Chapitre 16 (suite)

Depuis le début
                                    

Je réfléchis à ce qu'il se trame, la situation est différente d'hier. J'en voulais à Pierrot et je me suis vengé. Aujourd'hui, je suis confronté aux méthodes malhonnêtes. Ai-je vraiment envie d'agir ainsi ? Je suis toujours partagé et n'arrive pas à me décider. Ma conscience me tiraille et je ne sais pas si je suis capable de passer à l'acte, de voler pour voler, de délester des gens de leurs biens. J'aimerais trouver une autre solution à la hauteur de mes projets.

Je fonce à l'intérieur pour les empêcher de toucher à quoi que ce soit. Leur réaction est tout à fait infantile. On ne se sert pas chez les individus pour se payer, c'est hors la loi.

Mes confrères ne sont cependant plus dans le garage. Le pied de biche posé sur la marche et la porte arrachée m'indiquent le chemin à suivre. J'ose m'avancer dans la cuisine et crie pour tenter de les dissuader :

— Hey, mais c'est interdit de s'introduire chez les gens...

Personne ne me répond alors que je les entends tous les trois s'agiter. Ils ne prêtent aucune attention à moi. Je franchis le salon où je découvre Tito en train de débrancher le téléviseur.

— Oh là là ! Vous ne devriez vraiment pas faire ça...

— T'as reculé le fourgon ? me coupe Tito.

— Non...

Il soupire outre mesure en voyant ma mine apeurée, mais finalement m'oublie en portant l'objet de ses convoitises vers l'extérieur. Pendant ce temps, Paco et Yankee fouillent dans tous les meubles.

— Vous cherchez quoi ?

— Y a peut-être des bijoux ou des sous quelque part...

— Ah... Les bijoux, c'est plutôt dans les salles de bains ou les chambres en général...

Je me souviens de tous les livres d'enquêtes policières que j'ai lus et il est évident que les trois joyeux lurons sont des amateurs, comparés à Arsène Lupin et tous les personnages malhonnêtes qui illuminent mes nuits. Après quelques minutes d'observation, tous les défauts de cette intervention me sautent aux yeux : aucun n'a mis de gants, ils farfouillent de manière désorganisée, personne ne fait le guet, les fourgons sont garés en plein milieu de l'allée alors qu'il n'y a qu'une sortie, et le pompon, ils opèrent en plein jour...

J'ai très envie de prendre mes jambes à mon cou et de m'enfuir en courant. Je redoute d'être surpris par le propriétaire de la demeure, s'il venait à arriver, nous serions faits comme des rats.

Je repense également aux propos de Pierrot et ne veux pas devenir le vaurien auquel il songeait. C'est absolument contraire aux valeurs de travail qu'il m'a inculqué durant toutes ces années. Mais planté au milieu du salon, j'observe les membres de ma famille s'affairer à chercher. Ces personnes qui prennent aujourd'hui soin de moi et qui me soutiennent. J'ai envie de les aider, de leur donner moi aussi quelque chose et leur prouver que je ne suis pas ingrat. Impossible de les laisser tomber, je vois bien qu'ils ont besoin de moi, que je peux leur être utile. Ils ne doivent pas penser que je suis un dégonflé ! Sur le coup, être un des leurs, pas juste pour les bons côtés, est mon souhait le plus cher. Ils m'ont apporté leur soutien dans les moments difficiles, sans me juger et m'ont proposé du travail. Je ne dois pas me voiler la face, rejeter leur façon d'agir et de vivre, toutes leurs habitudes. Ils sont ma famille quoi qu'il advienne, nous avons le même sang, je suis un gitan, moi aussi. Après tout, leur cause est assez noble. Ils bossent pour gagner leur vie et un sale riche du genre de Pierrot ne les a pas rémunérés. Il a abusé de leurs services et a volé leur temps. Il n'a que ce qu'il mérite, profitons-en et mettons à exécution notre propre justice.

Plus vite nous chargerons, plus vite nous pourrons décamper. Alors, je fonce vers la chambre à coucher pour la fouiller de fond en comble. Je soulève en premier le matelas, puis le sommier et en examine avec soin la texture. Rien ne m'interpelle. Je retire les deux tiroirs des chevets pour les vider sur le lit et vérifier leur contenance. Du côté de monsieur, j'y trouve une chevalière en or que je glisse dans ma poche, et côté madame, quelques colliers fantaisie sans valeur.

— Hey Scar, t'avais raison, les bijoux sont dans la salle de bains... m'indique Paco en me rejoignant dans la chambre. Oh putain, t'y vas pas de main morte quand tu t'y mets...

Je tire les tables de nuit pour vérifier derrière et dessous, sans succès. Paco vide les tiroirs de la commode tandis que je me tourne vers le placard mural. Je balance au milieu de la pièce tous les vêtements pliés ou suspendus. Je ne fais pas dans la dentelle, je me dépêche et catapulte tout ce qui me passe dans les mains, pris de la même frénésie destructrice que quand je me trouvais avec Tito dans la palombière. J'attrape, arrache, jette sans aucune précaution. Une fois l'armoire vide, je suis encore plus enragé de n'avoir rien dégoté. Je me tourne vers un cadre géant affichant une photo de deux jeunes mariés. Je le saisis et avec toute la force dont je suis capable, je l'envoie s'écraser sur le sol. Le verre se brise sur le carrelage et lorsque je me retourne pour admirer les éclats, je repère le dos du cadre, tapissé d'enveloppes.

— Seigneur ! s'exclame Paco un large sourire aux lèvres... Toi, t'es malin !

Nous nous jetons en même temps sur le tableau explosé pour vérifier les contenances, et à notre plus grande satisfaction, nous découvrons quatre enveloppes de billets de cent francs. Je laisse mon frère les enfourner dans les poches de son blouson sans même prendre le temps de compter, puis il hurle en se dirigeant vers la sortie.

— Allez, on dégage !

Fou* : insulte

SCAR - Pour le plus grand malOù les histoires vivent. Découvrez maintenant