Le diabolo grenadine

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Une semaine après, Eugénie avait eu son code et Clémence avait eu ses 18 ans. Pour fêter ça, les filles avaient décidé d'aller boire un verre en ville le samedi après-midi. Angèle avait essayé de refuser, mais Marion insistait encore et encore pour qu'elle vienne. Elle ne voulait pas voir Eugénie et Eugénie ne voulait pas non plus la voir. Marion avait menti à Angèle en lui disant qu'elle ne serait pas là et personne n'avait prévu Eugénie qu'Angèle allait finalement venir. Sans même avoir commencé, leur sortie avait déjà mal tournée.

Mais toute heureuse d'avoir eu son code et de s'être entre grosses guillemets réconciliée avec Élias, Eugénie ne s'était doutée de rien. Son père l'avait amenée en ville en voiture. Les filles s'étaient données rendez-vous sur la grand-place près du lycée. La blonde avait claqué la portière après avoir dit une dernière fois merci à son père avec son sac à bandoulière sur l'épaule. Ses yeux avaient cherché après ses amies, Eugénie avait bien replacé son béret vert sapin sur sa tête et elle avait fini par les voir. Clémence n'était pas encore là, Marion avait retenu Angèle qui avait tenté de partir par le bras et Eugénie pouvait entendre de loin leur conversation qui était basée essentiellement sur des cris et des soupirs. Elle avait avalé sa salive de travers, on venait encore de lui jouer un mauvais tour. Mais elle savait qu'elle devait se reprendre, elle n'avait rien à se reprocher.

D'un pas confiant, Eugénie avait marché jusqu'à elles, Angèle gigotait sur elle-même en regardant dans le vide, trop énervée pour affronter la réalité. Marion s'était légèrement approchée d'Eugénie pour lui faire la bise, avant de donner un coup de coude à Angèle pour qu'elle fasse un effort. Les deux s'étaient faites la bise avec méfiance comme si à n'importe quel moment un danger pouvait surgir. Ce simple geste les avait comme écorchées vives, Eugénie avait totalement pris sur elle pour oser toucher les joues qu'avait touchées Élias à plusieurs reprises de ses propres joues.

La conversation d'Eugénie et Marion n'avait pas volé très haut. Angèle avait passé ces quelques minutes sur son portable et Marion avait couru vers Clémence en la voyant arriver au loin. Clémence lui avait sauté dans les bras et Marion lui avait souhaité un joyeux anniversaire. Sans regarder Eugénie, Angèle lui avait dit qu'elle ne parlait plus à Élias. Eugénie avait tourné la tête vers elle, elle n'avait rien dit et elle avait reporté son attention sur Clémence et Marion qui étaient encore dans les bras l'une de l'autre. Mais Angèle n'avait pas fini. Elle avait continué en lui avouant que c'était plutôt lui qui ne lui parlait plus et qui ne répondait plus à ses messages. Intérieurement, Eugénie avait souri, elle était contente.

Les filles avaient enfin fini par chercher un café où il n'y avait pas trop de gens pour s'y installer. Le moins bondé était un des seuls qui n'avait pas la wifi, mais au moins c'était plus tranquille. Leur table était à l'entrée derrière la grande baie vitrée qui donnait sur la terrasse et la rue. Eugénie avait pris un diabolo menthe, Clémence et Angèle un coca et Marion un diabolo grenadine.

Eugénie avait été la première à donner le cadeau qu'elle avait acheté pour Clémence, c'était une palette de maquillage. Angèle regardait si Élias n'avait pas par hasard répondu à ses messages, mais rien. Il ne lui répondait plus depuis presque une semaine. Angèle était persuadée que c'était de la faute d'Eugénie et qu'elle avait forcé Élias à ne plus lui parler ou bien qu'elle lui avait retourné le cerveau.

Angèle avait retourné son portable sur la table et ses yeux s'étaient directement posés sur Eugénie. Elle l'avait longtemps dévisagée, elle savait très bien qu'Élias était encore bloquée sur son ex et qu'elle ne l'aurait jamais pour elle. Et de toute façon, elle ne pouvait pas lui faire ça, elle avait un minimum de respect pour ses amies, mais elle ne pouvait pas ignorer ce qu'elle ressentait pour lui.

Marion avait offert une paire de boucles d'oreilles et une petite plante à Clémence. Eugénie avait pris une gorgée de son diabolo menthe avec sa paille jaune, tandis que Marion avait reçu un message. Avec un sourire aux lèvres, la plus populaire du groupe avait annoncé que son copain Thomas était en ville et qu'il allait passer la voir. Son portable avait sonné une deuxième fois, c'était encore Thomas et Marion avait relevé les yeux vers Eugénie avant de dire en hésitant :

– Par contre y'a Élias aussi. Il traine avec Thomas en ce moment, ils ont une pote en commun je crois.

Une pote. Eugénie n'avait jamais entendu parler d'une certaine pote d'Élias. Mise à part Chloé, Élias ne fréquentait pas de filles, du moins lorsqu'ils étaient encore ensemble. Élias avait toujours préféré s'éloigner des autres filles pour ne pas rendre Eugénie jalouse, bien qu'elle n'était pas de nature jalouse avant leur séparation.

En entendant le prénom d'Élias, Angèle s'était redressée sur son tabouret, elle n'attendait que de le voir. Eugénie était aussi impatiente qu'elle de le voir arriver. En même pas 5 minutes, une petite bande s'était ramenée sur la terrasse du café, Marion était sortie pour rejoindre son copain et l'embrasser. Eugénie qui était dos à la baie vitrée, s'était retournée et elle ne s'attendait sûrement pas à avoir ce qu'elle avait vu. Élias était là, dans sa veste en jean et son sweat jaune pale, mais surtout il avait une fille dans ses bras. Eugénie avait l'impression de se voir à la place de cette fille. Le pire dans tout ça, c'est qu'il portait les vans rouges qu'elle lui avait offert pour ses 17 ans.

Angèle avait craché : « Je comprends mieux pourquoi il me répond plus maintenant. » Eugénie s'était remise correctement. Elle souffrait comme lorsqu'il l'avait larguée ce vendredi soir. Son cœur s'était serré, elle avait eu envie de vomir. Ses doigts qu'elle avait posés autour de son verre tremblaient, elle essayait de se calmer et de ne pas pleurer, mais elle sentait que ses larmes allaient couler et qu'elle ne pouvait pas les empêcher de partir. C'était beaucoup trop dur.

De son côté, Angèle se sentait humiliée, mais elle avait autant mal qu'Eugénie. Elle ne pouvait plus laisser quelqu'un lui marcher dessus, elle ne pouvait pas rester là alors qu'Élias se foutait clairement d'elle. Alors elle avait attrapé le diabolo grenadine de Marion et elle était descendue de son tabouret pour rejoindre la terrasse, le verre à la main. Sans la voir arriver et sans comprendre ce qu'il était en train de se passer, Élias et sa pseudo copine avaient reçu un verre de diabolo grenadine sur eux. Angèle avait hurlé qu'il s'était bien foutu d'elle et un tas d'insultes, avant de se mettre à pleurer. La fille avait insulté Angèle, poussé Élias et Marion avait pris Angèle dans ses bras. Clémence s'était précipitée hors du café pour faire un câlin collectif et réconforter Angèle qui pleurait sur l'épaule de Marion.

Élias ne comprenait plus rien, il était juste sorti en ville pour faire un tour avec Émeline et Thomas qu'il avait rencontré par le biais d'Émeline et une tornade venait de lui tomber dessus comme une mauvaise blague. Tout était de sa faute, Élias avait fini par le comprendre. Il sentait la grenadine, mais ce n'était pas son problème initial. Élias ne savait pas quoi faire, Émeline était partie en trombe et en regardant de l'autre côté de la vitre du café, il avait vu Eugénie qui sanglotait la tête entre ses bras. C'était à son tour de ressentir un pincement au cœur. Il se fichait de voir Angèle pleurer, ça ne lui faisait ni chaud ni froid, mais Eugénie c'était autre chose. Cette fois-ci, la voir triste ne l'avait pas énervé, il n'avait pas eu envie de la secouer, au contraire.

Eugénie sans ÉliasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant