J'ai éclaté de rire ; t'avais le don pour sortir de ces trucs.

« Mais j'ai une photo du test si tu veux !

— Montre. »

Alors t'as fouillé dans ton portable – et entre une centaine de photos de moi, il était là. Ton test. J'étais tellement heureux que j'ai commencé à avoir mal au visage à force de sourire.

« Qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui ?, t'avais soudain demandé avant d'enchaîner avec une idée. On pourrait aller se balader en forêt avec Tyson, non ?

— Il fait froid, mon cœur.

— Mais je vais mettre deux pantalons, trois pulls, un bonnet, une écharpe, des gants et...

— OK. Respire. On y va.

— Super ! »

T'as filé dans la chambre, comme ça. Il ne faisait même pas aussi froid que ça mais, j'avais froid sans toi alors je me suis levé pour aller enfiler un pull.

Je ne sais pas lequel de nous deux a mis le plus de temps à réaliser ce qui était en train d'arriver à notre foyer, mais on n'a pas eu l'air de percuter de suite. Toi comme moi, on était conscients que t'étais enceinte, mais on n'avait plus reparlé de ça pendant une semaine ou deux. Comme si on l'avait intégré et que ça ne changeait pas nos vies. Mais c'était faux, et on s'en est rapidement rendus compte parce qu'au début, t'as été vraiment très malade. Quand tu me l'as annoncé, t'étais déjà à un mois et demi et je ne sais pas comment t'avais réussi à me le cacher tellement le changement s'est fait rapidement. T'étais si fatiguée que parfois, ça me faisait peur. J'ai lu plein de trucs sur internet pour aller me rassurer et ça avait marché – un peu. Sauf que j'avais osé dire "t'as de la chance, t'as pas encore eu de nausées" pour que ça t'arrive. Tu passais ta vie aux toilettes et tu ne mangeais presque plus rien. C'était l'Enfer pour te faire avaler ne serait-ce qu'un truc qui ne te dégoûtait pas et j'ai compris ma douleur quand tu t'es laissée envahir par tout plein de saute d'humeur. Tu ne t'en prenais jamais à moi, mais ça t'arrivait de t'énerver contre une chaise, la télé, le frigo, tu pleurais à la moindre contrariété, tu voulais des câlins puis finalement non, t'avais faim mais tu ne voulais pas entendre parler de salé, tu t'excusais quand tu te rendais compte que tu me faisais tourner en bourrique et ça te faisait pleurer quand t'avais envie de vomir à cause de ce que je préparais à manger.

C'est un soir où t'avais passé une plutôt bonne journée qu'on s'est mis à en reparler sérieusement. Tu somnolais contre moi, emmitouflée dans ta couverture polaire.

« Tu regrettes pas ? », t'as demandé après un silence qui m'avait paru interminable.

Y avait la télé mais quand je sens que quelque chose te tracasse, je n'arrive pas vraiment à me concentrer dessus.

« Regretter quoi ?

— Que je sois enceinte. »

Je t'ai serrée un peu plus fort entre mes bras.

« Bien sûr que non, Alice. Pourquoi est-ce que tu penses un truc pareil ? Tu regrettes toi ?, j'ai demandé, effrayé à l'idée de t'avoir forcé la main sans le vouloir.

— Non, non. C'est pas ça.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu ne te sens pas bien ?, j'ai demandé alors que tu secouais la tête. Qu'est-ce qu'il y a alors ?

— Ça me fait peur, t'as fini par avouer.

— Oh, j'ai soufflé, soulagé. Moi aussi, ça me fait peur, tu sais ?

— Vraiment ?

— Oui. J'y connais rien en bébé ou même en grossesse.

— Désolée, t'as dit en riant. Je ne t'ai pas trop embêté aujourd'hui ?

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