21 : La magie de l'hiver.

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Icare déambule dans un couloir de la prison où cela fait un bon moment qu'il ne s'y est pas attardé. La peinture y reste toujours autant défraîchie, il remarque deux punaises au plafond et manque d'écraser une blatte qui lui passe devant les pieds. S'il croise un énorme rat ici, cela ne l'étonnera même plus. Marco avait bien un ancien codétenu qui en avait plus ou moins domestiqué un, et ce gars parlait à longueur de journée au rongeur répugnant et couvert de maladies, en croyant que c'était son enfant. Cela avait eu deux conséquences : le gars avait été sorti de la prison pour être enfermé en psychiatrie, et une nouvelle phobie des rongeurs avait touché le balourd qu'était Marco.





Icare s'arrête devant un numéro de cellule qu'il connait trop bien. Il se revoit il y a encore quelques années, quand il avait débarqué fraîchement à la prison et qu'un détenu était venu lui faire un marché : il lui trouverait tout objet qu'il désirait à la prison, en échange d'un peu de temps passé avec lui. C'est ainsi qu'Icare avait pu obtenir, sans cantiner, des paquets de cigarette, du papier à lettre, quelques moelleux au chocolat en sachets, de la mousse à raser et encore diverses fournitures. Il n'avait pas d'argent, pas encore de travail en prison, son père ne pouvait pas lui envoyer des billets et Icare n'oubliait pas qu'il avait des dommages-intérêts pharaoniques à rembourser.

Icare n'a pas besoin de toquer à la porte, elle s'ouvre instantanément, comme avant. Comme si à chaque fois, Miguel attendait sa venue avec impatience.

— Tu es en avance, remarque l'argentin en lui faisant signe d'entrer.

— Je ne suis jamais en retard pour manger les gâteaux d'Abel. Il est où d'ailleurs ?

— Chercher Marco, répond son ami avec un petit accent, lui faisant toujours légèrement rouler les « r ». Pourtant, vu la corpulence de ce dernier, on ne le rate pas. T'inquiète, il ne va pas tarder. Ton homme n'est pas avec toi ?

— Il arrive aussi, il taillait sa barbe. Il se faisait beau pour l'évènement, ajoute Icare en haussant les épaules.

En réalité, cela gêne un peu Icare d'être seul ici, et espère que les autres ne vont pas tarder. Il sait que Miguel ne lui fera rien, sans son accord. Miguel est un gars respectueux et respectable. Mais voilà, il risque de ramener le sujet de leurs relations sur le tapis tant qu'ils ne sont que tous les deux.


Cela fait étrange au jeune détenu de débarquer ici, presque avec une once de nostalgie. En plusieurs années, la cellule n'a pas changé. Il y a toujours une miniature de drapeau argentin accrochée à un mur, et les deux mêmes photos de paysage de ce pays à côté, même si désormais, elles sont complètement jaunies.

Icare revoit l'homme de tout juste vingt et un ans à qui un argentin d'à peine quarante ans était venu faire une offre sans aucune subtilité. Icare avait grimacé, avant de réfléchir à l'opportunité. Miguel aurait pu en profiter, Icare lui en vouloir. Mais il se souvient comme l'homme avait préféré le mettre à l'aise plutôt et le rassurer, finalement ce ne fut que le début de leurs affaires qui avaient duré plusieurs mois.


Icare s'assoit sur le lit qu'il connaît bien. Miguel le regarde de ses yeux noirs, il doit se souvenir aussi bien que le jeune détenu de leurs moments passés ensemble. Il passe sa main bronzée dans ses cheveux noirs de jais lui tombant aux épaules, se disant qu'il n'a pas su assez profiter du bon vieux temps.

— Tu sais que tu peux revenir quand tu veux Icare ?

Icare sourit. A chaque fois que l'argentin prononce son prénom, il roule le « r » d'une façon qui le fait rire.

— Je sais, admet-il. Mais tu sais que j'ai la manufacture maintenant, j'ai un peu d'argent, je peux me payer ce dont j'ai besoin.

— Ouais je comprends.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant