Il avait néanmoins immédiatement senti la tendance dans le groupe et s'était alors fait le plus ardent partisan de la cause du sauvetage, pour donner le change.

« Ser Talbar s'est proposé pour escorter nos dames jusqu'à Carapace tandis que nous bifurquions vers le sinistre Château des Toiles, mais aussi bien ma promise, Lindzy, que la septa Eleanne ont manifesté leur souhait de nous accompagner. »

La petite Melinda Lockhart était restée silencieuse comme à son habitude, mais ses yeux effarouchés et ses joues empourprées disaient assez combien elle aurait préféré rejoindre un lieu sûr. Lindzy, elle, semblait goûter d'avance le plaisir de l'aventure, au grand dam de Grey. Sa chemise en mailles de fer ne suffirait pas à la protéger d'une blessure si les choses tournaient mal, et Grey ne se pardonnerait pas si cela devait arriver.

« Nous avons pénétré une forêt qui se faisait de plus en plus dense à mesure que nous progressions vers le nord. Sans notre pisteur, sous la frondaison des arbres nous n'avions guère de repères pour nous guider et nous cheminions un peu au jugé. Nous avons su que nous touchions au but quand trois d'entre nous ont subitement été emportés dans les airs. »

La surprise leur avait fait pousser toutes sortes de jurons qu'il n'était pas nécessaire de rapporter.

« Nous avions déclenché un piège, dont je ne suis pas sûr qu'il n'était destiné à prendre que du gibier : un filet déployé sous nos compagnons s'était soudain refermé sur eux et le mécanisme du système les gardait suspendus à près de six mètres au-dessus du sol.

J'ai fait taire tout le monde : j'avais distingué un tintement au loin. »

C'était Eleanne qui avait entendu le bruit, mais c'était la même chose.

« C'est ainsi que nous avons découvert que le château des Toiles ne devait pas son nom qu'à l'imagerie populaire : des cordelettes en partaient dans toutes les directions, comme la toile d'une araignée, chaque filin relié à un piège qui faisait tinter une cloche au château lorsqu'il se déclenchait. »

Grey n'avait pu s'empêcher de trouver l'idée ingénieuse, même si elle n'était exploitable que pour un bâtiment entouré de bois -et que tout homme d'armes savait que la première mesure à prendre pour bien organiser la défense d'une place était de largement dégager ses alentours. Bah ! elle était en tout cas parfaitement appropriée pour un château comme celui-ci.

« Ceux d'entre nous qui n'avaient pas été capturés ont pu ramener le filet à terre et délivrer nos compagnons. Si Edoyn avait été pris par le même genre de collet, il n'avait pas pu compter sur le même secours.

Imaginant que des gens du château n'allaient pas tarder à arriver pour relever le piège, nous nous sommes disposés autour de l'endroit de façon à pouvoir les embusquer. Si nous avions pu prendre un ou des prisonniers, ç'aurait été l'occasion d'en apprendre davantage sur la situation, et ça nous aurait peut-être même fourni une clé d'entrée dans le château... »

Mais personne ne s'était présenté.

« Sauf que personne ne s'est présenté. Nous avons patienté un long moment, et toujours rien... Nous avons donc renoncé à ce plan et avons repris notre approche, intrigués par cette tournure des événements. La forteresse n'était plus très loin. »

En parvenant en vue des murailles, Grey n'avait pu s'empêcher d'en inspecter les créneaux, garnis de crânes fichés sur des piques comme le disaient les histoires populaires, et redoutant d'y découvrir la tête fraîchement plantée d'Edoyn. Mais il n'y avait là que des ossements, des crânes entièrement débarrassés de la chair qui les avait couverts un jour. Même en imaginant que ce nettoyage soit assuré par des gens du château plutôt que par le temps et les charognards, il était peu probable qu'Edoyn soit déjà du nombre.

L'Ascension de la Maison ArchelonWhere stories live. Discover now