XX-Enterrement

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Cela faisait maintenant 2 semaines qu'Abi était rentrée chez elle et ce matin là, je me présentai à sa porte, non pour lui délivrer les délices d'Elisabeth mais pour l'accompagner à l'enterrement. Je n'eus pas besoin de faire retentir la sonnette qu'elle ouvrait déjà la porte. Elle n'avait pas besoin de parler, ses mains tremblaient d'anxiété et son corps m'envoyait des effluves de nervosité. Sans un mot elle me suivit dans l'allée et me laissa lui ouvrir la porte de la voiture. Les cernes avaient creusées son regard, s'accordant parfaitement à sa tenue.

Elle le voulait mais redoutait ce moment. Il devait être le premier jour de son deuil mais aussi le plus douloureux. Une cérémonie religieuse avait été organisée, sobre et intime. Au milieu de la petite chapelle, trônait le minuscule cercueil de bois sombre aux poignées dorées. Bien que tout le personnel de l'hôpital appréciait Abi, j'étais le seul à avoir eu le courage d'assister à l'enterrement. Les sentiments qu'Abi leur communiquait ces derniers temps les gênaient. Elle les rendait triste et désemparé comme elle-même l'était . Alors que pour moi, ils étaient comme une drogue. Ils me rappelaient ce que c'était que d'être humain. Ils avaient le goût doux et sucré de l'humanité contrairement à ceux des vampires, qui comme nos sens, étaient exacerbés et violents. Bien entendu, je préférais de loin sa joie, mais sa tristesse ne m'embarrassait pas, elle me blessait et m'obligeait à accepter mon échec. Oui, je me sentais coupable de ne pas les avoir sauvé tous les deux. Le bébé mais aussi Abi car je savais qu'elle n'aurait pas la force de continuer sans cet espoir de pouvoir, un jour, enfanter de nouveau.

Je me tournai vers elle et regardais son visage baigné de larmes, sa vulnérabilité s'était incrustée sur ses traits et je ne pus m'empêcher de me demander si, un jour, je reverrais cette femme épanouie que j'avais rencontrée quelques mois plus tôt. Nous n'étions que 4 autour du petit cercueil, Abi, son mari en retrait, comme lors de notre première rencontre, le prêtre et moi.

Elisabeth avait toujours évité de se mêler aux humains, la tentation du sang frais lui faisait toujours peur même après toutes ces années. Et bien qu'elle soit anéantie par l'épreuve qu'Abi traversait, une épreuve qu'elle avait elle-même connu, elle ne trouva pas la force de m'accompagner.

Nous étions donc en comité plus que réduit.

Avait-elle fait le vide dans sa vie?

Avait-elle, toujours été seule, comme aujourd'hui ?

Ou bien, ses sentiments avaient-ils fait fuir ses amis?

J'étais révolté qu'elle doive traverser seule cette épreuve et je remerciais Dieu de m'avoir donné une famille et surtout Elisabeth.

En silence nous passâmes de la chapelle au cimetière où une plaque de marbre attendait son petit habitant. Ce fut un instant douloureux, même pour moi. Je sentais son âme crier son désespoir de le voir partir pour toujours. J'entendais son cœur implorer Dieu de l'emmener avec lui.

Pour que son bébé ne soit pas seul, pour qu'Abi ne soit plus jamais seule.

Après l'inhumation, elle resta longtemps à contempler l'obscurité du trou, dans lequel on avait déposé son enfant. De ma position, je ne pouvais pas voir son expression mais aux tremblements de ses épaules je savais qu'elle pleurait, encore. A la tombée de la nuit, je m'avançai vers elle et avec une douceur dans la voix que je ne me connaissais pas, je dis :

-Abi, il faut y aller, il se fait tard. Tu vas attraper froid.

Elle ne répondit pas, mais me suivit jusqu'à la voiture.

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