Chapitre 11 : Voyage au bout de la nuit - Deuxième partie

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PARTIE 2

Vulnerant omnes, ultima necat.

Toutes blessent, la dernière tue.

De Noa, 21h56 :

Alors la vénitienne, ça fait quoi d'être au pays ? L'autre ne te fait pas trop d'avances ?

Allongée sur son lit, Julia esquissa un sourire à la lecture du message. Paradoxalement, elle sentit aussi tous les organes de son abdomen se comprimer. S'il y a bien un chose qu'elle n'avait pas envisagée à l'idée de ce voyage, c'est que la présence de Noa allait cruellement lui manquer, au point même d'assombrir le rêve qu'elle était en train de réaliser : visiter l'Italie, terre où elle avait été conçue selon les anecdotes salaces de son père, et à laquelle elle s'était toujours sentie appartenir. C'est que depuis la bagarre du midi, Julia s'était renfermée avec ses idées noires, revivant sans cesse la scène de la cafétéria tant en émotions qu'en pensées, se demandant avec angoisse : aurais-je été capable de tuer Anna si j'en avais eu la possibilité ? et sans jamais pouvoir y apporter la moindre réponse convaincue. Raphaël avait manifestement tout fait pour lui montrer qu'il était présent le reste du trajet. Il avait eu la finesse d'esprit de comprendre qu'elle ne souhaitait pas parler. Il avait partagé son manteau avec elle, lui avait déposé un écouteur dans l'oreille et l'avait invité avec un sourire bienveillant à poser sa tête contre son épaule. Mais rien n'y fit, Julia, les yeux clos, reniflait le t-shirt de son ami en essayant en réalité de se souvenir de l'odeur de Noa. Elle revoyait ce dernier, son sourire taquin, ses yeux rieurs qui renferment tellement plus qu'une simple effronterie naturelle. Il n'aurait certainement pas eu tant d'attentions, mais il aurait peut-être trouvé les mots justes pour la débarrasser de ses angoisses. Sans qu'elle s'en rende compte, il y était parvenu jusque là, et c'est de ces mots, plus que de marques d'affection, dont elle avait besoin. La séparation est toujours le prix à payer pour évaluer la véritable valeur d'une personne. Elle le constatait maintenant avec une incroyable lucidité : Noa lui apportait quelque chose de précieux quand ils étaient ensemble, un sentiment de sécurité, une once d'insouciance, et pour Julia, ce n'était pas rien. Peut-être était-ce cela, la lumière au bout du tunnel qu'elle guettait depuis plusieurs années sans véritablement y croire. Mais ce soir, à des milliers de kilomètres de lui et exténuée par la fatigue du trajet, une chose est sûre, aucune lueur de joie ne parvenait à elle. 

- Il ne m'a presque pas adressé la parole du trajet, murmura Safia du haut du lit à étage. Vous croyez qu'il m'évite ?

- Mais non, répliqua Élise, avachie sur son propre lit, les yeux rivés sur son rubik'scube, le pauvre était malade comme un chien ! Crois-moi, il était bien mieux à l'avant près des fenêtres ouvertes qu'à côté de nous.

- Il devait surtout être bien satisfait de rejoindre Oliveira...

- La prof d'anglais ? s'esclaffa-t-elle, ok, c'est un secret pour personne, les mecs l'adorent, mais t'exagères pas un peu ? Safia, ça va faire trois ans que Tarik me parle de toi. Envoyez-vous en l'air une bonne fois pour toute et qu'on n'en parle plus !

Alors que Safia secouait la tête avec amusement, le portable d'Élise se mit à jouer une musique des Sex pistols. Après avoir lancé un juron, cette dernière sortit sur le balcon en s'excusant pour répondre à son appel.

Une minute de silence suivit sa sortie, puis Safia reprit le fil de sa discussion.

- Toi, Julia, t'en penses quoi ?

Surprise, la jeune fille leva les yeux de son portable. Elle entrouvrit la bouche, à cours de réponses.

- Tu sais... Je ne suis pas très douée pour ces choses, répliqua-t-elle finalement, incertaine.

Parle-moi du bonheur (professeur-élève) - TERMINÉEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant