Philippe, c'est la belle quarantaine. Les voitures de sport, les soirées yacht à Ibiza, des femmes par dizaine en bikini. Mais c'est surtout une incapacité viscérale à s'engager dans une vraie relation.

-On va en parler, juste toi et moi, dit Philippe en s'approchant de moi.

Son regard est clair. Je n'ai pas d'autre choix que de le suivre. Il se retourne vers Marc et caresse doucement son visage. Il lui murmure quelque chose que je ne peux pas entendre. La tendresse de ces gestes me déroute.

Alors je me laisse portée par la situation. En réalité, je suis hyper curieuse. Je veux savoir ce qu'il a à me dire. Après tout, je viens juste de tomber sur mon père en train de lui tailler une queue.

Oh lord, je ne veux pas penser à ça.

On descend jusqu'au café en bas de l'immeuble. De l'autre côté de la rue. L'Ailleurs ne paie pas de mine, mais l'intérieur est toujours blindé. Malgré le froid, on fait le choix de s'installer en terrasse.

Le serveur à le temps de déposer nos consommations avant que Philippe ne commence à me parler :

-Comment est-ce que tu vas ?

-Franchement Phi, tu veux commencer cette conversation comme ça ?

-Dinah.

-Non, ne me Dinah pas, j'en ai marre des gens en ce moment. J'ai l'impression que toute ma vie s'effondre et que j'en suis responsable. Comment est-ce que je pourrai être responsable de ça aussi ?

-Ce n'est pas ce que je veux dire.

-Alors pourquoi j'ai l'impression que t'es sur le point de me faire la morale.

Il attrape une cigarette de mon paquet posé sur la table, je fais glisser mon briquet dans sa direction. Il prend du temps pour me répondre, la boule dans mon estomac grossit.

Plus jeune, j'avais ce cauchemar dans lequel Marc rentré à la maison, pour me dire qu'il n'avait plus besoin de moi, qu'il ne m'aimait plus et que je devais me trouver une autre famille. L'angoisse que je ressentais à l'époque est la même que celle que je ressens maintenant.

Peut-être que je l'ai poussé trop loin ? Les gens que j'aime finissent par partir. Comme Idriss l'a fait il y a trois jours, comme Ken l'a fait il y a deux semaines. Pourquoi Marc ne le ferait pas ?

-Je ne sais pas comment te dire ça, il reprend.

-Commence par le début.

Il pousse un grand soupire puis ses doigts se posent sur ses paupières et les frottent doucement. Je retire le sachet de thé de la tasse, me brûlant le bout des doigts au passage.

- J'aime ton père depuis que j'ai dix-sept ans.

Je m'attendais à tout, mais pas à ça.

-C'est mon premier tout. Mon premier ami, mon premier amour, mon premier amant.

Le silence s'installe entre nous. Le temps pour moi de digérer. Philippe est comme Marc mais en plus chill. Lui non plus s'est pas un sentimental. Ce genre de révélation dans sa bouche, ce ne sont pas juste des mots, se sont des promesses, des serments.

-Ok, je finis par dire sans le regarder dans les yeux. Si vous êtes ensemble pourquoi est-ce que j'ai besoin de l'apprendre en vous surprenant faisant des bails dans son bureau ? Je n'avais pas besoin de ce genre d'image dans mon esprit.

Son rire se meurt dans sa gorge. Un voile de tristesse travers son regard. Regard qu'il pose sur moi. Il garde encore un peu le silence. Je sais ce qu'il va me dire. Finalement, c'est bien un peu de ma faute.

THUNDEROpowieści tętniące życiem. Odkryj je teraz