4. Les mortes-vivantes

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J'avais croisé Teddy tout à l'heure avec quelques autres joueurs de l'équipe de basket. Ils allaient tous au rassemblement express que leur coach avait exigé pour un motif inconnu.

Avec un soupir, je me laissai tomber sur une chaise à côté de ma meilleure amie qui ne fit aucun commentaire sur mon changement de place ou ma mésaventure avec Michael.

- Stacy t'a parlé ? s'extasia-t-elle.

Ah ! Everly et son fameux secret.

Je n'en revenais toujours pas qu'elle ne me l'eût pas encore confessé jusqu'à ce jour-là.

Elle était lesbienne.

Je l'avais découvert l'année dernière lors de l'une de nos soirées pyjama.

On regardait un film sur son ordinateur portable lorsqu'elle s'était endormie. Ensuite, je ne me rappelais plus vraiment comment, j'étais tombée sur des choses que je n'aurais pas dû voir sur l'appareil, en particulier à propos de Stacy.

Je n'avais pas posé de questions malgré mon choc, mais j'avais quand même été vexée. Elle savait que jamais, je ne la jugerais. Alors ce silence me tapait un peu sur les nerfs.

Je levai les yeux au ciel et jetai avant de croquer dans ma pomme :

- C'est pas Isaac Newton, non plus.

- Oui, mais c'est Stacy !

Oui, Stacy...

- Si tu la trouves tellement géniale et que tu veuilles à tout prix être son amie, va lui parler ! lâchai-je d'un ton qui voilait à peine mon agacement.

J'aimais la voir heureuse. S'il s'était agi de n'importe qui d'autre, j'aurais probablement arrangé le coup. Mais je ne supportais pas cette garce aux cheveux violets... qui allaient à coup sûr changer de couleur d'ici une semaine.

Everly rentra sa tête dans ses épaules et détourna le regard en jouant avec ses frites.

Mine de rien, j'aimais bien envoyer des petites piques comme ça, juste pour me venger de son silence. Mais sérieusement, pourquoi Stacy ?

Pourquoi Michael ? me nargua ma conscience.

Touchée !

- Voici Anna ! m'informa la métisse pour changer de sujet.

Je voyais clair dans son petit jeu. Mais elle ne mentait pas. La protégée du bad boy arrivait.

Avant, je m'asseyais toujours en face d'Everly, juste pour avoir Michael assis seul une table plus loin, dans ma ligne de mire. Mais ce jour-là, j'avais préféré lui tourner le dos, pour des raisons évidentes.

Cependant, à la vue d'Anna, ma curiosité l'emporta sur mon ego blessé et je me retournai pour observer sa réaction.

Il ne l'avait pas encore remarquée. Il piquait d'un air distrait dans son assiette de contenu végétarien.

Dire que ce matin j'avais prévu de tomber près de sa table en espérant qu'il me rattrape. Mais après l'épisode du cours de débat, c'était mort.

Cependant, lorsque sa petite chérie arriva à ma hauteur avec son air angélique ; une idée tordue me traversa, et je ne résistai pas à lui faire un croche-pied.

Everly désapprouva d'un coup dans les côtes.

Moi aussi, je désapprouvais. D'ailleurs, je me sentais déjà coupable. Je n'avais juste pas pu m'en empêcher. Je voulais vérifier quelque chose.

Anna et son plateau encore étalés par terre, je me retournai pour voir la réaction de Michael.

Cette fois-ci, c'était comme s'il m'attendait. Mon sang se glaça lorsque son regard meurtrier croisa le mien.

Je m'empressai de me redresser sur mon siège en me plaquant contre le dossier, comme si ce dernier pouvait me protéger.

Merde, merde, merde !

Il avait compris ce que j'avais fait. C'était obligé.

Qu'est-ce que je n'aurais pas donné pour la cape d'invisibilité de Harry Potter, à ce moment-là ?

Le cœur battant à tout rompre, je me levai pour tenter de m'échapper au plus vite.

Je marmonnai une vague excuse à Anna qui m'assura de sa frimousse d'ange que ce n'était pas grave.

Tant mieux.

Je m'éloignai ensuite à grands pas de ma table, la démarche aussi raide qu'un millitaire qui souffrait d'arthrite.

J'avais cru que Michael serait aux côtés de sa chérie pour la réconforter. Je faillis donc tomber sur les fesses lorsqu'il m'intercepta à mi-chemin de la sortie, des lance-flammes à la place des yeux.

- Considère que t'es morte... Spark.

Puis, il s'en alla retrouver sa belle, me laissant clouée sur place, réalisant avec horreur le bordel dans lequel je m'étais fourrée.

Les chuchotements autour de moi finirent par avoir raison de ma torpeur.

Je lissai ma jupe de mes mains tremblantes, pour me donner un peu de contenance et j'adressai mon sourire le moins crédible à mes spectateurs.

Les épaules lourdes, je repris ma marche en me massant les tempes pour soulager mon début de migraine.

Qu'allait-il me faire ? Me torturer ? Me frapper ? Il n'oserait pas, non ?

Je l'avais déjà vu se battre, mais il n'allait quand même pas se rabaisser à me tabasser ? J'étais une fille.

J'appellerais la police. Je... je me défendrais.

En tout cas, je n'avais pas l'intention de me laisser faire... Toutefois, ça ne diminua en rien ma frayeur.

Je jetai un dernier coup d'œil en arrière avant de sortir et je vis Anna, les joues rouges, qui époussetait la robe à bretelle qu'elle portait ce jour-là, par-dessus un tee-shirt à manches longues.

Michael un pli inquiet au milieu du front lui frottait les bras.

Si seulement le sol pouvait s'ouvrir et les avaler tous les deux.

Le reste de l'école n'avait peut-être pas remarqué le sourire dans le couloir, mais là, tout le monde voyait ce qu'Everly et moi avions vu. Michael Cast en pinçait pour une fille.

Je ne savais pas pourquoi, mais mes yeux cherchèrent Stacy dans la foule pour voir sa réaction.

La pom-pom girl déformait la canette qu'elle tenait, les mâchoires crispées, deux fentes menaçantes en direction du couple.

Elle le hait tellement hein !

J'avais l'impression que la suite n'allait pas être belle à voir.

Mais la question qui me travaillait était, entre moi et Anna, laquelle de nous deux était le plus en danger ?

J'espérais de tout mon cœur que ce fût la nerd, même si une petite voix me soufflait de ne pas me bercer de vaines illusions.

Héroïne [ÉDITÉE]Where stories live. Discover now