Il faut qu'on sorte

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-Désolée...

Sa voix me parvenait de la cuisine. Presque inaudible, étouffée. Mes mains étaient recouvertes du sang de mon chat, étalé lamentablement sur le sol. La colère monta en moi. Ah, ça oui, elle avait tout changé, et elle continuait ! Elle était arrivée par hasard, remplie de mystères, mais aussi de danger, je venais de le voir.

-Je suis désolée.

Qu'est-ce qui n'allait pas chez elle ? Pourquoi était-elle si....différente ? J'essuyais mes larmes en même temps que ma fureur et me dirigeai vers la cuisine.

-Je suis désolée.

Elle continuait de répéter ces mots, sur un ton inlassablement monotone. Je m'approchai et m'agenouillai devant elle. Ses yeux étaient toujours figés, grands ouverts, laissant maintenant apparaître des vaisseaux écarlates autour de ses iris transparentes.

-Pourquoi, Willow ? Pourquoi ?

-Je suis désolée.

-Mais répond, merde ! Depuis que tu es arrivée, je fais tout pour que tu ailles bien ! Je ne te connais pas, je t'héberge, j'essaye de communiquer et toi, tu réponds à côté, voire pas du tout ! Je me plie en quatre pour toi, pour ton adaptation ! Et tout ce que tu trouves à faire, c'est de...tuer mon chat, bordel ! Willow ! T'es malade ou bien ?

Elle se dressa d'un coup. Un sourire énorme se dessina sur son visage. Elle éclata d'un rire qui me glaça le sang.

-JE SUIS DÉSOLÉE !

Elle parlait aux travers ses éclats de rire. Son corps était secoué de spasmes. Je reculai de stupeur. Ses yeux, toujours écarquillés, laissèrent échapper des larmes.

-JE SUIS DÉSOLÉE ! PARDON !

Je portai mes mains à ma bouche. J'étais totalement perdu, anéanti. Je me sentais impuissant devant cette adolescente au corps tremblant, riant et pleurant de manière incontrôlable et incontrôlée. Elle continuait d'hurler et de supplier. Puis, sous un ultime spasme, elle se jeta en arrière, cognant violemment le sol et me faisant sortir de ma torpeur.

Je fondis sur elle. Ses yeux étaient révulsés, sa bouche formait un trou béant laissant échapper dès grognements et des claquements bruyants. Sa poitrine se soulevait sans qu'aucun air ne passe. Je compris qu'il fallait agir vite. Je lui basculai la tête en arrière et vérifiai si elle respirait. Rien, évidemment. Sans attendre, j'inspirai aussi fort que possible, plaquai ma bouche contre la sienne et soufflai d'un coup. Sa cage thoracique se souleva rapidement. Je plaçai mes doigts sur sa gorge, et sentis son coeur battre vite. Trop vite. Je maintins à nouveau sa tête et prit une nouvelle inspiration. Je ne sais pas combien de fois je dus tenter de la faire respirer. Je transpirais, tremblais, je pleurais aussi. Au bout de quelques interminables minutes,  Willow inspira bruyamment et respira enfin. Ses yeux se radoucirent, son corps cessa de trembler, et sa respiration devint régulière. Je la fixai, essoufflé, les joues et les yeux humides, la bouche entrouverte, mes bras tenant sa tête. Elle leva les yeux vers moi. Ses pupilles étaient dilatées et cherchaient mon regard.

-Pourquoi tu pleures, Angel ?

Mon coeur faillit s'arrêter. Elle venait de m'appeler ? Après tout ce temps ? J'étais stupéfait. Je n'arrivais pas à lui en vouloir. Sa réaction était tout sauf normale. Elle avait réellement quelque chose. Elle avait besoin de mon aide, elle avait besoin de moi. Je la serrai dans mes bras et parvins enfin à parler.

-Pour rien Willow, pour rien.

Hayden

Des cris fusaient dans l'hôpital depuis une bonne heure. Des infirmiers s'affairaient dans nos chambres, des gardes fouillaient chaque pièce, chaque pan de mur. J'étais inquiet pour Krysten. J'avais deviné qu'il s'était passé quelque chose pendant son inspection. Je priais pour qu'il ne lui soit rien arrivé de mal. Et j'espérais secrètement qu'elle ne se soit pas enfuie. Je voulais partir avec elle. L'hôpital était déjà triste depuis le départ de Willow, il deviendrait insignifiant si Krysten le désertait à son tour.

Un garde entra pour la troisième fois dans ma chambre. Il souleva ma couverture, jeta un œil sous mon lit et derrière le rideau qui me servait de porte.

-Vous ne voulez pas regarder dans le trou sur le mur aussi, demandai-je innocemment.

-Garde ton insolence pour toi, gamin.

Il se leva, me toisa et partit. Je m'avançai vers l'encadrement de ma chambre et passai la tête dehors. Le couloir se désertait peu à peu. Avaient-ils retrouvé Krysten ? Ou avaient-ils abandonné, de nouveau ?

-Eh ! cria une voix grave et sèche, retourne dans ta chambre, toi. Tu n'as pas le droit de sortir.

Je me tournai vers lui. C'était le garde de tout à l'heure. Je l'insultai intérieurement et retournai dans ma chambre. Je m'avançai vers mon lit quand j'entendis à nouveau le garde :

-Eh mais...qu'est-ce que !

Un bruit sourd retentit. Je me retournai et baissai les yeux. L'homme gisait sur le sol, inconscient. Je vis alors une silhouette que je ne connaissais que trop bien fondre sur moi.

-Hayden ! J'ai besoin de toi !

Je ne savais pas par quoi je devais être le plus choqué, entre le fait qu'elle ait mis à terre une armoire à glace de 90 kilos ou qu'elle ait réussi à se faufiler entre tout le personnel de l'hôpital. Elle me contourna et posa une pile de feuilles sur mon lit.

-J'ai découvert des trucs horribles Hayden, commença-t-elle, regarde. Dans un des bureaux du bâtiment, le directeur a classé les dossiers de chacun des patients présents ici. Il y inscrit nos noms, âges, anciennes adresses et tout le blabla administratif. Mais il y a autre chose, regarde....

-Attend, attend. Comment tu as eu ça ?

Elle me regarda de la manière la plus calme possible.

-Je me suis battue avec l'infirmière. Je l'ai piquée avec des médicaments qui m'étaient destinés, j'ai jeté toutes les bouteilles présentes sur la table et j'ai voulu m'enfuir mais il y avait des gardes partout alors je suis entrée dans une pièce au hasard. Et avant que j'ai pu réalisé où j'étais, le directeur est entré donc je me suis cachée sous une étagère et je l'ai entendu parler de ces dossiers. Quand il est parti j'ai fouillé et j'ai trouvé ton dossier, le mien et celui de Willow, avec plein d'autres, et comme leur contenu est assez choquant, j'ai voulu te les montrer donc je suis sortie, et me voilà.

Elle pourrait m'annoncer qu'elle voyait à travers les murs et qu'elle était devenue le Messi fidèle d'une entité divine que je n'aurais pas été choqué. Je tentai de retenir un gémissement et m'approchai des feuilles qu'elle me montrait. Elle me tendit mon dossier et pointa des lignes du doigt.

-Regarde, ici, il a décrit notre tempérament et notre façon de pensée. Et si tu regardes plus en bas, il y a nos "points faibles". Ils se jouent de nous Hayden ! Tu n'as toujours pas compris ? Ils veulent nous garder ici !

Bizarrement, je n'étais pas surpris. Je n'avais jamais eu confiance en cet hôpital et envers les gens qui s'occupaient soi-disant de nous. Ce bâtiment avait toujours été pour moi une prison. Alors, d'apprendre que personne ici ne voulait nous aider ne me choquait pas. Je soupirai en reposant les documents.

-Tu me crois maintenant quand je te disais que rien ici n'était logique ?

Elle hocha la tête. Elle semblait tellement perdue.

-Il faut qu'on sorte Hayden. On ne peut pas rester ici. Il faut qu'on s'enfuit et qu'on retrouve Willow.

-Oui, c'est ce qu'il y a de mieux à f...

-ELLE EST LÀ ! VITE, J'AI BESOIN D'AIDE !

Je me tournai brusquement vers la porte. Des agents de sécurité et des infirmiers accoururent dans la chambre et se jetèrent sur Krysten. Je frappai le premier et bousculai le second. Un agent plus résistant que les autres m'agrippa les poignets et me plaqua contre un mur. Je vis Krysten se débattre comme une bête enragée. Elle mordait, griffait, crachait, tapait, mais était beaucoup moins forte que ses ennemis. Bloquée entre deux infirmiers, elle sortit de la chambre en criant :

-Hayden ! Maintenant, soit tu te bats, soit tu pourris ici.

Mad GirlOù les histoires vivent. Découvrez maintenant