26 : Embrasser pour tuer.

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Lucile fait semblant de sourire à Adrien quand elle le voit dans la voiture de Caro. Elle s'en veut de se montrer aussi réticente de rester en sa compagnie, puis se dit qu'elle pourrait bien faire un effort pour la durée de l'atelier littéraire.

En tout cas, sa mauvaise humeur n'est pas remarquée, car Adrien et Caro s'entendent bien et se lancent mutuellement des boutades. Cela ferait presque oublier à Lucile qu'elle se trouve dans la voiture de sa meilleure amie, et qu'elle manque probablement à chaque virage de faire une sortie de route. Visiblement, cela ne stresse pas trop Adrien de frôler la mort chaque seconde où la pilote appuie sur l'accélérateur. Par contre, Lucile se dit que c'est une mauvaise chose que Caro soit déconcentrée par les blagues d'Adrien.

Lucile se laisse finalement absorber par le paysage pour se changer les idées et éviter de songer à un accident imminent. Elle pense à Icare, et surtout elle se met à espérer quelque chose qu'elle n'aurait jamais imaginé quelques semaines avant : qu'il soit encore vivant. Maintenant elle vit avec la peur qu'il ait tenté à nouveau de se suicider. Le pire, c'était que s'il le faisait, elle ne serait probablement pas au courant avant un bon bout de temps, avant que JP le lui annonce discrètement au détour d'un couloir menant à la bibliothèque. Elle vivrait donc des journées entières en pensant à lui, alors que finalement, il serait parti. Elle s'en voudrait.

— Lucile, tu es toute pensive, observe Caro.

— Je me demande juste si j'arriverai vivante à la prison, soupire son amie.

— Tu trouves que je conduis mal Adrien ? C'est le grand délire de mademoiselle Lucile ça, adresse Caro à son copilote.

— Euh... Non ça va. Oh putain, fais gaffe ça freine devant ! crie soudainement Adrien.

La jeune femme enfonce son pied sur le frein, et Lucile a juste le temps de croiser le reflet d'Adrien dans le rétroviseur. Elle voit ses lèvres lui mimer un mot : « courage ». Lucile sourit. Au moins, Adrien garde son humour. Elle s'en voudrait presque à ce moment-là de s'être fâchée avec lui lors de la dernière séance. Même si depuis, leurs rapports se sont apaisés, grâce aux vacances de Noël qui ont fait qu'ils n'ont pas pu se croiser au collège ou même se parler, mis à part un sms « bonne année » rapidement échangé.

Mais Lucile a l'impression qu'avec Icare au milieu, tout est trop compliqué. Adrien a des sentiments pour Lucile, la jeune femme s'en rend compte. Mais elle, c'est pour Icare. Et comme le sujet du détenu est tendu avec ses deux amis, elle préfère ne pas l'aborder. L'existence d'Icare semble être le secret qu'elle ne partage qu'avec Niels. Les parents de Lucile trouvent même que la complicité entre leur fille et le palefrenier s'est accrue, s'imaginent des tas de choses, alors qu'en fait, Lucile avoue à son ami ce qu'elle a vu depuis le début aux ateliers littéraires de la prison, et surtout, les confidences d'Icare sur son lit d'hôpital. Niels n'en dit pas trop, parce que Lucile comprend que l'histoire du prisonnier est complexe, et probablement que s'il y avait quelque chose à raconter, c'était mieux que ce soit Icare qui mette personnellement Lucile au courant. Niels lui a parlé de l'amour de la poésie de la part d'Icare, la raison des dessins sur ses livres, avant qu'ils ne finissent sur ses bras.


La voiture vert pomme se gare sur une place de parking, après qu'Adrien ait averti la pilote qu'elle frôlait sérieusement le rétroviseur gauche de la voiture d'à côté. Lucile se hâte de sortir du véhicule, par envie de quitter ce qui sera probablement un jour son lieu de mort si elle continue de fréquenter Caro et sa conduite dangereuse, mais aussi par impatience de retrouver Icare.

Comme d'habitude, Jauris les accueille à l'entrée, un aimable sourire pour les visiteurs venus de l'extérieur.

— Vous avez passé de bonnes fêtes de fin d'année ? s'enquiert le gardien.

IcareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant