Chapitre 15

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Je suis morte. J'en ai la certitude. Ce que je ne comprends pas, par contre, c'est cette douleur qui est toujours présente. J'ai l'impression que mes cellules vont exploser, que je me consume de l'intérieur. Ma conscience est coincée dans mon corps et en est prisonnière. Je voudrais hurler mais une force inconnue m'empêche de prononcer le moindre mot. Je ne peux pas bouger. Je ne vois rien, je n'entends rien. J'ai juste mal. Et puis il y a aussi cette impression de tomber dans un gouffre infini. Je suis effrayée à l'idée que cette sensation soit mon châtiment pour l'éternité. Je ne suis peut-être pas une véritable héroïne mais je ne pensais pas de mon vivant que je finisse au Tartare. J'aurai peut-être dû éviter de m'en prendre constamment aux dieux.

Au bout de ce qui me semble être une éternité, enfin je ne sais pas vraiment vu que toute notion du temps semble avoir disparu, ma chute s'arrête enfin. Je cligne plusieurs fois des yeux pour m'habituer à la luminosité de l'endroit dans lequel je me trouve. Je me redresse avec difficulté et observe ce qui m'entoure. La douleur semble s'être momentanément calmée. Tout me paraît trop lumineux, trop doré pour être le royaume d'Hadès. Mais je ne suis pas non plus dans l'infirmerie de la Colonie. Un raclement de gorge me tire de mes pensées. Je fais volte-face et me retrouve nez à nez avec mon père. Il a l'air plus fatigué que les rares fois où je l'ai croisé. Il a perdu cet air d'adolescent au sourire digne d'une pub de dentifrice qu'il arbore à chacune de nos rencontres. Il a même l'air terrifié. Pourtant il est habillé comme un demi-dieu de la Colonie avec des cheveux blonds ébouriffés. Il ressemble trait pour trait à tous les pensionnaires du bungalow, avec cet aspect on ne dirait pas qu'il est un dieu vieux de plusieurs millénaires.

- Papa ? je lui demande avec une voix érayée.

- Rose, je n'ai pas beaucoup de temps. Zeus cherche à me punir pour ce qu'il s'est passé, il pense que je lui ai désobéi.

- Mais qu'est-ce que tu fais ici dans ce cas ? Tu ne devrais pas être sur l'Olympe ? Et puis qu'est-ce que je fais ici ? Est-ce que je suis vraiment morte ?

- Une question à la fois ma fille. Si Zeus découvre ma présence ici il me tuerait sur le champ mais je devais venir te parler. Ce que tu as fait avec Hugo est incroyable. Personne ne peut le faire normalement mais tu as survécu. Enfin pour l'instant car cet acte n'est pas sans conséquence. Tu n'échapperas pas éternellement à Hadès. Pourquoi tu ne m'as pas écouté, Rose, quand je t'ai dit d'arrêter ? Pourquoi tu n'en fait toujours qu'à ta tête ?

Voyant que je m'apprête à lui répondre il me fait signe de me taire et continue son discours.

- Tu tiens certainement ça de moi, ou alors de ma sœur parce que par bien des égards tu me fais penser à elle. Comme je te le disais je n'ai pas beaucoup de temps. De grandes menaces pèsent sur la Colonie mais je ne suis pas en mesure d'en savoir plus pour l'instant. Et après le châtiment de Zeus je doute d'être en capacité de le découvrir. Mais toi tu peux le faire. Avec Hugo vous faites parties des demi-dieux les plus puissants. Votre force repose sur le fait que vous soyez deux, sur votre unité. Ne l'oublie jamais, tu n'es pas seule. Vous êtes, avec tes frères et tous mes autres enfants, mes plus grandes créations. Je ne peux pas rester plus longtemps. A bientôt Rose.

Il disparaît et emporte avec lui toute la lumière de cet endroit. La douleur reprend tout comme ma chute dans les ténèbres. Au moins je ne suis pas morte, du moins pas encore. Pour tenter d'apaiser la douleur qui me déchire les entrailles je ferme les yeux et repense à tous les moments joyeux de ma vie. Mon arrivée à la Colonie. Ma première rencontre avec Percy. Les après-midi passées avec Will. La découverte de Cassie, et le lien fraternel grandissant avec Alex. Mon premier baiser avec Connor. Les journées passées sur l'Argo II. Les derniers jours passés avec Hugo. Les silences que je partageais avec Léo à l'abri des regards dans le bunker 9. Tout me revient mais ma chute ne s'arrête pas. Je décide finalement d'ouvrir mes yeux, de me battre pour vivre. Je pensais ne jamais vouloir être une sang-mêlée, que le destin m'avait forcé à vivre cette vie-là jalonnée de combats mais en réalité je ne pouvais pas avoir eu vie plus heureuse. Je n'étais pas seule. Je ne suis pas seule. Toute ma famille est à la Colonie et je ne peux pas les abandonner comme ça. Je hurle alors à m'en déchirer les cordes vocales. Je hurle jusqu'à me libérer de cette force inconnue qui me forçait au silence et qui m'entrainait dans une chute sans fin. Je hurle et soudain la douleur se calme peu à peu. Je commence à distinguer des voix qui me sont familières. Je sens la fraicheur d'une compresse humide sur mon front. J'ouvre les yeux.

Rose Hathaway, sang-mêlée malgré elleWhere stories live. Discover now