XIX-Grossesse

2 3 0
                                    


Elle était déjà allongée sur la table d'auscultation lorsque je pénétrais dans la pièce et malgré sa position embarrassante, elle souriait. Son mari était presque caché derrière la porte, de sorte que je ne le vis pas tout de suite. Il était grand et beau mais sa nonchalance à peine masquée reflétait une indifférence totale envers la situation. Je ne pus que constater le contraste flagrant entre la bonté qui émanait de cette femme et l'attitude dédaigneuse de son mari. Comment un couple pouvait-il être aussi mal assorti ?

Cette analyse rapide de mes nouveaux patients ne dura qu'une seconde. Le visage avenant, j'entamai le dialogue.

-Bonjour

-Bonjour docteur répondirent-ils à l'unissons.

Elle s'était contorsionnée sur la table pour pouvoir me regarder tandis que lui n'avait pas bougé. Elle me suivit du regard jusqu'à ce que je fus face à elle.

-On s'est déjà vu, n'est-ce pas?

-Oui, je travaille au service pédiatrique. Mais ça ne fait pas longtemps que nous avons emménagé à Waterford.

-Et d'où venez-vous?

-Du Nouveau Mexique.

-Le soleil ne vous manque pas?

-Non, je préfère de loin le soleil des sourires enfantins de cet hôpital.

-Ok! Voyons ce qui se passe.

Au cours de l'examen, elle fût discrète mais souriante, tentative maladroite pour dissimuler l'angoisse qui la submergeait face aux symptômes qui l'avaient amenés à consulter.

C'était une jolie femme d'une trentaine d'années, avec de magnifiques cheveux longs, couleur ébène. Chacune de ces 5 dernières années avait vu son rêve de devenir mère un peu plus amoindrie. Mais, aujourd'hui, elle était épanouie et choyait déjà cet enfant qui devait finir de combler sa vie.

-OK, jusque là, je ne vois aucun problème. Mais nous allons faire une échographie pour nous assurer que c'est réellement le cas.

Rapidement, je perçu une anomalie chez l'enfant. Abi s'en rendit compte. Je me détournais du moniteur afin de la regarder. Elle ne souriait plus.

D'ordinaire, j'adorais les grossesses et les accouchements. Petits bonheurs volés dans un univers où la mort rôdait de toute part.

J'aurais aimé lui annoncer que tout allait bien, que son enfant était en bonne santé mais ce ne fut pas le cas.

-Qu'est-ce qu'il a ?

Elle avait devancé mes pensées et la personnalisation qu'elle donna au bébé me décontenança.

-Il y a 2 malformations visibles à ce jour, une hypertrophie cardiaque importante et un périmètre crânien beaucoup trop petit.

-Quelles sont les conséquences ?

La voix du mari m'avait surpris tant il avait été silencieux jusqu'à présent.

-Eh bien. S'il survit, il aura certainement de lourds handicaps mentaux et peut être aussi physiques. Mais il est encore trop tôt pour savoir leurs degrés et quels seront les capacités ou les sens qui en seront affectés.

Comme je détestais ce travail. Je voulais être médecin pour sauver des vies et non pour les détruire. C'était, malheureusement, ce que j'étais en train de faire. Sans oser regarder Abi, je leur exposais les 2 solutions qui s'offraient à eux :

-Au vue, de ces malformations importantes, vous pouvez décider d'interrompre la grossesse ou de le garder.

Le visage d'Abi se figea et son regard allait successivement de son mari à moi. Toujours allongée sur la table, elle caressait son ventre au travers de la chemise de nuit de l'hôpital. Des larmes coulaient le long de son visage. L'atmosphère de la pièce était devenue étouffante. Même pour moi, elle fut rapidement inconfortable. Ses yeux reflétaient une tristesse mélangée à de l'incompréhension. Devant son désarroi qui semblait m'atteindre, je dus rompre le silence.

Une éternitéHikayelerin yaşadığı yer. Şimdi keşfedin