IV-Desillusions

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Quelques jours plus tard, n'ayant plus la force d'avancer, je me réfugiai dans une grotte au milieu de la forêt. Je ne savais plus dans quel pays j'étais. Mais j'estimais être assez loin de mon ancienne « sœur » pour être en sécurité. Car il ne faisait aucun doute qu'Elena tenterait par tous les moyens de me retrouver et de me faire payer ma trahison. Mon isolement me permettait d'avoir un semblant de maîtrise sur mon besoin et mon envie de sang. 

Malheureusement après plusieurs jours de solitude, un berger s'approcha de ma cachette. L'odeur de son sang envahit mes narines et repoussa les dernières traces d'humanité que je tentais de préserver. Malgré les brûlures que m'infligeait un soleil haut dans le ciel, je me jetai sur ma proie en épuisant mes dernières réserves d'énergie. Lorsque je repris mes esprits, le cadavre de l'homme que je venais de tuer, gisait à mes pieds. 

L'horreur de cette vérité me sauta au visage. Quelles qu'étaient mes bonnes intentions, j'étais un monstre qui ne pourrait jamais contenir sa soif de sang. Trop de colère et de honte hantaient mon esprit. Si bien que je n'eus pas la force de camoufler mon forfait.

La majeure partie de mes forces m'était revenue et pourtant je restais prostré à l'intérieur de ma grotte. Toutes mes réflexions étaient portées sur ce que m'avait enseigné Elena sur les vampires et plus particulièrement sur leur mort. Mais j'eus beau activer ma mémoire, la seule façon de tuer à coup sûr un vampire qu'elle ait évoqué, était la décapitation.

 Dans les premières secondes de réflexions, j'eus la vantardise d'essayer d'inventer un système d'auto-décapitation. Seulement nous étions encore loin de l'époque de la guillotine et je dû me résigner à envisager d'autres méthodes de suicide.

Ma première expérience fût de rester allongé en plein soleil. J'en récoltai une très grande souffrance mais pas la mort. J'avais sous estimé l'instinct de conservation dont nous faisions preuve. A peine quelques minutes s'étaient écoulées que je rampais à l'ombre des buissons.

L'expérience suivante fût encore plus insensée. Comment mourir par noyade lorsqu'il n'est pas nécessaire de respirer pour vivre? Mais ne voulant pas m'avouer vaincu, je ficelai à mes pieds d'énormes pierres et me jetai du haut d'une falaise qui surplombait la mer. Après plusieurs jours lesté au fond de l'eau, je regagnai la surface mettant tous mes espoirs dans ma prochaine tentative.

Une fois sec, je rejoignis le village le plus proche afin de subtiliser le produit inflammable qui servait à allumer les torches. Après mettre éloigné suffisamment du village, j'en imbibai mes vêtements et y mis le feu à l'aide des braises de mon petit feu de camp. Malheureusement comme toutes mes tentatives précédentes, l'instinct de survie vint à bout de mon immolation volontaire. Grâce à mes sens surdéveloppés, je trouvai rapidement une source d'eau très proche et m'y immergeai, anéantissant mes chances de mourir.

Mon dernier espoir fut anéanti lorsque le pieu en bois traversa mon cœur sans plus grand succès.

Après cette succession d'échecs, je pris la décision de me mettre hors d'état de nuire en m'isolant définitivement du monde des humains. Je m'engageai sur le chemin des montagnes qui fleurissaient à l'horizon. Chaque pas me rapprochait un peu plus de ces pics neigeux qui me serviraient de prison.

Au sommet du plus haut de ces pics neigeux, je trouvai un renfoncement dans la paroi qui me servirait de retranchement. Cette cachette était à peine assez profonde pour contenir mon corps assis. 

L'été touchait à sa fin et l'automne et les rigueurs de l'hiver m'assureraient une retraite totale. Même en cette saison, les neiges éternelles s'étendaient à mes pieds. Dans les premières semaines ce paysage fût une bénédiction pour ma méditation. Néanmoins rapidement, la faim revint me tarauder et la lutte contre mes instincts s'engagea. Après des mois de combats, mon corps s'affaiblit et la bataille fût plus simple à gérer. La douleur qui émanait de mon corps était telle que mon esprit s'était comme déconnecté de mon enveloppe charnelle. En tant qu'humain, j'avais imaginé une sensation similaire lorsqu'un individu s'éteignait. Son âme et sa conscience flottant autour de son corps sans vie. Seulement, moi j'étais toujours en vie. Enfin autant que peut l'être un vampire.

A l'extérieur de mon antre, les saisons se succédèrent jusqu'à ce que l'été revienne. Avec lui, une foule de petits animaux sortirent de leur hibernation. Leur odeur chatouillait mes narines mais par chance ils étaient bien trop petits et bien trop éloignés pour me sortir de la torpeur dans laquelle j'avais plongé tout mon être.

Une éternitéWhere stories live. Discover now