La culotte et le béret

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En rentrant chez lui ce mardi-là, Élias avait appelé Eugénie. Pour une fois, ce n'était pas elle qui l'avait appelé, mais bien lui. Alors oui, c'était Eugénie qui lui avait demandé de l'appeler, mais c'était lui qui avait lancé l'appel le soir-même. L'appel n'avait duré que 20 minutes, alors qu'avant leur rupture, ils pouvaient s'appelaient pendant 2h00.

Élias s'était excusé de lui avoir mal parlé par sms et aussi pour ce qu'il lui avait dit au terrain synthétique pendant la deuxième heure de sport. Ça n'avait pas étonné Eugénie, elle était contente qu'il s'excuse, mais c'était habituel venant de lui. Il n'était pas souvent méchant ou  désagréable, mais pour le peu de fois où il l'était, il finissait toujours pas s'excuser. Élias n'était pas quelqu'un de méchant et il n'aimait pas blesser les gens, surtout Eugénie, que ce soit avant ou après leur séparation.

20 minutes d'appel c'était peu, mais ils avaient quand même eu le temps de se dire pas mal de choses. Pas des choses concrètes, mais des choses quand même. Élias était occupé, il essayait de faire ses devoirs tout en écoutant Eugénie, elle, elle ne faisait rien, elle était déjà trop occupée à écouter la voix du garçon qu'elle aimait encore. Ça lui avait fait un bien fou, pas forcément à Élias, mais à elle oui.

Eugénie savait que c'était fini, elle savait aussi qu'elle n'avait pas enlevé ses polaroids avec son ex pour rien, mais lui parler l'avait fait espérer encore une fois. C'était idiot, en plus ça faisait mal, mais elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'un jour elle allait retrouver son Élias et qu'elle ne l'aurait rien que pour elle. Ce soir-là, elle avait été heureuse, elle avait même passé une bonne soirée.

3 jours après, le vendredi soir, Eugénie avait une représentation de violon à faire. Elle jouait du violon depuis bientôt 10 ans. Ses parents étaient toujours venus la voir jouer, mais cette fois-là, ils ne pouvaient pas venir. Elle détestait les représentations quand personne ne venait la voir, ça la rendait triste. Élias était déjà venu la voir pour lui faire plaisir, il s'emmerdait toujours, mais il savait que ça la rendait heureuse qu'il vienne pour elle. Alors il venait.

Eugénie savait que c'était risqué de lui demander de venir, mais elle ne pouvait pas jouer si personne ne venait pour elle. Tous les autres violonistes jouaient pour quelqu'un, alors Eugénie voulait aussi jouer pour quelqu'un. Elle avait hésité longtemps, il était 15h00, c'était la récré et la représentation était à 20h30. Elle savait qu'il était un peu tard pour demander à Élias de venir, mais de toute façon elle n'avait plus rien à perdre.

15:03

Eubête

« Je joue ce soir à 20h30, personne peut venir me voir, est-ce-que tu peux venir stp ? »


15:09

Eli Trèfle

« Je sais pas »

Eugénie n'avait pas forcé, elle savait très bien ce que voulait dire son « Je sais pas ». Ça l'avait rendue triste. Elle se doutait qu'il n'allait pas venir, mais elle ne s'attendait pas à ce que ça lui fasse aussi mal au cœur. Eugénie avait regardé Angèle, Marion et Clémence, elle aurait pu leur demander de venir, mais au fond, elle n'avait pas envie qu'elles viennent. Elle avait peur qu'elles se moquent et de toute façon elles auraient sûrement trouvé une excuse pour ne pas venir.

Ne pas y aller, elle y avait pensé, mais ce n'était pas une bonne idée. Alors oui, personne n'allait venir la voir, mais tant pis, elle devait quand même se forcer à jouer. Après tout, elle ne faisait pas du violon pour les autres, mais pour elle.

À la fin des cours, Eugénie était allée aux toilettes avant de directement rejoindre le conservatoire pour la répét. Elle n'avait pas de quoi rentrer chez elle, alors elle avait été obligée de passer la fin de l'après-midi là-bas.

Il n'y avait personne d'autre dans les toilettes, elle les avait pour elle toute seule. En quelques secondes, elle était rentrée dans une des cabines, elle avait fait pipi et c'est une fois fait, qu'elle avait remarqué qu'il n'y avait plus de papier. Son premier réflexe avait été de prendre son paquet de mouchoirs dans la poche de sa veste, mais bien-sûr il n'y avait plus de mouchoirs dans le paquet. Ce n'était vraiment pas sa journée, Eugénie avait soupiré avant de prendre son visage dans ses mains. Elle n'en pouvait clairement plus. Son troisième réflexe avait été de lâcher un « Putain ». Résultat, elle était restée 5 bonnes minutes assise sur les toilettes à ne plus savoir quoi faire.

Il fallait bien sortir un jour ou l'autre des toilettes, alors elle avait remonté sa culotte jaune et son jeans noir, avant d'ouvrir la porte de sa cabine. Sa représentation demandait un minimum de tenue, alors Eugénie s'était lavée les mains et heureusement il y avait encore du savon et elle s'était remaquillée très légèrement. En fait, elle avait juste remis du rouge à lèvres, parce qu'elle n'avait rien prévu d'autre niveau maquillage. Sa mère lui avait dit de mettre une robe, mais Eugénie n'aimait pas les robes, elle se sentait ridicule dans une robe. Ce jour-là, elle avait mis un col roulé vert sapin, un jeans noir qui lui arrivait au-dessus du nombril et ses converses noires. Eugénie aimait bien passer inaperçue.

C'était dans cette tenue qu'elle avait joué devant un petit public, elle n'avait pas voulu se changer. De toute façon personne ne venait la voir, alors à quoi bon? Eugénie avait quitté le lycée, son béret vert sur la tête. Il était 17h40, il n'y avait plus un chat au lycée et il faisait déjà nuit noire.

En principe, pour aller du lycée au conservatoire, il fallait compter 30 minutes à pied, c'était ce que m'était Eugénie pour y aller. Mais ce soir-là, elle avait mis plus de 40 minutes. Elle y était allée en trainant les pieds et n'avait eu aucune envie d'y aller. Même dans le noir, Eugénie n'avait pas peur, marcher tard le soir ne l'effrayait pas, elle s'en fichait. Du haut de ses 17 ans, la blonde n'avait jamais eu peur de rien.

C'est en ouvrant la porte qu'Eugénie avait eu une illumination: elle avait oublié son violon chez elle. Rapidement, elle s'était jetée sur sa prof de violon, en essayant de lui expliquer qu'elle avait oublié son violon chez elle. Sa prof l'avait rassurée en lui disant qu'elle avait le temps d'aller le chercher puisque la répét n'allait pas commencer tout de suite.

Eugénie avait cherché 1€50 dans son petit porte-monnaie, parce que bien évidemment elle n'avait pas de carte de bus.  Le problème, c'est qu'elle n'avait plus que de la petite monnaie, mais heureusement elle avait réussi à rassembler le prix du ticket de bus avec des pièces en dessous de 50 centimes. Elle avait ensuite couru jusqu'à l'arrêt de bus le plus proche qui allait vers chez elle pour pouvoir récupérer ce maudit violon.

Elle l'avait eu de justesse et ce n'était pas la bonne heure pour prendre le bus. Il était plein de gens bizarres et de femmes avec des poussettes. Ça non plus ça ne faisait pas peur à Eugénie, elle était déjà prête à prendre le métro l'année prochaine pour aller à la fac. Pendant 20 minutes, elle avait regardé dehors, la joue contre la fenêtre du bus et pendant tout ce temps, son genou gauche avait tremblé. Eugénie était énervée et stressée, mais surtout énervée, elle stressait rarement.

Eugénie sans ÉliasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant