Les Techs - Tome 1 : les secrets du Laboratoire

Partie 119 : l'histoire du Professeur Milley

— Les CAA ?

— Chercher, Attendre et Accueillir les extraterrestres, dit Josh de sa voix la plus digne.

Il sait très bien quelle réaction ce genre de déclaration déclenche d'habitude. Mais Milley ne rit pas, elle se contente d'un léger sourire avant de remarquer :

— Oui, j'ai vu que vous étiez proche de 4... Si vous le voulez bien, tous, nous allons commencer par là. La découverte de la matière tech. Le début de toute l'histoire. »

Assis de leur mieux dans le couloir, attendant patiemment d'entrer dans le plus secret des secrets du Laboratoire, les Techs et leurs invités écoutent le professeur Milley.

« Les premières cellules techs ont été découvertes dans les traces d'un astéroïde qui s'est écrasé sur la Lune. On ignore d'où elles viennent. Elles ont immédiatement attiré l'attention des scientifiques de la base Sigma qui ont cherché à dévoiler leurs capacités. Elles réagissaient très étrangement et surtout elles se sont multipliées spontanément. Autrement dit, les cellules techs sont vivantes.

» On les a immédiatement rapatriées sur Terre et j'ai eu la chance de participer à leur étude. Et même si je suis aussi incapable que n'importe qui d'autre d'expliquer de quoi est composée la matière tech, j'ai découvert comment la programmer et lui faire adopter les caractéristiques d'autres matières. La connexion qui existe entre tous les objets techs a été découverte par hasard, comme souvent, mais on m'en a attribué le mérite aussi. Et, le plus important, nous avons réussi à multiplier à volonté le nombre de cellules tech. Autrement dit, tout était prêt pour la commercialisation, avec d'énormes bénéfices et d'énormes impacts à prévoir sur la vie de chacun. Nous aurions préféré agir avec prudence, nous n'étions même pas sûrs que cette matière soit sans danger pour l'homme, mais la SRAM s'était créée et avait acheté tous les droits possibles et imaginables sur ces cellules. Les membres de l'équipe à laquelle j'appartenais ont subi toutes sortes de pressions, et certains des plus haut placés se sont mis à disparaître, ou à renoncer sans raison apparente à tout travail scientifique. D'autres ont accepté des salaires faramineux pour travailler avec la SRAM. Et quand ils m'ont expliqué que j'avais le choix entre travailler pour eux, à leurs conditions, et disparaître à mon tour, je les ai suivis.

» C'est à peu près à ce moment-là que ma fille est née. Nora.

L'intéressée fait face au professeur, les genoux remontés devant la poitrine, dans une attitude qui la fait paraître incroyablement plus jeune que ses plus de trente ans — comme si elle voulait forcer le temps à revenir en arrière et à lui rendre l'enfance qu'on lui a en partie volée. Elle ne dit rien et Milley continue :

» Je n'ai pas voulu prendre de risques à cause d'elle. Et de mon mari, même si à l'époque ça n'allait déjà plus aussi bien entre nous... J'ai joué le jeu et j'ai participé à la mise en place de la toute-puissance de la SRAM. Et j'ai vu ses conséquences. J'ai calculé les conséquences qui allaient suivre. J'ai fini par avoir le courage de les trahir. Je n'ai pas été enlevée, Nora, je me suis enfuie. Je voulais leur faire croire que si j'étais capable d'abandonner mon mari et mon enfant comme ça, en partant comme un voleur, c'est qu'ils n'avaient aucune valeur à mes yeux. Je voulais qu'ils croient qu'il était inutile de vous menacer pour me faire obéir, que ça ne me ferait rien. Je suis restée un moment à la SRAM, après avoir quitté la maison, et quand j'ai enfin pu leur fausser compagnie j'ai cherché refuge auprès du gouvernement. La SRAM commençait à peser trop lourd à leur goût dans la balance et je pensais qu'ils seraient ravis de mettre la main sur la fameuse nouvelle technologie dont on n'arrêtait pas de parler à l'époque — c'était avant que les médias ne rebaptisent ça du tech, bien sûr.

» Mais ils avaient été corrompus par la SRAM bien avant que j'arrive et je me suis adressé aux mauvaises personnes. L'Alliance, telle qu'on la connaît aujourd'hui, venait tout juste d'être créée, et la SRAM avait beaucoup aidé à cette fondation.

» Je ne l'ai pas su tout de suite. Quand le gouvernement m'a demandé de participer à un projet sur la matière tech, dans un endroit où je pourrais travailler en toute discrétion, j'ai accepté. J'ai même pensé que la SRAM n'allait pas tarder à tomber et que j'allais pouvoir retrouver ma famille sans la mettre en danger. Je ne dis pas ça pour que tu me pardonnes, Nora. Si je l'avais vraiment voulu, j'aurais pu rester. Nous aurions pu fuir ensemble. Mais j'ai pris les mauvaises décisions et je n'ai jamais réussi à revenir en arrière.

La voix du professeur Milley est calme et posée, aussi sereine que celle de 3 tout à l'heure. Nora l'écoute et ne répond rien. Elle laisse les larmes couler sur ses joues sans faire un geste pour les essuyer. Le professeur jette un coup d'œil autour d'elle, voit que tout le monde l'écoute toujours aussi attentivement, et continue son récit :

» On m'a d'abord demandé de travailler sur la création d'organismes vivants en tech, en créant de l'ADN animal. J'ai tout de suite commencé par de petits mammifères. Stones m'a rejointe à ce moment-là et ensemble nous avons réussi à accomplir de véritables miracles. Je n'avais jamais entendu parler de lui avant. Il m'a raconté qu'il était un peu dans le même cas que moi — pourchassé par la SRAM et vaguement protégé par le gouvernement. Et il m'a également parlé d'un troisième participant. On ne savait pas trop s'il représentait une menace ou un espoir. Un certain M. Edmund. Qui manipulerait le projet dans l'ombre depuis le début, et forcerait l'Alliance à passer à la vitesse supérieure. Enfin, en tout cas c'est que lui-même affirmait.