- Partie 199 -

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        Dalia marchait tranquillement à la droite de Matéo. Sous le couvert de la forêt, elle préférait ne pas trop distancer son précieux guide. Après une longue marche sur la route, ils avaient repéré un petit chemin qui se faufilait furtivement dans la forêt. Matéo estimait devoir emprunter ce chemin pour s'approcher des rives du grand lac. Complètement égarée depuis plusieurs jours, Dalia lui fit aveuglément confiance. Donc, ils marchaient sur ce mince chemin terreux au cœur de la forêt, lorsqu'ils débouchèrent par surprise aux abords d'une large clairière. Au centre de cette clairière se trouvait la plus vieille église qu'il avait été donné de voir à Dalia, puis autour de cette église, une dizaine d'hommes parés de longues toges brunes vaquaient à diverses occupations. Alors ça, c'était toute une chance ! Ces gens allaient certainement vouloir les aider à traverser le lac afin de rejoindre la grande montagne. Sans autre précaution, la jeune guerrière fonça sur le premier moine en vue en lui demandant :

- Bonjour monsieur. Nous désirons nous rendre sur l'île où il y a une grande montagne. Est-ce que vous pourriez nous aider ? demanda poliment Dalia.

L'homme lui adressa un aimable sourire serein, puis lui tourna le dos calmement. Dalia en resta hébétée. Ce n'était pas le genre de réaction que l'on espérait d'un homme souriant, mais bon, peut-être qu'il avait passé une mauvaise journée et qu'il n'était pas d'humeur. Allons en voir un autre se dit Dalia. En s'approchant plus près de la petite église, elle passa devant un autre homme qui était affairé à peindre derrière un haut chevalet. Piquée de curiosité, elle s'en approcha nonchalamment. L'image qu'elle vit alors sur la toile la surprit grandement.

- Mais, c'est mon père ! Vous avez vu cet homme ici ? C'est lui que je cherche. Il est parti vers cette grande montagne et je dois le rejoindre le plus rapidement possible avant que quelque chose de grave lui arrive.

Sourire poli, hochement de tête, puis attention retournée sur le travail. Cette fois, ce fut de la rage que ressentit la guerrière. On l'ignorait délibérément. Dalia ne supportait pas cette attitude ingrate. La moindre des choses était de répondre lorsque quelqu'un vous parlait.

- Hého ! Vous m'entendez ? poussa Dalia, en haussant le ton.

- Tu perds ton temps. Ces moines ont fait vœu de silence. Ils vivent à l'écart de la société afin de privilégié leur communion avec Dieu. On ne pourra pas en tirer grand-chose. Allons-nous-en, suggéra Matéo.

Dalia rebroussa chemin, abattue par ce refus. Fondamentalement, la brave guerrière croyait que tous les hommes étaient bons et prêts à s'entraider. Chaque fois que la réalité lui prouvait le contraire, un amer sentiment de déception s'emparait d'elle. Au moins, elle avait vu une peinture représentant son père, ce qui signifiait que Galgaror était passé par ici et qu'ils étaient sur la bonne voie. Il ne restait qu'à trouver une embarcation pour atteindre l'île. Ça ne devait certainement pas être un très long voyage à partir d'ici, on voyait même le sommet de la montagne en levant la tête.

Alors qu'ils s'apprêtaient à passer derrière le dernier bâtiment du monastère, l'œil de Dalia capta un moine grassouillet qui s'affairait à la taille d'un petit arbre. Ce visage ne lui était pas inconnu, elle avait déjà vu cet air boursouflé quelque part, puis soudain le souvenir lui revint en un éclair.

- Hé, je vous connais ! C'est vous le type discret qui passiez à l'auberge tous les mois, lança impulsivement Dalia sans calculer les conséquences.

Le visage serein et souriant du moine fondit instantanément dans un amalgame de frayeur. Les yeux exorbités, le teint rouge, les lèvres tremblantes, il fit signe à Dalia de se taire.

- Mais je croyais que les moines n'avaient pas le droit d'avoir d'épouse ? Et même, plus qu'une !

Cette fois, ce fut le corps entier du moine qui fondit. On eut cru que ses os s'étaient transformés en pure gélatine. Ses mains en position de prière, il supplia la jeune femme en jetant un regard nerveux autour d'eux. C'est l'esprit vif de Matéo qui saisit l'opportunité.

- Serais-tu capable de nous mener au mont Taris-Atar ? questionna Matéo à voix basse.

Le pauvre moine tourna ses yeux exorbités de l'un à l'autre des compagnons, cherchant le moindre signe d'indulgence.

- Écoutez, siffla le moine à voix basse. Je ne peux pas.

- Si, tu le peux. Je crois que c'est l'abbé Jean-Christophe qui régit ce monastère, si je me rappelle bien, menaça subtilement Matéo.

Sentant la lame imaginaire presser contre sa trachée, il finit par hocher la tête en signe d'abandon.

- D'accord, je vous y emmène, mais faisons vite, et surtout, pas un mot sur mes petites escapades, céda le moine à voix basse.

Dalia, légèrement surprise de la tournure des évènements, regarda Matéo avec admiration. Ce grand gaillard avait un don pour tirer avantage de chacune des situations. Avec un guide comme lui, cette mission ne pouvait pas échouer. Elle arriverait à temps pour sauver son père, il n'y avait aucun doute. Ce qu'elle commençait à redouter, c'est de ne plus être capable de se passer de Matéo. Mais est-ce que cela était une si mauvaise chose ? 

La Saga Du Cristal - Tome 2 (partie 198 à 250)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant