Partie 2

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T'es rapidement devenue une obsession. Mais pas le genre de petite obsession qui parasite les pensées quand on s'ennuie. Non, une vraie obsession. Le genre qui monopolise les pensées à chaque seconde de la journée, qui revient dans chaque personne que tu croises, dans chaque mot que tu entends. J'avais l'impression de te voir partout et ça devenait invivable. T'étais dans tout, même si ça n'avait aucun rapport, tu prenais possession de mes rêves, de mes envies aussi. Et ça m'a fait comprendre que je devais faire quelque chose parce que t'étais pas censée envahir mon esprit comme ça – on n'avait même pas échangé de banalités.

Le problème dans cette histoire c'est que je ne pouvais pas passer par ta sœur pour avoir ton numéro parce que ça n'a jamais été l'amour fou entre nous et si je me souviens bien, ça remonte au lycée – et puis notre "relation" s'est dégradée depuis la dispute qu'on avait eu sur le fait qu'elle était trop coincée pour satisfaire son mari au lit, trois fois rien. Et c'est marrant d'ailleurs, parce que vous avez toujours été de vrais opposés toutes les deux. Sur tout. Mais ce n'est pas la question. La question était : comment est-ce que j'allais avoir le numéro de la fille dont je ne connaissais même pas le prénom et dont on m'avait d'emblée interdit d'approcher ?

Alors je l'ai joué fine, vraiment. Je suis allé voir Jamie qui m'a répété qu'il fallait que je t'oublie, que tu ne m'apporterais rien de bien, et que – surtout moi – je t'apporterai rien de bien non plus. Il m'a ressorti l'excuse d'Annabelle, que ça ne se faisait pas de sortir avec les sœurs de ses amis, puis tout un tas de conneries dont je ne me souviens pas, mais dont je suis certain qu'elles n'avaient aucune valeur ; je me suis même demandé s'il n'avait pas des vues sur toi et si toute cette histoire de "on ne touche pas à la sœur de machin" n'était pas une stratégie pour t'avoir à lui tout seul. Ça l'a énervé que je pense ça parce qu'il venait de se fiancer, alors il n'a pas insisté. Peut-être qu'il aurait dû ? Moi en tout cas, je n'ai pas lâché l'affaire et je lui ai dit de se démerder pour m'avoir ce que je voulais. Il n'était pas vraiment d'accord parce qu'il ne voulait pas se mettre Annabelle à dos, donc je lui ai rappelé quelques services que je lui avais rendus et il m'a dit qu'il verrait ce qu'il pouvait faire ; il m'a même donné ton prénom. Alice. C'est beau, Alice. C'est mélodieux, c'est doux, ça reste sur le bout de la langue – et t'avais carrément l'air de vivre au Pays des Merveilles.

Jamie a mis plus de deux semaines avant d'attraper ses couilles – en fait, maintenant que j'y repense, peut-être qu'il espérait que j'abandonne l'idée – et il a finalement réussi à fouiller dans le portable de ta sœur pendant qu'elle discutait chiffon avec Suzanne : c'est comme ça que j'ai eu ton numéro. C'est un truc que je ne t'ai jamais raconté, je crois ? Ce n'était pas utile, de toute façon, mais au moins tu le sais maintenant. Le combat pour t'avoir a commencé comme ça. Je l'ai gagné, bien sûr, mais un autre s'engageait alors : te convaincre, toi, d'accepter de me rencontrer pour de vrai. Tu sais comment ça s'est fini, évidemment, mais je t'avoue que j'ai longuement cherché une manière originale de t'aborder ; j'ai choisi d'être honnête et de te dire que tu m'avais plu, tout simplement.

Je t'ai appelé parce que je n'aime pas les SMS ; je voulais avoir une vraie réaction, une vraie réponse, pas un truc que t'aurais envoyé après avoir demandé conseil à tes copines ou à ta sœur. Je voulais la vraie toi et je l'ai eu. Tu n'as pas décroché tout de suite, et j'ai vite perdu patience mais ta voix au téléphone m'a gentiment fait oublier que je luttais depuis des semaines juste pour ce coup de téléphone.

« Salut c'est Adam. J'ai— »

Tu m'as coupé. T'étais pressée.

« D'accord Adam, est-ce que tu pourrais me rappeler d'ici.. quinze minutes ? Je suis avec mon neveu et j—mais attends ? Je ne connais pas d'Adam ! », t'as dit en raccrochant, comme ça.

EndlesslyWhere stories live. Discover now