Chapitre 20 : Le Roman de Silence

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- Laisse, je vais y aller, avait proposé Alain en voyant la mère hésiter à monter pour asseoir sa posture d'autorité.

- Merci. Je n'en peux plus, Alain, je suis dépassée, elle n'a jamais été comme ça... Il n'y a que toi qu'elle écoute en ce moment.

- Ne t'inquiète pas, je vais lui parler.

La dernière remarque de Catherine avait achevé de gonfler le bonheur orgueilleux qu'il ressentait à l'idée d'une entrevue privilégiée avec la jeune fille. À l'étage, un rai de lumière passait sous la porte de l'ancien bureau de François. Il frappa une fois, révéla son identité et entre-ouvrit doucement la porte. Julia était assise dans le grand fauteuil de son père, un livre à la main, les joues mouillées de larmes et les cheveux défaits. Elle ne lui cria pas de s'en aller. Alors, Alain referma la porte derrière lui, il s'approcha de la jeune fille et s'enquit de ce qu'elle lisait. Elle ne répondait pas. Elle avait le visage d'un ange en colère. Alain s'agenouilla, lui retira délicatement le livre des mains ; c'était Le Prince de Machiavel. Un rire tendre agita sa poitrine.

- Qu'est-ce qui te fait rire ? riposta Julia.

Au moment où elle abaissa son visage contestataire vers lui, ses longs cheveux frôlèrent la joue d'Alain qui en perdit jusqu'au moindre sourire tandis qu'un nouveau tableau s'ajoutait par surimpression dans son esprit.

- « La Belle dame sans merci », murmura-t-il les yeux pénétrants et l'air contemplatif du connaisseur d'art, le visage à quelques centimètres de celui de la jeune fille.

Face à son air interrogateur, il ajouta :

- Ne cesseras-tu donc jamais de te métamorphoser ?

L'énervement s'évanouit dans les yeux de Julia, qui remarqua l'air nouveau avec lequel Alain la regardait désormais. C'était ce même air tendre qu'il avait toujours eu lorsqu'ils discutaient dans les rues de la ville, mais avec une touche supplémentaire, comme une tension, qui comprimait l'air tout d'un coup et réduisait l'espace de la pièce à ce seul regard. Et alors, sans prévenir, il l'embrassa, brûlant de désir, mais hésitant tout d'abord. Julia fut surprise de ne pas trouver cela désagréable. Ça n'avait rien à voir avec les baisers qu'elle échangeait avec son petit-ami de l'époque. C'était pourtant la même chose. Alors pourquoi son ventre la brûlait-elle ainsi ? Sa colère s'apaisait tandis qu'un cri de révolte montait en elle. Oui, c'était cela. C'était cela qu'elle recherchait. Et elle embrassa Alain furieusement, passant ses mains derrière son cou. Il n'en fallu pas plus pour que l'homme perde la tête. Ses mains inarrêtables passèrent sous le t-shirt de la jeune fille et touchèrent tout ce qu'elles pouvaient effleurer, retirèrent ce qu'elles pouvaient retirer. Quelques instants plus tard, Julia perdit la sensation étourdissante des lèvres d'Alain contre sa bouche et, le souffle coupé, elle s'abandonna à la vue de l'homme qui approchait le visage de ses cuisses.


***


Lorsque Alain ouvrit la porte ce soir-là suite à plusieurs sonneries intempestives, il ne s'attendait certainement pas à tomber sur l'image qui se présentait à lui. Julia se tenait-là, droite et fière comme il se l'était toujours représentée. Elle était entièrement vêtue de noir, son jean déchiré, et son maquillage plus prononcé qu'à l'habitude. Son regard semblait lointain, égaré. S'il ne l'avait pas connue, s'il n'avait pas pas su quelle perle se cachait sous la coquille, il lui aurait certainement fermé la porte au nez. Son état était misérable.

- Julia ? demanda-t-il comme pour confirmer son identité, ou l'inviter à justifier sa présence à une heure aussi tardive de la nuit.

C'était une chance que son séminaire ait été prolongé par un repas interminable. Il était d'ordinaire au lit bien plus tôt.

Parle-moi du bonheur (professeur-élève) - TERMINÉEWhere stories live. Discover now