La Saga Du Cristal - Tome 2 (partie 198 à 250)

- Partie 238 -

        Filius se tenait debout devant le grand portail de pierres au sommet de la montagne. Il devait forcément s'agir de la porte des dieux, telle que décrite dans le livre. Ce livre, Filius s'en souvenait très bien. Il se revoyait à la Grande Bibliothèque d'Elexcaris en train d'épier cette étrange magicienne, jusqu'au moment où il put à son tour consulter cet étrange bouquin. C'est de cet évènement qu'était né le fol espoir qui l'avait alors poussé dans cette aventure insensée.

Toutes les motivations de Filius étaient basées sur une fragile hypothèse : que cette petite magicienne ait véritablement l'intention d'ouvrir le portail des dieux. À y repenser, rien n'était moins sûr. De plus, même si l'intention y était, peut-être que la tâche allait s'avérer trop complexe et que le portail resterait fermé. Et encore, même si la magicienne arrivait à ouvrir le portail, de quelle manière pouvait-il espérer trouver réponse à ses interrogations fondamentales ? Mais comme il s'agissait du seul fragment d'espoir en vue, il s'y était solidement attaché. L'enthousiasme que Filius avait d'abord ressenti en quittant la bibliothèque, s'était peu à peu mué en scepticisme. Si ce n'avait été de l'acharnement de Reis, il aurait abandonné cette déraisonnable aventure  depuis fort longtemps. Cette odyssée avait autant de chance de se concrétiser que d'espérer faire un vol à dos de dragon. Enfin, cette allusion était peut-être mal choisie, reconsidéra Filius, mais qu'importe, en ce moment il se trouvait devant une situation qui défiait toute probabilité. Il se tenait debout au sommet du mont Taris-Atar, devant le grand portail des dieux. Et par-dessus tout, le grand voile lumineux qui ondulait dans l'encadrement ne pouvait signifier autre chose, le portail était ouvert. La petite magicienne devait être passée par ici tout récemment pour accomplir l'inconcevable, aboutissement d'un incroyable chaîne d'événements.

- Matéo, crois-tu que je peux entrer dans ce portail ? demanda Filius incertain.

Confortablement étendu à même le sol, Matéo se reposait d'un voyage éprouvant.

- Tu veux dire comme dans « je peux sauter du haut de cette montagne » , ou comme dans « je peux sauter du haut de cette montagne et survivre à l'atterrissage » ?... Oublie cette exemple, il est mal placé.

Ce Matéo n'avait apparemment rien perdu de son légendaire sarcasme.

- Si je mets le pied là-dedans, que va-t-il m'arriver ? clarifia Filius.

Filius se sentait inexorablement attiré par ce portail. Si les écrits du livre disaient vrai, alors de l'autre côté de cette porte se trouvait le plan divin. C'était le moment ou jamais pour Filius de trouver réponse aux nombreuses questions qui encombraient son âme. Depuis le jour où il avait remis en question l'existence de Dieu, sa vie baignait dans une incertitude permanente. Toutes notions devaient être réévaluées, plus rien n'était ce qui avait été. Aujourd'hui, Filius avait finalement l'opportunité de trouver réponse à ses interrogations existentielles.

- Je ne suis pas très connaisseur en matière de magie. Tu te souviens à la bibliothèque lorsque j'ai tenté d'escalader le mur ? Désires-tu encore suivre mes conseils ? déconseilla Matéo.

Filius n'avait pas véritablement besoin des conseils de Matéo, il désirait seulement être rassuré. Au plus profond de lui, il savait déjà ce qu'il devait faire. Il ne pouvait en être autrement, la vérité devait être connue. Filius releva la tête et prit une grande inspiration.

- Je vais traverser le portail. Au revoir, Matéo, et merci de ton aide, cita solennellement Filius.

Sans se retourner, Matéo lui répondit.

- Bien, bien. Bonne chance alors. Ho, et si tu y trouves de l'or, des diamants ou autres choses qui brillent, ça serait gentil de me le faire savoir.

Filius ferma les yeux, retint sa respiration et poussa un pied au travers du portail. Certes, il ressentait une peur énorme devant l'inconnu qu'il s'apprêtait à explorer. Mais cette peur était de loin surpassée par la recherche de vérité latente qui brûlait en lui. Filius fit mentalement son signe de croix et s'engouffra à l'intérieur du portail.

C'est une manière étrange de se donner un dernier coup de chance que de terminer par le signe de en quoi on a perdu toute croyance. Enfin, si tel est bien le cas.