Chapitre 3

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Depuis que j'ai appris pour mon nouveau handicap, je ne fais que pleurer.
Je n'arrive pas à calmer ma douleur. Ma douleur interne, car la morphine de ma perfusion fait très bien effet, je ne ressens aucune sensation dans mon corps.
Je n'ai pas dormi de la nuit. Hier soir -finalement on était le soir et non le matin- lorsque le médecin m'a expliqué que je devais rester deux semaines ici, j'ai pleuré. Et depuis, je n'ai pas su m'arrêter. La femme qui l'accompagnait est une infirmière. Flore s'est proposée pour s'occuper de moi pendant mon séjour à l'hôpital. Je n'ai pas pu lui répondre.
Elle m'a expliqué après le départ du médecin, que l'hôpital offrait des cours de langue des signes pour les jeunes muets et sourd comme moi.
Je n'ai rien dit, ne pouvant pas, mais intérieurement, savoir que je ne pourrais plus jamais utiliser ma voix pour converser avec quelqu'un m'a brisé un peu plus que je ne l'étais.
Flore m'a aussi prévenue qu'elle allait appeler mon frère. Ma seule famille à présent.
Je ne sais pas s'il voudra encore de moi. Si malgré mon handicap, mon silence, il m'acceptera.
J'ai angoissé toute la nuit. J'ai essayé de me souvenir mais rien, je ne me souviens plus.
Le bruit de la porte qui s'ouvre me fait soudainement sortir de mes pensées.
Face à moi se trouve mon frère, mon jumeau, Alix.
Lorsque son regard se pose sur mon corps, je vois ses yeux s'embuer de larmes.
Alix se précipite à mes côtés et me prend dans ses bras brusquement.

- J'ai eu tellement peur. Les médecins m'ont dit. Papa et maman sont...

Mon frère baisse la tête et une larme coule le long de sa joue.
Je sens moi aussi les larmes me monter aux yeux. Je ressens encore plus de tristesse maintenant. Mon frère et moi sommes orphelins.

- Le médecin m'a aussi expliqué pour toi Leeah. Je te promets que je ferais tout pour que tu t'en sortes. On va prendre des cours de langue des signes, on va faire tout pour que tu redeviennes la même qu'avant. Je ne veux surtout pas que tu te renfermes sur toi même à cause de ton nouveau handicap. Tu es forte Leeah, on est fort donc on va s'en sortir.

Ne pouvant rien dire, je me contente d'hocher vivement la tête.
Mon frère renifle. Il sort ensuite de sa poche un paquet.

- J'ai... j'ai pensé que tu aimerais communiquer avec moi par écrit le temps de prendre tes cours... alors... je sais que ce n'est pas grand-chose mais en venant jusqu'ici, je suis passé devant une boutique et il m'a tout de suite plu, et j'ai pensé à toi.

Mon jumeau dépose le paquet sur le drap, entre mes mains. L'emballage n'est pas très joli mais l'effort qu'il a fait me rend heureuse. Il ne me rejette pas et il me soutient même. J'acquiesce un sourire -faible- et ouvre délicatement le cadeau.
Un carnet en cuire apparaît dans mon champ de vision. Une corde entoure les pages sur plusieurs tours et le maintien fermé.
Un stylo argenté accompagne le tout ainsi qu'une petite règle.

- La règle serra lorsque tu changes de conversation, de jour ou encore à la fin d'un message. J'ai trouvé que ce serait bien. J'ai acheté plusieurs exemplaire de ce carnet. L'usage premier serait pour la communication, mais si tu veux les utiliser pour écrire ce que tu ressens ou autre, ne t'en fait pas, j'ai demandé au gérant de la boutique de m'en garder d'autres de côté.

Mon frère passe anxieusement sa main sur sa nuque. Il a peur que je n'accepte pas son cadeau.

Une idée me vient en tête et je me saisit du livre. Je l'ouvre à la première page et me saisit du stylos.
Je commence à aligner plusieurs mots et le papier comment à se noircir sous mes phrases.

Une fois le résultat satisfaisant, je tends le carnet à mon frère qui s'en saisie à son tour.

MuetteWhere stories live. Discover now