Partie 8

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Depuis ta chute dans les escaliers, on avait décidé qu'on éviterait de se battre dans la maison, qu'on éviterait de se provoquer là où on vivait. Pas seulement à cause des voisins mais parce que je t'avoue que parfois, lorsque je m'apprêtais à descendre, je te revoyais au bas des escaliers, recroquevillée sur toi-même. Et la scène repassait en boucle dans mon esprit, c'était insupportable. Mais t'as toujours eu les mots qu'il fallait pour me rassurer, pour que j'arrête de voir mes erreurs à chaque coin de porte. Tu me rappelais à quel point tu m'aimais, au cas où j'oublie. Et j'arrivais à croire que ça suffisait, ça m'empêchait de m'inquiéter pendant quelques temps. Mais toi aussi, t'étais inquiète et je crois que je n'avais jamais remarqué ton inquiétude à mon égard avant ce soir-là. T'as explosé sans même que je ne sache d'où tout cette panique te venait.

J'avais un combat en fin de soirée et je t'avais dit que je rentrerais certainement tard. Alors comme d'habitude, tu m'as souhaité bonne chance et tu t'es occupée. Je ne sais pas trop ce que tu faisais pour t'occuper au début, mais t'avais Tyson et je crois qu'il était plutôt doué pour te tenir compagnie. Tyson était dans notre foyer pour une raison, et il a toujours parfaitement rempli son rôle. Je me souviens de sa tête quand tu décidais qu'il sentait mauvais et qu'il aurait le droit à un bain avec double dose de shampoing ; il avait cette lueur dans le regard qui me suppliait de te dissuader, mais je n'avais pas mon mot à dire. Comme les soirs où tu décidais de te mettre à cuisiner, Tyson et moi, on se serrait les coudes. Je savais que je ne mangerai pas à ma faim et Tyson savait qu'il n'apprécierait pas les restes que je lui aurais glissé dans sa gamelle – excuse moi je t'assure que j'adorais l'attention, mais tu étais vraiment très nulle. Alors quand t'allais prendre ta douche je décongelais un bout de pizza pour moi et je donnais à Tyson une des friandises que tu lui réservais pour son dressage. J'aimais notre vie, et je ne sais pas pourquoi j'ai eu besoin de tout ce temps pour me rendre compte à quel point.

Alors certainement que ce soir-là, t'as sorti Tyson pour t'occuper pendant que je combattais. Peut-être même que t'étais un peu inquiète, peut-être pas. Ça aurait dû bien se passer pour moi mais ça n'a pas été le cas : y a un gars que j'ai complètement explosé, une fois. Dylan. Je t'assure que ça avait été très moche. On avait un différent à l'extérieur – tu me connais, trois fois rien – et on l'a réglé comme ça, en étant tiré au sort. Et j'ai gagné, évidement. Je ne suis pas du genre à mettre mon adversaire à sang, généralement je me contente du KO et les blessures sont surtout des dommages collatéraux, mais avec lui, je m'étais vraiment fait plaisir. On ne l'a pas vu pendant des mois et des mois, mais il avait fini par revenir. Forcément, il a demandé une revanche. Je t'assure que je ne l'ai pas vu venir. Je crois que je ne me rappelais même plus de son existence. Il m'a d'abord laissé le toucher. Une fois. Deux fois. Trois fois. Et quand j'ai eu assez confiance en moi pour me dire qu'il n'avait pas appris de ses erreurs, il m'a mis un coup. Juste un seul. Et je suis tombé. Mes jambes ne me portaient plus et j'ai vraiment cru que j'étais paralysé. Mais les sensations dans mon corps sont revenues. Pas assez vite, cela dit, parce qu'il m'avait déjà remis un coup de pied dans l'estomac, et un autre. Et quand il a visé la tête, j'ai entendu un brouhaha incompréhensible avant d'avoir la chance de m'évanouir.

Tout est flou, Alice. Je ne l'avais pas loupé, et lui, il avait fait bien pire. Je ne sais plus comment se sont déroulées les choses mais quand je suis revenu à moi, Daisy était à mes côtés en train de fouiller dans mon sac de sport.

« Putain. », j'ai articulé, mais tout mon visage m'a lancé, je sentais chacun de mes os, chacun de mes muscles, je pouvais même sentir mon sang qui coulait dans mes veines – ou sur ma peau je sais plus trop – tellement j'avais mal.

J'ai rarement eu aussi mal que ça. Physiquement. Et la raison pour laquelle je ne me suis pas évanoui après avoir repris conscience, c'est toi. Parce que même dans un état pareil, c'était toi qui remplissait mes pensées ; comme j'étais complètement déboussolé, j'avais peur que tu ais été blessé aussi.

EndlesslyWhere stories live. Discover now