XVIII-Mon ange

4 2 0
                                    


L'allée et le jardin étaient recouverts de pétales de fleurs blanches et roses. Les arbres et les tonnelles étaient revêtus de rubans d'organza, de même couleur entremêlés de fils d'or qui s'agitaient sous le vent. Des bouquets de roses, aux couleurs pâles, balisaient un chemin amenant jusqu'au fond du jardin où trônait une statue de pierre blanche en forme d'ange sous laquelle était inscrit :

ELISABETH

NOTRE MERE

MON AME SOEUR

L'ange souriant avait les traits, le sourire et le regard de celle qui fût mon amour. J'en fus bouleversé, ainsi elle serait immortalisée. Je n'aurais pu rêver plus belle représentation d'elle, entourée de ces fleurs dont les couleurs suggéraient amour et bonté.

Je m'avançai et frôlai ce visage dur et froid comme l'avait été le sien. Mon cœur se serra, comme écrasé dans un étau, laissant échapper un gémissement de tristesse. Cela faisait plusieurs semaines, maintenant, que la douleur ne me quittait plus comme une fidèle amie qui aurait remplacé Elisabeth.

Comment vivre sans elle ?

Comment survivre sans toi ?

Ce fût un murmure, une prière.

Il me faudrait beaucoup de temps avant de pouvoir lui parler comme avant, comme si elle était là, avec moi. Mais aujourd'hui, c'était trop tôt, la douleur était trop vive. Ma voix affaiblie par l'émotion refusait de porter les mots de ma souffrance. Je remis mes lunettes noires, ultimes remparts de mon chagrin face au monde extérieur qui continuait de me narguer.

Le pasteur arriva accompagné du reste de ma famille. Submergé par l'émotion, je me tournai vers eux.

-Merci.

Le son de ma voix fut si faible que le pasteur ne l'entendit pas, mais je savais, que eux, l'avaient entendu. Nathaniel posa sa main sur mon épaule, ce qui m'arracha un rictus censé être un sourire timide de reconnaissance. Outre ma peine, il m'était difficile de les voir souffrir aussi.

La cérémonie commença et tous étaient présents :

Thï et Donatien enlacés.

Irina s'accrochant désespérément à la paume de Natasha, comme si elle avait été une bouée, l'empêchant de couler.

Angèle était aux côtés d'Ulis, le visage fermé et la mâchoire scellée.

Tous avaient les traits tirés par la fatigue et le chagrin.

Il y avait aussi Sacha et sa famille qui avaient fait le voyage dès qu'elles avaient su pour Elisabeth. Leur colonie était, à ma connaissance, la seule à avoir adopté la même philosophie de vie que la nôtre.

Tous l'avaient aimé, comment aurait-il pu en être autrement ? Elle qui fût la générosité incarnée.

Je les enviais ces humains. Aujourd'hui, j'enviais leurs larmes, demain leur mortalité.

Le pasteur entama la cérémonie, les textes divins qu'il prononçait, résonnaient en moi comme un écho à ma souffrance. Ils me ramenaient à ma foi en dieu qui ne m'avait jamais quitté depuis mon enfance. Mais aujourd'hui, je doutais, rien dans les écrits religieux ne pouvait justifier une telle douleur. Rien ne justifiait que l'on perde l'être aimé.

La présence d'un autre chagrin, plus humain, me détourna des pensées blasphématoires qui m'assaillaient. En me retournant, je vis une femme dont les larmes roulant sur ses joues reflétaient la pâle lumière de ce jour obscure. C'était ABI, toute de noir vêtue, elle se tenait loin, à l'écart des nôtres. Elle était apparut brutalement dans nos vies mais avait pris une immense place dans le cœur d'Elisabeth et du mien. Je me souvenais de notre première rencontre comme si c'était hier.

Une éternitéWhere stories live. Discover now