9. Indésiré

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"Ce n'est pas ce qui arrive qui est important. Mais la façon dont tu réagis."

PDV Chiara

Assise sur le tabouret situé juste derrière la caisse de la supérette, je griffone quelques dessins sur mon calepin que je garde avec moi depuis de longues années. La mine de mon critérium commence à tracer les lignes directrices de ce qui s'apprête à devenir un visage féminin. Concentrée, je fais attention à ce que celui-ci soit proportionné, symétrique. L'inspiration me guide, me fait graver au fur et à mesure les traits évocateurs de mon croquis, sur une vulgaire page en papier. J'aime beaucoup dessiner, bien que je ne sois pas vraiment douée dans le domaine. J'admire énormément les personnes qui ont ce don là, qui ont ce don pour l'art, l'art de créer ce qui vaut de l'or à partir de leur imagination.

Accoudée au comptoir, je continue de m'atteler à mon dessin qui est encore loin d'être fini. Bien que je sois assez distraite en ce moment, je remarque qu'il n'y a pas beaucoup de clientèle, en ce jeudi après-midi. Ma mère papote juste avec sa fidèle cliente dans le coin d'un rayon, me laissant ainsi seule à la caisse depuis une bonne demi-heure. Mais ce n'est pas problématique, j'arrive à gérer les ventes toute seule.

Voyant qu'il n'y a pour l'instant aucun client en face de moi, je m'attaque désormais aux parties cruciales de ma petite oeuvre; à savoir les yeux et les cheveux. Ces détails sont assez difficiles et méritent une attention particulière de ma part. J'essaye alors de tracer les bases de ceux-ci, sans pour autant appuyer comme un bourrin sur la mine. Du coin de l'oeil, j'observe de temps en temps les personnes qui entrent dans le magasin. J'aperçois furtivement un individu portant une capuche sur la tête, qui se tient de profil. Puis je me remets à mon croquis, bien déterminée à l'achever d'ici la fin de la journée.

Constatant que je n'arrive pas à réussir l'oeil droit de mon dessin, je souffle désespérément et je me penche pour plonger la main dans mon sac posé par terre. J'en ressort mon téléphone, puis je consulte sur internet quelques photos afin de m'aider dans l'aboutissement de mon grifonnage. Je le pose ensuite à côté de mon carnet, et reprend mon critérium en main. Mais alors que je suis sur le point de faire toucher la mine grisâtre sur le papier, je sens quelqu'un s'approcher de la caisse. Je relève alors ma tête, et remonte les yeux vers l'individu. Dès lors, ma bouche s'entrouvre toute seule.

Oh, non. Ma vie est un sketch, c'est pas possible.

Hadrien se dirige vers moi d'un pas nonchalant, la tête partiellement baissée. Son crâne est entièrement caché par sa capuche, mais malgré ça, j'arrive tout de même à le reconnaitre. Il tient d'un seul bras un paquet de confiseries ainsi qu'une bouteille d'alcool, ce qui me fait tiquer. Ce dernier ralentit la marche, alors qu'il se trouve à au moins trois mètres de moi. Puis il relève lentement la tête, me faisant totalement appréhender pour la suite. Je triture la pointe de mes doigts, ne sachant quoi faire d'autre que d'attendre qu'il se pointe devant la caisse.

Lorsqu'il me découvre, Hadrien s'arrête net. Son visage se décompose, tandis que ses yeux se bloquent dans les miens. Son expression est littéralement indéchiffrable.

Putain, pas toi, souffle-t-il entre ses dents.

Je hausse les sourcils et lève les yeux au ciel.

Moi aussi je suis contente de te revoir, Hadrien. Sinon, ça t'arrive d'être poli des fois ? Réponds-je avec une pointe d'ironie.

Il émet un son qui me semble être un genre de ricanement éttoufé. Par la suite, il fait deux lents pas en ma direction, pose ses articles sur la surface métallique du comptoir, et s'appuie de ses larges mains masculines sur celui-ci. Toujours assise sur mon tabouret, ma tête se redresse subtilement vers lui par réflexe. Il faut avouer qu'Hadrien est particulièrement imposant, encore plus lorsque je suis installée sur un siège.

Sombre AttractionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant