Partie 6

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C'était la première fois que tu prenais l'avion, et moi aussi d'ailleurs, on n'avait pas eu de long débat sur les probabilités de mourir en vol mais on s'était tenus la main le temps du décollage ; tu m'avais serré tellement fort que t'avais passé une partie du vol à embrasser les traces que tes ongles avaient laissé sur ma peau. Je trouvais ça adorable. Je ne me souviens plus vraiment du temps de trajet exact mais je crois que de Phœnix jusqu'à Paris on en avait eu pour huit heures. Et huit heures à regarder des films en t'ayant contre moi, c'était le pied. Tu ne parlais pas trop, si je me souviens bien, t'étais un peu dans la lune et j'avais mis ça sur le compte du baptême de l'air. Parfois tu nous prenais en photo et je t'avoue que tous tes Polaroïd m'ont aidé à me souvenir. Malheureusement, j'ai remarqué en écrivant cette lettre que j'ai eu tendance à me souvenir parfaitement des mauvais moments et vaguement des meilleurs. Alors pardonne moi si notre voyage à Paris reste un peu flou... c'était il y a plusieurs années déjà.

Je me souviens qu'on a visité la ville en long, en large et en travers. Qu'on s'est perdus, reperdus, et perdus encore. Et qu'on a marché, beaucoup. Qu'on s'est de nouveau perdus. Que tu prenais tout et n'importe quoi en photo – surtout n'importe quoi. Et nous. On a des photos de nous devant chaque monument, à chaque nouveau coin de rue que tu découvrais. Je me souviens plus du nom des rues, du nom des bâtiments, ou des endroits où on est allés. Mais ce qui n'a jamais quitté mon esprit, c'est ton sourire. Il était étincelant, magnifique, rayonnant. Amoureux. Tu m'aimais tellement, Alice. Trop, beaucoup trop et je ne méritais pas tant. Mais je te revois sourire aujourd'hui et je me sens apaisé. C'est ton sourire qui m'a aidé à tenir jusqu'à aujourd'hui. Je te revois courir partout, prendre la pose devant des boîtes aux lettres ou des vitrines sans importances. Je te revois ouvrir les bras devant la grande roue au bas des Champs Élysée. Je te revois manger ta crêpe au Nutella et en foutre partout sur ton manteau mais rire tellement t'étais heureuse. Je n'arrête pas de te le dire mais t'es belle, Alice. T'es tellement belle quand t'es heureuse que j'arrivais à me sentir mieux.

On était dans un hôtel tout mignon, je me souviens que c'était pas le grand luxe et qu'on avait un peu galéré à faire fonctionner la douche, mais c'était tellement cosy que ça te ressemblait parfaitement. C'était pas ton truc les grands palaces, fallait que tu te sentes chez toi et... chez nous, c'était plus comme ça que comme dans un grand hôtel cinq étoiles. La première soirée, on l'a passé à l'hôtel avec l'excuse du décalage horaire alors qu'en fait, toi comme moi, on était trop crevés pour aller chercher un restaurant – et on a allumé la télé. On comprenait rien du tout, mais tu t'amusais à répéter ce que t'entendais, et ça te faisait mourir de rire. T'avais quelques bases en français pourtant mais là, t'avais pas été capable de faire la traductrice. On avait faim mais on avait largement préféré tester le lit de la chambre d'hôtel, histoire de savoir si on s'y sentait chez nous jusqu'au bout.

Je caressais distraitement ton ventre nu quand j'ai remarqué que la rose que j'avais dessiné pour masquer un bleu sur tes hanches commençait à vraiment s'effacer – et je n'arrivais pas à en détacher mon regard. J'essayais de me souvenir de comment c'était arrivé et je n'arrivais pas. Je savais d'où venaient les marques sur tes bras, tes jambes... mais pas celle-là – et t'as fini par suivre mon regard. Tu m'as bouché la vue avec ta main et j'ai relevé les yeux vers toi.

« C'est quand je me suis cognée dans le plan de travail. C'est pas toi. »

J'ai froncé les sourcils parce que je ne m'attendais pas à ce que tu parles. T'étais silencieuse depuis trop longtemps et il était tard. On venait de faire l'amour et tu parlais rarement ensuite.

« La rose, t'as repris. C'est pas toi. C'est moi toute seule.

– Alice... »

T'as secoué la tête et t'as saisi ma main pour l'embrasser.

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