Crocs Célestes [StinLu]

Chapitre 1 : Un matin blanc

C'était, dit-on, l'heure qu'il fallait pour sortir des rêves. L'aube avait soulevé le voile de la nuit. Les premiers rayons du soleil s'invitaient dans la chambre, inondant de lumière les murs et les draps blancs. C'était précisément dans cette blancheur que Lucy Heartfilia s'éveillait, soumise à ce nouveau jour qui s'imposait, avec cette étrange impression de venir au monde pour la première fois. Luttant pour ne pas ouvrir les yeux, elle se détourna de l'insolent soleil pour se replonger dans les draps ensommeillés. Mais le matin n'apprécie guère de se faire ignorer. La tête de la belle endormie bourdonnait. Un gémissement se fit entendre, poussé du fond de sa gorge ; et un mouvement en entraînant un autre, les draps se froissèrent. Bientôt, une main vint effacer la grimace qui crispait son visage. Elle la sentit se poser librement dans le creux de ses reins, attirant son corps dénudé vers un autre. C'est tout naturellement qu'elle accepta cette enveloppe charnelle. Une autre main se glissa dans ses cheveux. Sa tête ne résonnait plus.

***

Moite. Lucy se sentait moite. Et pour cause, il lui semblait qu'elle était drapée d'une flaque de chair. Un parfum inconnu chatouillait son nez. Apaisant, léger mais audacieux. Un parfum nacré, évidemment masculin. Ses paupières s'ouvrirent dans un battement de cils engourdi. Tout était flou. Elle vit d'abord sa propre main, dont les doigts fins avaient trouvé refuge sur un torse nu aux muscles saillants, à quelques centimètres de sa poitrine affranchie, puis leva l'œil, et les deux regards finirent par se rencontrer, somnolents.

Sauvage. C'était le premier mot qui lui venait. L'homme étendu face à elle la regardait sans expression. Ses yeux froids, malicieusement étirés, étaient perçants, impénétrables, magnétiques. Ses cheveux blonds désordonnés lui prêtaient un air fauve. Le tout était fin, confiant, félin, envoûtant. Elle ne pouvait plus le lâcher. Sans doute s'en amusait-il — malgré son détachement apparent —, puisque, voulant l'extraire de sa torpeur, la main qu'il avait tantôt glissée dans son dos effleura indécemment la courbe de sa hanche. Elle frémit, il étira un sourire.

L'esprit lui revint. Une pluie de pensées s'y abattit. Elle le reconnut. Mais comment s'étaient-ils retrouvés dans une telle situation ? Sa mémoire défaillante lui apparaissait par fragments. Une soirée mouvementée, bousculée d'éclats de rire, de regards, de rougeurs. Des montées de chaleur, et des danses délivrées de pudeur. Une autre nuit de fête, peu après le Grand Bal organisé par le roi à Crocus, pour fêter la réussite du plan Eclipse en même temps que la fin des Grands Jeux Magiques. Une fois de plus, chaque guilde de Fiore avait été invitée, par pure gourmandise, dans l'unique espoir de se plonger dans une nouvelle folie nocturne. Lucy se rappelait. Les effluves d'alcool lui avaient semblé quasi palpables. Néanmoins, l'invitation ne comportait pas le tampon royal. Elle était signée de la marque de Sabertooth, la guilde pourtant rivale de Fairy Tail, gonflée de mépris envers les guildes plus faibles. Mais chacun savait que, depuis que Jienma n'était plus le maître, la guilde, autrefois tant redoutée, avait bien changé. C'est pourquoi personne n'avait osé décliné la promesse d'une nuit baignée de joie ; tous, bien au contraire, s'étaient emplis d'excitation. Restait à savoir comment Lucy avait pu se trouver dans cette chambre où tout lui était inconnu ; tant les draps que les bras.

« Bien dormi ? »

Sting Eucliffe. C'était précisément dans les bras du nouveau maître de Sabertooth que Lucy s'était réveillée. Sa question, d'un sarcasme aigu, était évidemment pleine de sous-entendus, et cela n'avait pas échappé à la jeune constellationniste. D'une simple phrase, il l'avait figée. Une claque de vertige qui balaya ses doutes. Ils avaient bien franchi la nuit, à deux. Et Lucy savait, comme l'intime certitude que chacun garde, que le passé était à jamais paralysé. Elle déglutit, difficilement, maladroitement ; il l'avait asséchée.