*Chapitre 6*

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Je m'approche doucement d'elle, pour lui signaler ma présence sans pour autant la brusquer. Je ne sais pas trop quoi lui dire. Je ne lui ai jamais vraiment parlé et j'avoue ne pas savoir comment faire pour lui montrer que je veux simplement la réconforter. Je me risque à lui poser une question : « Quelque chose ne va pas ? » Elle lève la tête vers moi et malgré ses yeux rougis par les larmes, je peux percevoir un air surpris dans son regard. Elle hésite un instant, puis me répond : « Il y a des tas de choses qui ne vont pas. Mais c'est inutile que je te raconte tout ça. Après tout, je ne suis que Lilou-la-peste, celle dont tout le monde se méfie, celle qu'il est inutile de convier aux réunions pour sauver l'école. » Sa dernière phrase me fait frémir. Pas une seule seconde je ne me serais imaginée qu'elle puisse vouloir prendre part à ce projet. Elle qui est toujours en retrait et qui paraît détester tout le monde. Finalement je me suis peut-être trompée à son sujet. Je lui réponds alors :

- Oh... Lilou... si j'avais su. Je pensais que tu ne voudrais pas participer puisque...

- Je sais. Je suis désagréable avec vous toutes. Et je ne t'en veux pas Maëva. Comment pourrais-je t'en vouloir ? Après tout, c'est de ma faute si j'ai cette réputation. C'est moi qui ai décidé de d'être comme ça. De me cacher derrière ce masque de méchanceté. En vérité, seule ma famille sait qui je suis vraiment.

- Il n'est pas trop tard pour que ça change. Moi j'aimerais savoir qui tu es vraiment. Si tu es d'accord pour me le dire.

- Pourquoi pas...

- Ça te dit si je t'offre un chocolat chaud pour qu'on en discute plus tranquillement.

- Avec plaisir. Me répond elle en esquissant ce qui ressemble à un sourire.

C'est ainsi que je me retrouve au café du coin, en face de Lilou, un chocolat chaud devant moi. (Chocolat chaud comportant aussi de la crème fouettée et des marshmallows bien évidemment.) J'étais loin d'imaginer que ça allait arriver un jour, et pourtant je suis heureuse que ce soit le cas. Lilou décide de mettre fin au silence et commence à me raconter son histoire :

- C'est la première fois que je m'apprête à raconter cette histoire. Jusque-là, seule ma famille était au courant. J'espère que je vais y arriver.

- Ne t'inquiète pas. Lui dis-je avec un sourire qui se veut rassurant.

- Lorsque j'avais six ans, mes parents sont partis en voyage pour leur travail. Je ne me souviens plus dans quel pays, ils en ont fait tellement des voyages comme celui-ci, mais je sais que c'était un pays vraiment éloigné de la France. Assez éloigné pour qu'il soit impossible de s'y rendre en téléporteur. Ils ont alors dû prendre l'avion. Mais pendant le vol, l'engin a traversé une tempête. En principe les avions sont conçus pour résister à ce genre d'intempérie, mais là... il faut croire qu'elle était trop puissante pour que l'avion puisse passer outre. Les moteurs ont été réduits à néant et l'avion s'est tout bonnement échoué dans l'océan. Et... tu t'en doute... aucun passager n'a survécu. Pas même mes parents.

Après avoir terminé son récit, les larmes qui perlaient au coin de ses yeux se mettent à couler pour de bon. Je sais que d'une minute à l'autre, je vais me mettre à pleurer moi aussi. Alors je décide de la prendre dans mes bras. C'est tout ce que je peux faire pour le moment. Nous restons comme cela pendant de longues minutes. Jusqu'à ce que j'arrive à lui dire :

- Je suis désolée Lilou. Je suis tellement désolée de t'avoir vu d'un mauvais œil pendant tout ce temps. Tu ne mérites pas qu'on te déteste, loin de là.

- Ne sois pas désolée Maëva. Tu ne pouvais pas savoir. Merci d'être venue me voir tout à l'heure. Et merci de m'avoir écoutée. Tu n'imagines pas à quel point ça m'a fait du bien d'en parler.

- Mais alors, où vit tu depuis tout ce temps ?

- Chez mon oncle et ma tante, avec leur fille Élise que j'ai toujours considérée comme une sœur. Ma mère était la sœur de ma tante et moi je suis un peu celle d'Élise. Jusqu'à maintenant c'était la seule personne avec qui je me sentais bien. Mais, j'ai espoir que ça change.

- Et ça va changer Lilou, je te le promets ! Pour commencer je vais te rajouter sur le groupe, en expliquant aux filles que tu es bien plus gentille qu'il n'y paraît.

Elle me fait un grand sourire, sincère, et je lui rends. Je suis tellement heureuse qu'elle m'ait confié toute son histoire, qu'elle m'ait fait confiance.

Ce soir je vais manger chez ma grand-mère et j'en suis ravie ! Après ce que je viens d'entendre j'ai plus que jamais besoin de ses conseils avisés. Après avoir dit aurevoir à Lilou je me dirige donc vers le téléporteur le plus proche et rentre l'adresse de ma grand-mère. En moins d'une minute me voilà devant l'entrée de sa maison. Je traverse l'allée à toute vitesse et frappe avec entrain à la porte. Lorsque ma grand-mère m'ouvre je me réfugie immédiatement dans ses bras. Puis je lui raconte tout. L'histoire de Lilou, ma culpabilité de l'avoir laissée de côté si longtemps, mon impuissance face à cette situation mêlée à ma volonté de l'aider. Je sais qu'il n'existe pas de solution miracle, mais j'avais besoin de me confier. Les mots rassurants de Mémélie me font du bien : « Tu sais ma petite Maë, il n'est pas toujours facile de savoir que les autres souffrent, surtout quand ils le cachent. Tu ne pouvais pas deviner que cette jeune fille avait vécu tout cela. Mais tu as bien réagi aujourd'hui et tu vas faire en sorte qu'elle aille mieux. C'est le plus important, crois-moi. » Nous dînons ensuite en parlant de tout et de rien autour d'un délicieux gratin de pâtes. Ces moments simples de la vie sont, pour moi, les plus importants et les plus précieux. En sortant je remarque une citation accrochée au mur, il y en a plein ici mais celle-là attire particulièrement mon attention : « La vie est remplie de montagne qu'il faut arriver à surmonter si l'on veut atteindre le sommet de nos désirs. » L'auteur n'est pas cité, c'est curieux car ma grand-mère met un point d'honneur à le faire à chaque fois. Je lui demande alors qui a écrit cette phrase et elle me répond que c'est elle et qu'elle en est très fière. Je la prends en photo et l'envoie illico à Lilou ! Puis j'envoie un message sur le groupe « Salut les filles, je vais ajouter Lilou sur ce groupe. On s'est trompées sur son compte, elle n'est pas celle que l'on croyait connaître. Je vous expliquerai plus tard si vous voulez, mais pour l'instant l'urgence est de ne pas l'exclure plus longtemps du projet. » J'ajoute ensuite Lilou au groupe, en espérant qu'elle réussira à s'intégrer. Elle le mérite.

Danseuse un jour et pour toujoursWhere stories live. Discover now