Papa.

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Comment quitter les vacances sans parler de toi.

Tu as été mon autre plus gros problème en parallèle de celui-là, pour la simple raison que tu es un homme. 

Papa, père, je n'ai jamais été très tactile. Avant ce jour, ça allait, j'acceptais de te prendre dans mes bras bien que la situation dans laquelle nous étions ne nous permettait pas ce genre de gestes affectifs, parce qu'entre nous, il n'y avait tout simplement presque plus d'affection. 

Tu le sais, je le sais, Nous avons été distancés au fil des années par les décisions que nous avons prises, ton travail, ma rébellion de jeune adolescente, et puis... une femme. Il était hors de question que je me soumette à cette femme. Elle aimait l'ordre et bien qu'elle l'ignorait, elle était psychorigide, je pense. Il y a des signes qui ne trompent pas, et les gens qui l'ont connue pourront sûrement en témoigner. 

En fin de compte, c'est cette femme qui a contribué à cette distance entre nous, mais pas seulement. 

Tu t'es séparé d'elle en Novembre et c'était bien. Il était temps. Rien ne s'était encore passé, l'abus, tout ça. Et pour l'instant, ça allait un peu entre nous. 

Puis, on a quand même remarqué que le temps passé à vivre tout les deux n'était pas aussi "cool" qu'on l'espérait : nous n'étions pas sur la même longueur d'onde, et cela depuis toujours mais c'était encore plus renforcé depuis que nous vivions ensemble, du moins nous étions face à une évidence : vivre ensemble n'était pas le meilleur des choix. 

Le temps passait et notre relation ne s'arrangeait pas, puis, le mois de février est apparu et a encore plus chamboulé notre relation père-fille étant donné que je ne te laissais plus t'approcher réellement de moi. Il y avait d'abord le fait que je ne suis pas tactile, le fait que notre relation n'était pas assez forte pour que je te fasse tout pleins de gestes d'amour, et puis le viol. 

Cette chose a jeté un froid alors que tu n'étais même pas au courant de son existence. 

Tu voulais que ta fille soit plus proche de toi, tu te plaignais de ma distance, tu me prenais dans tes bras, tu t'amusais à me faire des chatouilles ou des contacts physiques de ce genre parce que c'était drôle à ton goût et que tu pensais juste rire ou m'embêter en faisant cela et tu ne voyais pas le mal, sauf que je te disais d'arrêter à chaque fois parce qu'au fond cela me rendait plus que nerveuse, cela me donnait de plus en plus de colère et de moins en moins envie de m'approcher de toi. 

Il était hors de question que je me soumette à qui que ce soit.

Les tensions étaient de plus en plus palpables, jusqu'à devenir quotidiennes et ingérables.

Jusqu'aux coups, des bagarres violentes qui ne pouvaient s'arrêter que si tu t'évanouissais (première bagarre où j'ai cru que tu avais fait un arrêt cardiaque et où j'ai eu réellement peur), que si tu pleurais (deuxième bagarre où tu m'as dit que tu n'en pouvais plus de toute cette situation, de nos disputes et de cette tension), que si tu te rendais soudainement compte que tu allais trop loin (et que tu décides plutôt de me parler pour calmer la dispute) ou que j'hurlais pour m'en sortir (quatrième bagarre) pendant que tu me tirais les cheveux et que je te te plantais mes ongles dans tes avants bras pour que tu me lâches et que ma grand-mère, charmante grand-mère, décide de me mettre une verre d'eau en plein visage pour que je me "calme" et que toute cette dispute prenne fin. En fait, c'était juste pour défendre son fils qu'elle a cru voir en danger, avec moi. Foutaises. C'était le jour où j'avais le plus besoin d'elle qu'elle a donné son aide et son soutien à quelqu'un d'autre, en croyant que j'étais ce mal qu'il fallait éloigner. 

Je suis partie le lendemain de la dernière bagarre. Le 1er août.  

Ce soir-là nous sommes rentrés en voiture à la maison. Je ne disais rien, j'étais encore une fois neutre, impassible. J'étais en train d'enfouir toutes mes émotions et de me contenir, pour ne pas pleurer comme une gamine alors que j'en avais vraiment besoin. Nous sommes rentrés dans la maison, j'ai certainement dis "bonne nuit" pour que tu ne reviennes plus me voir, et j'ai ouvert la porte de ma chambre pour ne plus en sortir avant le lendemain matin. 

Seule, dans ma chambre, assise sur mon lit et, dans le noir, pendant de longues minutes, j'ai pris le temps de réfléchir. Je ne voyais aucune limite à mes réflexions tant j'étais préoccupée sur ce qui allait se passer après cette soirée. J'avais prévu gros, je voulais faire choc, je voulais qu'on se dise que j'en étais capable et que je n'étais pas une petite fille résignée à me dire que tout était de ma faute et que ça irait mieux la prochaine fois. Non, non, je ne voulais plus faire cela, les cinq années en cohabitation avec l'ancienne belle-mère furent assez rudes et je les aies passées en espérant, consciemment et inconsciemment que le lendemain ne serait pas aussi pénible à vivre et aussi dur que le jour-même. 

Bon, j'ai fugué. 

Vers 8h, je t'ai entendu quitter la maison. Je savais que tu partais pour un rendez-vous ou quelque chose de similaire qui allait bien durer des heures alors je me suis rendormie, paisiblement. 

Vers 10h, je me suis décidée à me lever, à prendre mon médicament et à lire le mot que tu m'avais laissé. Tu m'as demandé de faire le ménage et tu m'as ensuite écrit que je pourrais partir après avoir fini. Je me suis dit que c'était ma chance. 

Alors j'ai fait ce que j'avais à faire, ensuite j'ai pris un sac à dos que j'ai pris soin de remplir de quelques affaires que je ne voulais pas laisser, j'ai fermé la porte à clef et je suis allée jusqu'à mon arrêt de bus. J'ai attendu prés de dix minutes, je suis montée dans le bus, et je suis partie en me disant que c'était fini, que je n'y remettrais plus les pieds. Adieu.

Je me suis assise à la première place, à gauche, derrière le conducteur, et je me suis imaginée partir, avoir une nouvelle vie, comme dans les films. Je rêvais de quelque chose d'infiniment grand. 

Je suis partie chez ma mère, y vivre. 

Après six mois, nous nous sommes revus. J'ai décidé de te reparler peu à peu. Tu es décidément encore un peu étouffant mais ce n'est rien. On trouvera notre rythme, j'en suis sûre. 

Tu vois, chaque chose à des répercussions. Ce viol nous a aussi coûté notre "relation". J'ai fini par t'expliquer pourquoi nous étions en froid et pourquoi je n'acceptais plus que tu t'approches de moi. Je t'ai raconté un tout petit peu mon histoire et j'ai cru voir que tu avais compris. 

Mais c'est fini, allons de l'avant, Papa. 





Lettre à mon traumatisme.Dove le storie prendono vita. Scoprilo ora