65 : Le corbeau.

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JP avait raison : tout s'accélérait. Icare avait été averti par le commandant Melin, avec qui il partageait de véritables liens d'amitié depuis l'époque où il devait lui rendre visite lors de mesures de sa libération conditionnelle. Comme quoi, un bracelet électronique créait des liens là où l'on ne si attendait pas.

C'était en milieu de semaine, quelques jours après la visite de JP, et Icare était revenu travailler au centre. Il était en train de refaire le cuir des selles, quand son portable avait sonné. Puisque son patron était occupé aux travaux d'agrandissement du centre, Icare était tranquille pour abandonner son travail quelques minutes. D'autant plus que quand c'était le numéro du commissariat qui s'affichait, il n'y avait pas de temps à perdre pour répondre.

— Icare, c'est le commandant Melin, ça va ?

— Oui, merci.

— Je ne te dérange pas ?

— Je suis en pause.

« Je me suis auto-décrété une pause » aurait été une réponse plus honnête, mais personne n'avait à le savoir.

— J'ai quelque chose à t'annoncer.

— Oui ?

— Il y a quelques jours, nous avons procédé à l'arrestation de Jauris pour une garde-à-vue. Il a nié, du moins au début. En montrant quelques preuves, notamment les enregistrements vidéo et en le questionnant à propos de vos accusations, il n'a pas bien résisté longtemps. Ça m'a étonné, parce que c'est un type très manipulateur. Mais je crois qu'il vivait avec ce fardeau sur le dos et qu'il savait qu'il était foutu, que cela ne servait plus à grand-chose de nier tout ça.

— Je... Non, je ne sais pas quoi dire commandant.

Icare s'adossa contre une malle en bois, complétement dépassé. JP l'avait peut-être averti de l'avancée de l'enquête, c'était autre chose de l'entendre de la part du commandant Melin.

— Comme tu t'en doutes, le procureur s'est emparé de l'affaire. Il faudra sans doute attendre de long mois entre les derniers éléments d'enquête et le jugement, mais la machine est lancée Icare. Jauris est démis de ses fonctions, il a été envoyé en détention provisoire dans une maison d'arrêt. Tu auras probablement un entretien psychologique pour évaluer les conséquences de l'agression. Enfin, il y aura encore quelques étapes avant le jugement, mais je crois que la justice prend son cours, cette fois de ton côté.

— Merci commandant. Merci de m'avoir averti...

— De rien Icare, tu pourras compter sur moi. Je te laisse, ton avocat te donnera sans doute plus d'informations dans les jours à venir. N'hésite pas à me donner des nouvelles. Bonne journée.

— Merci, bonne journée à vous aussi.

Il avait raccroché, puis observé le vide de longues minutes, perdu. Jauris avait avoué son crime. Il avait avoué, putain. Il n'en savait pas les circonstances, les raisons concrètes, mais le fait qu'il ait avoué devait suffire, non ? Icare devait être rassuré, non ? Son agresseur était derrière les barreaux en attente du jugement. Il était en prison. Il allait connaître l'enfer. C'était sadique peut-être de lui souhaiter ça. Et Icare n'arrivait pas à en être ravi. Pourtant, tout le monde serait content si son agresseur connaissait la prison. Mais ils ne savaient pas ce que c'était vraiment là-dedans.

Le commandant Melin avait raison. Quelques jours plus tard, Icare avait dû se rendre à une expertise psychologique pour renforcer son dossier. Il s'en doutait lui-même, le résultat était foireux. Si la prison avait joué pour beaucoup dans son mal-être, l'agression avait tout accentué. Icare avait fondu en larmes par trois fois, et probablement vidé le tiers de la boîte de mouchoirs tendue par les experts en psychiatrie.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant