Premièrement : Une offre que vous ne pouvez pas refuser

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Premièrement : Une offre que vous ne pouvez pas refuser

         La peur. Ce réflexe animal est censé vous aider, vous inciter à vous protéger, à courir. Mais dans le cas présent, il ne servait absolument pas à Alice. La peur la paralysait, l'empêchait de penser convenablement. Elle se trouvait désormais dans une somptueuse chambre à coucher, des tentures et rideaux beiges rendant l'atmosphère intimiste, confinée, étouffée. Voilà, en fait, elle ne réussit qu'à se dire « Même si je crie, on ne m'entendra pas... Et si c'était un détraqué mental ? Et s'il voulait me tuer ? ». Il est vrai que la jeune fille était loin de faire le poids si jamais elle devait se battre... Elle avait perdu du poids le mariage approchant (ses amies persuadées que c'était dû à l'émotion), et de toute façon, elle n'avait jamais été très forte..! Alors lutter, même de toutes ses forces, contre un soldat très certainement sur-entraîné... Le résultat était couru d'avance... Enfin, si elle parvint à faire tous ces plans, c'était uniquement grâce aux ablutions traditionnelles que son nouveau mari était en train d'accomplir dans la pièce adjacente. Elle en profita pour tenter non sans désespoir d'analyser la situation. Bon, déjà elle était mariée maintenant. Ensuite, elle allait très certainement subir une abominable nuit.

        Sinon, elle se trouvait dans une chambre plutôt grande, avec fenêtres, mais au quatrième étage... Du parquet au sol, un agréable tapis moelleux près du lit, un petit salon (des fauteuils et une table basse, quoi !) et une salle de bain dont elle adorait, sans oser le dire, le mobilier. Et bien sûr un lit très très confortable. Non, vraiment pas de quoi tendre un piège machiavélique. C'est alors que la jeune mariée eut une sorte d'illumination, assez vaine mais réconfortante : sa robe. Le bustier était lacé sur le côté par une technique dont elle seule avait le secret. Une technique qu'elle avait inventé, le double-lacé à deux nœuds, un en haut et un bas. Alice était une spécialiste des nœuds et autres liens et elle était l'unique personne à savoir comment le défaire ! Déjà quelques minutes de gagnées ! Mais elle pourrait aussi utiliser ses connaissances pour emprisonner son bourreau et fuir à la campagne où une merveilleuse vie de paysanne déserteuse du mariage l'attendait ! Peut-être pas une bonne idée en fait... Des rumeurs courent comme quoi les campagnards n'ont pas la belle vie en ce moment...

        Un bruit se fit entendre, signalant la fin du rituel pré-nuptial. Alice se sentait de plus en plus proche de l'arrêt cardiaque. La porte s'ouvrit, dévoilant le lieutenant Finn dans un charmant pyjama gris à boutons en train d'éliminer les stigmates de son dernier affrontement contre la plaque dentaire. Il dégageait une odeur de savon, et non pas de sels minéraux religieux étranges comme elle l'imaginait.

        « Alice Bel, je crois que nous avons à parler, lui lança-t'il sans camoufler un assez étrange sourire.

        -Oui Monsi... Euh, mon Lieut... Erm... Je ne sais pas, en fait.

    -Si nous devons passer les prochaines années de notre vie ensemble, nous devrions commencer par nous tutoyer et nous appeler par nos prénoms. A défaut d'autre chose. Ça risque d'être beaucoup plus crédible ! »

        D'accord... Donc lui aussi n'était pas amoureux, et il ne comptait pas la torturer pour le moment. Ouf ! Voyant que le visage de la jeune fille se décrispait légèrement, il reprit :

        « Je trouve que tu as droit à de sérieuses explications sur ce qu'il t'arrive, Alice. Néanmoins, je ne peux pas trop t'en raconter à l'heure actuelle ; déjà parce que tu es vraisemblablement sonnée par la situation, que tu t'imagines que je suis un dangereux prédateur sexuel, et enfin parce que j'ai sommeil. Alors ne t'inquiète pas, je vais aller dormir sur ce fauteuil à l'aspect on ne peut plus... Molletonné. Et va enfiler quelque chose de plus confortable que cette robe, j'ai mal pour toi ! »

        Là, Jay avait marqué des points. Alice était totalement abasourdie par ce qu'elle venait de voir ou entendre. Il venait de passer de l'archétype de l'abruti glacial, asocial et dangereux, à un homme prévenant et plein de sollicitude (bien qu'elle n'avait aucune réponse aux questions qu'elle pouvait se poser). Alors, elle ne trouva à répondre qu'une phrase plate à la mesure de son désarroi, laissant son interlocuteur perplexe :

        « Merci. Cette robe est très confortable et agréable à porter. Même si cela ne se voir pas au premier abord.

        -Fais comme tu le sens. Si tu es encore capable de respirer avec. »

        Il l'invita à s'asseoir, lui faisant comprendre de ses yeux bleus qu'ils devaient malgré tout régler quelques affaires :

        -« Alice, tu es loin d'être idiote. Ce qui est plutôt rare chez les filles à l'heure actuelle » voyant qu'elle dressait les sourcils en signe de désapprobation, il s'expliqua. « Tu t'en es bien rendue compte. Aucune n'a eu assez de clarté d'esprit pour se rendre compte que tu ne veux pas te marier ! Et c'était pourtant clair... Toutes sont obnubilées par ces idéaux de mariage, d'enfants... ». Il se reprend car la jeune fille apparaît passablement choquée. « Pardon, je vais trop loin. Mieux vaut y aller petit à petit. Tu es une fille intelligente, je le sais. Je me suis débrouillé pour avoir accès à ton dossier. Je pense que tu as de sérieuses capacités et je ne veux pas que tu tombes entre de mauvaises mains. J'ai besoin de quelqu'un comme toi.

        -Comment ça ?

       -Oh, je t'expliquerai tout cela bien assez tôt. Pour l'instant, j'aimerais juste conclure un marché avec toi. C'est très simple : je ne te fais aucun mal sur le plan physique, te protège de toutes les menaces que tu pourras rencontrer et en échange, tu me jures une fidélité d'idée et d'acte. Pas d'histoire de descendance, d'héritier ou de famille. Je veux pouvoir compter sur toi quelle que soit la situation. Tu es d'accord ?

        -Ça me paraît plutôt clair, oui. Je crois que je n'ai rien à y perdre. Et de toute façon, maintenant on est mariés, donc même si je tentais une fugue, tu me retrouverais en moins d'une heure...

        -Ce n'est pas exactement ça, mais tu comprendras assez vite. Et même sans cette alliance, je peux te retrouver en vingt minutes. Les services spéciaux de l'Organisation, tu connais ?

        -Je préfère mieux pas.

        -Alors tout va bien se passer, je te le promet. Maintenant, bonne nuit, je suis épuisé.

        -Oui, bonne nuit. »

        Malgré sa puissante envie de sommeil, la jeune fille peina à trouver Morphée. Beaucoup d'interrogations se bousculaient dans sa tête et elle ne trouvait aucune réponse. Si la situation lui paraissait compliquée il y a une heure, désormais, elle pensait être face à un véritable casse-tête.

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