Les Organisations

Deuxièmement : Une parfaite petite ménagère

        « Bon, alors, je peux ouvrir ?

        -Si je t'ai donné un double des clés, c'est pour que tu l'utilises non ?

        -C'est vrai... »

        La porte s'ouvrit sans trop de résistance, et Alice pénétra dans une entrée plutôt étroite, qui laissait se dévoiler un charmant salon-salle à manger. Le sol était recouvert d'un parquet assez sombre, mais les deux fenêtres de la pièce à vivre le compensait amplement. Une porte sur la droite menait à la chambre où, hélas, siégeait fièrement un lit double, prenant beaucoup de place dans la pièce d'une taille modeste. La seconde porte s'ouvrit sur le bureau de Jay, qui avait déjà commencé à travailler, au vu des quelques dossiers empilés. La jeune fille ne s'attarda guère dans cette pièce, mais détailla minutieusement sur le salon. Près d'elle se trouvait deux fauteuils élégants entourant une table basse ronde, le tout disposé sur un tapis. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'elle vit trônant magistralement sur un meuble... Un téléviseur !

        « Whaah !!! Mais comment tu as pu acheter ça ?! Ça vaut une fortune » dit-elle tout en succombant à la tentation de l'allumer , « Mais... L'écran est en couleur en plus ! Ouuuaaais ! C'est vraiment génial ! ». Elle lui sauta au cou sans même lui laisser le temps de répondre, après tout ils étaient mariés et pouvaient bien apprendre à devenir amis... Surtout avec une télé !

        -Euh... Ne te réjouis pas trop vite..! On est encore loin d'être riches ! Mais je te rassure, je ne l'ai volée à personne !

        -Alors, tu peux m'expliquer comment tu l'as eue ? Parce que là...

       -Si tu te souviens, je travaille pour l'Organisation. On n'a pas une paye faramineuse mais par contre, on a l'obligation d'être bien informés. Donc la radio et la télé nous sont fournis par l'Organisation. Ça fait partie des quelques avantages, en plus des vacances et des réductions sur le prix des transports.

        -Oh ! Génial ! Au dortoir, il n'y en avait une seule et en noir et blanc. Enfin... Je suis pas en train de me plaindre, hein ! On était déjà contents ! C'était plutôt cool, surtout quand on entend parler des écoles en campagne... Mais sinon, en quoi ça consiste ton travail ?

    -Alors... En gros, je suis dans ce que l'on pourrait appeler le corps armé de l'administration. On règle des problèmes intérieurs, de la paperasse, toute la journée, mais on doit aussi être capables d'aider si on se fait attaquer.

      -Mais comment ça se fait que tu sois lieutenant si tu passes tes jours à remplir des formulaires?

        -Parce que j'ai commencé ma carrière en temps que soldat et que j'ai été affecté plus tard au Bureau des Stratégies.

        -Ooh..! »

        La jeune fille continua sa visite du logis : à côté d'elle se trouvait une table ronde relativement massive. D'instinct, elle l'imagina regroupant des bandits balafrés en train de jouer aux cartes en misant de l'argent, comme dans un livre qu'elle avait lu. Vraiment, c'est tout ce que ce meuble lui inspirait. Accolée au salon, la cuisine paraissait assez petite. Mais ce n'était qu'une impression, elle offrait un espace assez grand pour se mouvoir tout à fait convenablement, et de plus, elle était lumineuse. Jay la coupa dans ses élucubrations gastronomiques silencieuses :

        -« Dis-moi... Tu sais cuisiner au moins ?

        -Erm... Disons que j'ai suivi les cours scolaires... Enfin... Presque tous.

        -Ah. Donc la recette que tu maîtrise le mieux, c'est le riz ou les pâtes instantanées ?

       -Les pâtes où il faut juste rajouter de l'eau chaude, avoua-t'elle. Mais la dernière fois que j'ai préparé le blé traditionnel, je l'ai quasiment réussi !

     -A ce point ? » Il réfléchit un instant. « Ne me dit pas que c'était toi l’incendie des cuisines ?!

        -NON ! Personne n'a de preuves ! J'étais... Malade.

        -Mouais. Alors, il fallait faire frire des beignets ou faire sauter des crêpes ?

        -C'est à cause de la friteuse... Je l'ai toujours dit..! » Alice adopta une moue boudeuse et continua sa visite. Contre l'ouverture de la cuisine se trouvait la porte de la salle de bain. LA véritable surprise du jour ! Car oui, c'était une salle de bain, avec une vraie de vraie baignoire ! Et le mobilier était neuf, en bois, très ressemblant de celui de l'hôtel de sa « nuit de noces ». Elle lança un regard rempli de joie à son mari qui lui répondit :

        - « Je dois avouer que j'ai beaucoup aimé la décoration de la chambre de l'autre fois. Il manque des éléments pour le moment, c'est ce que j'ai pu monter en trois jours.

        -Moi aussi, j'ai apprécié l'aménagement. Ça nous fait au moins un point commun !

    -C'est vrai que moi, je maîtrise la cuisson du riz, se ironisa-t'il. Et si ce soir on commandait quelque chose à manger ? Je n'ai pas envie de mourir intoxiqué dès ton emménagement, et de toute façon, le frigo est vide.

        -Mais, y'a pas de frigo ?

        -Justement. »

        Alice était rassurée de voir que celui qu'elle venait d'épouser n'était en fait ni un monstre d'arrogance, ni un pervers sexuel. Mais en attendant les plats, elle souleva ce qui lui semblait être un problème (en plus de leur curieux marché, elle gardait ça pour plus tard), celui de l'unique lit, double, qui se trouvait dans la chambre.

        « Tu dormiras dedans. Jusqu'à ce que j'y soit autorisé. » Le cœur de la jeune fille se serra. Elle ne voulait pas l' « y autoriser ». « J'ai aménagé mon bureau, en attendant. Mais avoir deux lits simples ici serait trop risqué. A cause de nos situations respectives, on risque d'être au mieux contrôlés, au pire surveillés. Les premiers temps du moins.

        -Mais... Si je ne t'autorise jamais à me rejoindre... Qu'est-ce que tu ferras ?

       -On verra ça en temps voulus, non ? » Il lui sourit, d'un air assez tendre. « Je n'ai pas envie de me prendre la tête avec ça maintenant. »

        Quelque chose lui échappait dans cette situation, mais elle acquiesça. Au moins, elle aurait un grand lit, rien que pour elle. Néanmoins, elle devra apprendre à cuisiner. Et ça, c'était pas gagné.