Patie VI - Le Désir de la Connaissance

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Je suis réveillée par l'arrivée d'un petit bout de femme. Elle a les cheveux châtains remontés en chignon, la peau claire et de grands yeux bleus pétillants. Je pense qu'elle est à peine plus jeune que moi. Elle me fait instantanément penser à Gabriella, ma petite sœur dont je n'ai pas de nouvelle et qui me manque terriblement. Elle tient dans ses bras un lourd plateau doré, rempli de mets. Je n'ai jamais vu autant de nourriture pour un seul repas.

-Bonjour Mademoiselle, je suis Maggie, votre femme de chambre. Monsieur le Prince m'a chargée de m'occuper de vous. S'exclame-t-elle d'une voix enjouée et enfantine.

Elle s'empresse de poser le plateau sur la table de ma chambre, en manquant de faire tomber quelques fruits par terre.

-Tu sais, tu peux m'appeler Elyna, Maggie. Je lui propose amicalement.

-D'accord, Mademoiselle Elyna. Renchérit-elle.

J'imagine que c'est dans ses habitudes d'appeler les femmes « Mademoiselle ».

Alors, je n'insiste pas.

-Maggie, est ce que tu sais ce que je dois faire aujourd'hui? Je demande, un peu inquiète de me retrouver dans un endroit inconnu.

-Le Prince vous attend à la salle d'art dans une heure. Je vous y accompagnerai après le petit-déjeuner, et vous pourrez vous vêtir de l'une des robes qui se trouvent dans votre armoire. Le Prince n'aime pas les demoiselles négligées. Je vous laisse vous préparer et reviens dans une heure.

-Merci, Maggie.

Elle s'éclipse et je me retrouve face à mon plateau. Pain, brioche, croissants, fruits, œufs, jambon, beignets, pommes de terre grillées en débordent. Je n'arriverai jamais à manger tout ça. Au village on mangeait toujours le strict minimum pour ne pas gâcher la nourriture, puisqu'on en manquait. Alors je suis obligée de me sentir mal à l'aise devant un tel gâchis. J'attrape un croissant et le mastique. C'est le meilleur que j'ai mangé! J'en reprends un deuxième. La gourmandise deviendra-t-elle mon nouveau péché? Je ne devrais pas abuser de la nourriture de ces gens. Ils restent mes ennemis.

Après avoir mangé, j'ouvre l'armoire dont elle m'avait parlé et je découvre de splendides robes, plus belles les unes que les autres. Elles sont colorées, brodées d'or et d'argent, ornées de pierres précieuses... Quelle richesse!
Je décide d'en enfiler une la plus sobre possible. Je veux me faire discrète et ne pas rentrer dans cette idéologie du paraître qui me répugne. J'en choisie une beige, longue, avec de la dentelle transparente sur les bras. Elle est assez décolletée, mais pas assez pour que l'on voit la naissance de ma poitrine. Je porte toujours une améthyste autour du cou, que ma mère m'avait offert quand j'étais jeune, symbole de la spiritualité et de l'apaisement. Je démêle mes longs cheveux dorés qui ondulent le long de mon dos, et me maquille légèrement: un peu de mascara et de blush.

Maggie revient me chercher et m'entraîne dans les couloirs interminables du palais. On arrive devant une salle après avoir descendu un étage. Maggie toque et entre. Will est là, et il m'attend. Elle nous laisse et s'éclipse.

-Vous avez cinq minutes de retard. Lâche-t-il, l'air sévère.

Sérieusement? Il veut jouer à ça, alors qu'hier c'était lui qu'on attendait quand je suis arrivée au palais?

Quelle arrogance!

-Et bien, je resterai cinq minutes de plus, alors. Je réplique du tac au tac.

-Je vous rappelle que ce n'est pas vous qui décidez. Faites ce qu'on vous dit de faire et restez discrète, auquel cas je vais très vite m'énerver. Vous n'avez pas votre mot à dire.

-Qu'est-ce que vous attendez exactement de moi, Will? Je demande, un peu irrité par ses propos agressifs, qui n'ont pas vraiment lieu d'être.

Subitement, les yeux du Prince deviennent noir, et son visage se fige.

-Comment est-ce que vous venez de m'appeler? Gronde-t-il.

-Je vous demande pardon? Je demande, sans comprendre ce que j'ai fait de mal.

-Je vous interdis de m'appeler Will! Seuls mes proches me nomme de la sorte, et vous ne m'êtes pas proche. Mon nom est Willan, et en aucun cas je vous autorise à m'appeler par mon surnom! Est ce que c'est clair?

-Très clair. Je réponds, un peu embêtée de mon erreur. Je m'en excuse.

L'air sévère, Willan ne réplique rien et me fait m'asseoir autour d'une table. Il se place en face de moi et me tend une feuille et un stylo.

-Allez-y, apprenez moi les bases.

-Connaissez vous votre alphabet?

Il secoue négativement sa tête.

-Ma mère, avant de mourir, avait commencé à m'apprendre à écrire, mais personne n'a continué après elle donc j'ai oublié.

Ça ne m'étonne guère. Ces gens préfère passer leur temps à faire la guerre ou organiser des fêtes plutôt que s'instruire.

Mais comment se faisait-il que Willan cherchait à apprendre? Qu'avait-il de différents des autres barbares du palais pour s'intéresser aux activités intellectuelles?

Je ne préfère pas poser la question, de peur qu'il s'emporte à nouveau.

Apprendre à lire quand on est enfant est difficile et demande beaucoup de temps, mais adulte ça l'est encore plus. Je ne savais pas si nous allions y arriver.

Je lui ai alors montré les lettres de l'alphabet et les différents sons, et on a travaillé dessus toute la journée. Il apprend et comprend vite, et à la fin il sait même écrire quelques mots. Ce que sa mère lui avait autrefois enseigné remonte à la surface.

Mais il reste extrêmement froid, à mon égard.

À 18 heure, Willan arrête la séance.

-Vous devriez venir dîner avec nous ce soir. Déclare-t-il, en rangeant ses affaires.

Je suis surprise de cette invitation.

-Et votre père? Sera-t-il d'accord?

-Tant que mon père ne se doute de rien, il acceptera de bien vous traiter, car pour lui vous êtes la mère d'un futur héritier. Maggie vous aidera à vous préparer et ne soyez pas en retard cette fois-ci. Dit-il d'un air autoritaire.

Il ouvre la porte et demande à un des gardes qui passait dans le couloir de me raccompagner jusqu'à ma chambre. Lui, disparaît sans m'avoir même remercié.

Quel ingrat.

L'Elue  [TERMINÉ]Where stories live. Discover now