De ses yeux noirs, elle nous regarda pendant un long moment avant de me demander :
- Madame Jane Johnson?
- Oui c'est moi. Je répondis, surprise qu'elle m'ait reconnue.
Légèrement étourdi, elle nous sourit de toutes ses dents et nous pria d'entrer, se perdant dans ses mots où elle nous demandait de l'excuser de son impolitesse. Je lui lança un << c'est pas de votre faute, même moi j'aurai fait pareil face à des inconnus >> en tentant de la rassurer et c'est ce qu'elle fit.
Elle nous emmena dans une petite pièce éclairée où était disposée des canapés de part et d'autres, avec au centre une petite table décorée avec de petits coquillages. Un décor si simple mais chaleureux. Aaron et moi avons pris place sur l'un des canapés et elle s' assit sur l'autre. De sa voix légèrement faible mais prise d'assurance, elle rompt le silence qui s' était installé entre nous :
<< Que me vaut cette visite à l'improviste ? >>. Je voulais bien répondre, mais visiblement Aaron ne l'entendit pas de cette voix et répondit pour nous deux :
<< Excusez nous de cette visite à l'improviste, mais si nous sommes ici, c'est pour une enquête. Nous voudrons avoir des informations sur le propriétaire de cette maison >>.
En une fraction de seconde, le beau sourire qui illuminait son visage s'évanouit et elle devint plus que pâle, vide d'émotion et son visage n'exprimait que tristesse. Il ne prononça plus un mot, voyant son attitude changée et ça pendant un moment, le temps qu'elle se remette de ses émotions. Pour ma part, je pense avoir une idée de la raison de sa tristesse. En estimant qu'elle soit proche de la quarantaine, soit trente-neuf ans par là, qui sait si ce monsieur n'était pas son mari. On a beaucoup vu de personnes pleurant à la suite de la mort de leur conjoint, et c'est justifié. Après tout, perdre un être est une peine pénible; combien de fois si cette personne était celle avec qui tu devais rester toute ta vie.
Après quelques minutes, rassemblant toutes ses forces pour paraître forte, elle reprend, begayant entre ses mots, avant de retomber dans les pleurs :
- Ce propriétaire que vous demandez était mon père.
Qui l'aurait imaginer ! Nous avons en face de nous la fille de ce défunt docteur. Ses paroles m'ont beaucoup surpris et le résultat etait tel que je n'arrivais pas à croire. Maintenant nous avons au moins la certitude qu'il avait construit une famille. Qu'il a laissé une fille avant de partir...comme ma mère m'a laissé moi avant de quitter ce monde.
J'ai un pincement au coeur rien qu'en la regardant pleurer la mort de son père. Ce n'est jamais une chose facile d'accepter avoir perdu quelqu'un, même si cela s'est passée des années avant. On a sans cesse envie de le revoir, revenir en arrière pour profiter de chaque seconde, se dire qu'il est quelque part, auprès de toi. Mais quand on fait face à la réalité, tout ce qu'on a pour se consoler ce sont des souvenirs gardés en mémoire et l'excuse d'aller de l'avant pour ne pas sombrer et devenir quelqu'un de meilleur en espérant que cette personne perdue te regarde et soit fière de toi.
L'idée de me lever me prend et je vais la rejoindre sur le canapé où elle est assise pour la consoler. Elle a d'abord manifesté de la réticence puis elle s'est laissée aller dans mes bras dans le silence et seuls les bruits de ses sanglots ainsi que sa respiration rapide se faisaient entendre. Moi par contre je lui chuchotais des mots de consolation tout en lui parlant de ma situation, comme quoi, elle n'est pas seule au monde à traverser des moments pareils.
Il faut dire qu'après le décès de ma mère, la seule personne avec qui je restais et qui s' occupais réellement de moi, c'était Mme Berthe. J'ai grandi avec elle. Elle m'a tout appris et c'est en partie grâce à elle que je suis devenue ce que je suis; elle a continué le travail de ma mère, voilà pourquoi elle aussi elle compte beaucoup pour moi, c'est en quelque sorte ma mère adoptive.
Elle s'est calmée au bout d'une vingtaine de minutes et exprimait une certaine gêne face à nous après avoir pleurer. Mais très vite elle s'est ressaisie et c'est Aaron qui reprit la parole pour changer l'atmosphère :
<< Pouvez-vous nous fournir des infos sur votre père? Est-ce que vous vous sentez prête à le faire? On ne vous force pas, si ça peut prendre du temps, nous...
- Que voulez-vous savoir exactement?
- Sa vie professionnelle >>.
Le silence qui suivit cette phrase était semblable au silence de guerre face à deux opposés. Le regard que lançait notre interlocutrice était celui de défi à l'égard d'Aaron. Qu'est-ce qui se passe ? Je ne sais pas mais une chose est sûre, il ne fait pas du tout attention à ce changement et continue l'air de rien comme à son habitude ce qui a don d'intensifier l'atmosphère tendue de la pièce. Et c'est donc avec toute la froideur du monde qu'elle répondit à la demande de celui-ci :
<< Mon père était un grand médecin de soixante-cinq ans qui exerçait son métier dans l'hôpital de la ville. Il était retraité depuis ses soixante ans mais s'obstinait toujours à vouloir retourner dans son travail. Finalement, il y est retourné mais n'exerçait pas sa fonction spécifique et était selon les dits, "conseiller", en quelque sorte un psy. Il aidait beaucoup de patients dont la santé dégradée était très fragile; il les aidait à se confier à lui et à essayer d'aller mieux tout en sachant que leur vie était comptée. C'était un modèle pour tout le monde mais il a fallu qu'il parte.
- Savez-vous s' il gardait des dossiers pour chacun de ces patients ? Après tout, à cet âge avancé, la mémoire s' affaiblie.
- Oui bien sûr qu'il le faisait.
- Est-ce que vous pouvez nous les donner?
- Oui, c'est pas comme ci j'avais quelque chose à cacher! Et je vous préviens d'avance, vous faites fausse route en venant ici. >>.
Immédiatement elle se leva et s'absenta quelques secondes. À son retour, elle avait une pile de documents entre les mains qu'elle posa sur la table à la portée de tous. Et c'est à ce moment là qu'il se leva pour marquer la fin de notre entretien, emportant avec lui les documents sur la table. Mais avant de partir, il dit sur un ton neutre :
<< Si j'étais vous, je ne serai pas aussi confiant. Restez sur vos gardes et sachez que je reviendrais Mme...
- Mme April Wesley. Elle finit par compléter
- aurevoir et à bientôt.>> Je dis à son intention en lui faisant un sourire qu'elle me rendit.
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Une Chanson, une histoire
Misterio / SuspensoUne femme est morte, la mère de Jane Johnson. On a fait aucune enquête sur sa soudaine mort et l'on a assimilé cela à quelque chose de normal, comme quoi tout le monde est appelé à mourir un jour ou l'autre. Dix-sept ans plus tard, Jane est bien d...
