Chapitre 22

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"La vie devrait toujours être un lieu de retrouvailles. On devrait s'aimer comme si on allait se quitter."

Nadine Monfils

Loïc avait chevauché des jours durant pour atteindre la nation de Cranis. Les vampires. Elle les haïssaient plus que tout au monde. Une haine purement politique et raciale. Elle n'aimait rien en eux et elle ne savait pas pourquoi.

Opinion sociale peut-être.

Elle se mit en quête de l'établissement où séjournait Claé. Si tant est qu'elle fut encore dans cet établissement. Tout en marchant, elle se mit à penser à cette petite femme aux cheveux vermeille qui avait fait battre son cœur le temps d'un mois. Une attirance autant physique que morale. Elle avait alors dix-huit ans quand elle était tombé sous le charme de cette intrigante sorcière qui n'en avait alors que seize. Son corps fin et déjà sculpté pour le combat, son grain de beau extraordinairement blanc, ses yeux cristallins et ses cheveux de sang, soyeux. Ô non, elle ne l'avait pas oublié, que la lune en soit témoin, l'amour qu'elle portait à Claé avait évolué, il n'était pas cette passion dévorante mais un sentiment d'attachement extrême. Nostra représentait sa passion, elle en était éperdument amoureuse, mais Claé restait dans ses pensées. Elle qui avait fait goûter l'exaltation des sens, la sensualité à cette femme hors-norme. Elle l'aimait mais elle insupportait tout autant. Froideur. Éloignement.

Après deux jours de recherche actives, Loïc commença à se demander si elle n'avait pas simplement trépassée. Elle écarta bien vite cette idée. Elle l'aurait sentie, elle aurait su.

La capuche d'or rabattue sur ses cheveux bruns, Loïc continua d'avancer au travers des rues. Elle en avait déjà parcouru pas moins de cinquante de long en large, cherchant cette chevelure vermeille. Ses recherches ne l'avaient menées nulle part encore. Elle s'arrêta donc à l'ombre d'un grand arbre recouvert de neige. Il faisait jour et peu de vampires étaient de sortie, ce qui facilitait la tâche de Loïc.

Un coup de vent violent lui fit tourner la tête vers la droite, vers une ruelle sombre, où personne n'aurait fait attention à cet indice. Mais Loïc n'était pas tout le monde. Elle traversa la rue lentement, sur ses gardes. Arrivée à l'angle de la rue elle lissa choir son gant et se baissa pour le ramasser, inspectant ainsi les gouttes de sang qui s'étalaient légèrement sur la poudreuse. Elles venaient des toits. Elle releva la tête, la baissa à nouveau puis recouvrit les traces de neige avant de rentrer se changer.

Une piste.

Une seule.

Et pourtant elle sentait qu'elle allait retrouver Claé.

Elle profita de l'aurore pour grimper sur les toits, au même endroit où elle avait alors repéré la trace. Une fois les pieds sur les pierres elle se mit en quête de ces fameuses tâches de sang. Courant de toit en toit, glissant, roulant sur le dos, échappant à la vue de certains rêveurs, elle finit par suivre tout un chemin tracé par des pieds nus et des pas irréguliers, ensanglantés.

Trois heures, il fallut trois heures à Loïc pour apercevoir le corps d'une femme étendu sur le ventre. Elle courut, à foulées retenues, et, approchant du corps. L'espoir de retrouver Claé s'effondra.

Le corps appartenait à une femme habillée assez étrangement, aux longues manches s'étirant sur un mètre au moins. Mais le plus frappant fut le visage, ou du moins ce qu'il en restait, de cette femme. Quand Loïc souleva la tête de la femme par la chevelure, la moitié du crâne resta dans la main et l'autre moitié roula le long du toit. Elle l'arrêta net avec son pied. Rattrapa cette moitié et la reposa avec le corps. En y faisant plus attention, elle remarqua que la femme avait été découpée nettement en pléthore de morceaux inégaux. Le froid avait peut-être cautérisé les vaisseaux empêchant ainsi le sang de s'écouler, mais Loïc était sûre qu'il n'y avait que la chaleur pour cautériser ainsi des plaies de cette envergures.

Étrange meurtre.

Elle regarda autour d'elle puis repartie, l'esprit préoccupé par la disparition de Claé et la découverte de ce corps. Et si elle avait été découpé elle aussi ?

Non... Claé savait se débrouiller. Elle ne pouvait pas mourir aussi bêtement.

Sa pensée se confirma quand, après plusieurs heures encore, son ventre gargouillant, elle apperçut la chevelure sanglante de la sorcière qu'elle cherchait depuis des jours. Claé était vivante. Claé était frigorifiée.

¤ ¤ ¤

- Comment m'as-tu retrouvée ? Demanda Claé en buvant une tasse fumante de thé.

- Tu as laissé la moitié de ton sang partout sur les toits de Cranis, ça n'a pas été très dur. Je ne sais même pas comment tu fais pour être encore en vie.

Claé haussa les épaules, retint une grimace et caressa son flanc. Loïc avait pensé et nettoyé sa plaie comme il fallait. Mais la plaie restait douloureuse. Une côte cassée et les chairs déchirées, Loïc avait passé plusieurs heures à la soigner.

- Il faut que tu rentres tu ne peux pas rester ici, blessée. Je te ramènerai puis je reviendrai finir ta mission comme tu...

- Non. Répliqua calmement Claé. Non tu ne finiras pas ma mission.

- Et pourquoi cela ? Tu es blessée et actuellement inutile. Tu t'es faite repérée par tous les vampires de la nation et il ne te manque qu'un avant poste à trouver. Tu seras bien plus utile à réciter les incantations pour la barrière et entraîner les petites filles à se battre.

- Non.

Loïc soupira. Elle ne devait pas s'énerver. Le calme et la sérénité devait rester maître d'elle. Mais qu'est-ce qu'elle avait envie de coller sa main contre la joue de cette insolente. Claé et son éternel orgueil.

- Pourquoi...

- Je dois tuer le roi.

Le silence s'abattit sur la petite pièce louée par Loïc. Tuer le roi... Folle ambitieuse. Elle ne pourra pas le battre. Son regard tomba sur le bandage recouvrant la poitrine et les flancs de Claé. Toujours aussi fine. Elle posa sa main sur l'épaule de cette dernière et fit courir ses doigts sur sa peau. Caressa quelques mèches de la chevelure vermeille, se pencha et...

- Comment va Nostra ? Drylha ? Comment va ma bisnonna ? Questionna alors Claé, la mine passive et fermée.

- Bien.

Ainsi passèrent les jours, les quelques jours, paisibles et ponctués de tentatives de possessions de Loïc. Claé était passée à autre chose, elle ne ressentait plus rien pour Loïc, elle n'avait jamais rien ressentie d'autre que du désir physique pour elle, et c'est ce qui l'avait poussée à ne plus la voir ; l'attachement de Loïc avait fait fuir Claé. Elle n'ouvrirait plus jamais son cœur à personne. Plus depuis la disparition de sa mère.

Obsession ◊•Tome1•◊ (en correction)Where stories live. Discover now