Aziraphale. Mon. Mien. A moi. Ksssss.
-Pas la peine de faire ton truc de serpent avec moi, vile créature démoniaque. Je ferais d'ailleurs remarquer que Belzébuth est précisément en train de danser avec lui."

Crowley se retourna vivement vers la piste.

"Kssssksksksssss!"

Belzébuth lui tira la langue, mais iel lacha l'Ange malgré tout, puis se dirigea vers Gabriel pour l'entrainer sur la piste de danse.

Et be-bop-a-lula!

🕊🐝

C'est de la seconde chanson de l'album qu'est parti toute l'idée de cette fic. Je le réécoutait en entier parce que j'avais prévu d'écrire une fic ou Aziraphale traversais une crise de foi (et que cet album parle globalement de ça) quand j'ai prêté une oreille plus attentive à "The Afterlife", qui parle, en gros, du fait d'attendre dans une file son jugement après la mort (et que les resquilleurs sont mal vus).

Le narrateur arrive enfin vers Dieu, qui lui chante "Be bop a lula" de Gene Vincent.

Comment ne pouvais-je pas en faire quelque chose SERIEUSEMENT. Y'a pas plus Good Omens que Dieu qui chante Be bop a lula.

So Beautiful or So WhatWhere stories live. Discover now