Chapitre 9

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La petite cabane pittoresque d'Orphée se situe au bord d'un grand lac, tout près de l'eau cristalline. Une forêt de sapin nous entoure et au dessus des cimes, dépassent les sommets des montagnes enneigées. Le paysage semble idyllique, paisible. À l'abri de tout danger.

J'ai appris à me méfier des apparences. J'ai également appris à ne jamais me croire à l'abri. Et ce d'autant plus quand nos agresseurs, ceux qui s'en prennent à nous, sont de féroces prédateurs, des créatures bestiales traquant les sirènes de par le monde. Des créatures si dangereuses qu'elles ont failli me pousser vers la mort. Et cela aurait été le cas si une autre créature de ce monde, toute aussi dangereuse que celle qui s'en est prise à moi ne m'avait pas sauvée pour de mystérieuses raisons.

J'ai toujours été la chasseuse, la prédatrice. Je suis celle qui porte le coup de grâce. Je n'ai jamais été la proie. Et aujourd'hui, je suis presque traquée de toutes parts. Par des créatures, par un dieu... Ce renversement de situation me déstabilise. La peur, la véritable peur, n'est toujours pas présente. Mais ce statut de proie fait naître en moi des sentiments et des ressentis que je réprouve de tout mon cœur. Je n'ai pas le droit de craindre.

Accoudée au petit ponton, plongée à partir de la taille dans l'eau, j'observe le ciel en silence. Ma nageoire de poisson ondule nonchalamment sous l'eau, créant de légers remous et je dessine de petits symboles sur le bois poussiéreux.

« Regardez donc cette enfant de la mer !

Je lève la tête et un rictus étire mes lèvres quand je tombe sur l'imposante silhouette d'Orphée qui me regarde de haut, les bras croisés. Je me hisse à la force de mes bras, de manière à me surélever et souffle d'une voix mélodieuse :

- Qui de nous deux est réellement l'enfant, toi qui ne sait pas maîtriser tes moindres états d'âme, ou moi ?

- Je suis plus âgé que toi, Mélusine. Les dieux m'ont offert l'immortalité avant même que Poséidon ne crée la quatrième sirène de ta génération. J'ai plus de trois mille ans.

- Tout comme moi. Ce sont donc les autres qui sont des enfants.

- Pas sûr que ton protecteur n'apprécie que tu le qualifies d'enfant.

Je hausse des épaules et me mords la lèvre inférieur. Le bel homme renchérit :

- Il fut une époque où tu trouvais les humains ennuyeux et bons à rien.

- Ils le sont toujours. Seul leur sang m'intéresse. Et encore, quelque fois il est tout juste passable. La faute à toutes ces cochonneries qu'ils mangent.

- Et pourtant tu te fais des protecteurs à qui tu donne ta confiance. Toute ta confiance.

Il s'agenouille face à moi pour se mettre à ma hauteur et la distance entre nous s'amenuise grandement, son souffle parvenant jusqu'à moi. Je penche la tête sur le côté et il suit le mouvement. Je m'approche encore plus de lui et sussure :

- À partir du moment où je les épargne et où ils font le serment de me protéger en échange de leur vie, la magie entre en œuvre. Nous sommes liés et ce, jusqu'à ce que je leur rende leur liberté. Et alors... alors ils ne sont plus de simples humains.

- Je suis vraiment heureux d'être un héros dans ce cas ci.

J'esquisse une moue amusée et et m'immerge dans l'eau, m'enfonçant jusqu'aux côtes, prenant mes distances avec le héro. L'eau du lac est froide. Je sens le moindre de ses remous contre mes écailles.

- Tu étais humain autrefois, Orphée chéri.

- Mais je ne le suis plus.

- Parce que ton amour t'a poussé à faire des choses extraordinaires.

Mélusine - Baiser MortelOù les histoires vivent. Découvrez maintenant