Chapitre 91 : otage ou invitée ?

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 Pendant une trentaine de minutes, Syara joua sans interruption pour soigner la dernière harpie. L'exercice était éprouvant et la vidait de toute son énergie, mais voir les brûlures disparaître sur le corps de sa patiente lui redonnait du courage et la poussait à continuer. Lorsque la créature ouvra enfin les yeux, la beast se pencha au-dessus d'elle et lui offrit un sourire bienveillant. La harpie ne comprit cependant pas ses intentions et se mit à paniquer, essayant de se redresser et de s'envoler, en vain.

— Du calme, je ne te veux aucun mal, la rassura la violoniste. J'ai essayé de vous soigner au mieux, toi et tes sœurs.

— Mes sœurs ? s'étonna la harpie d'une voix bien plus aiguë que les deux autres.

— Regarde, elles sont là-bas.

La créature tourna la tête vers l'endroit que pointait Syara et vit en effet les deux harpies en compagnie d'autres personnes, dont celle qui l'avait blessée. Même si elles étaient entravées par des liens, elles ne semblaient pas nerveuses et leur visage était serein.

— Tu peux te lever ?

Revenant sur Syara, la harpie examina un instant son corps. Elle n'avait plus mal nulle part et pouvait bouger tous ses membres, mais ses ailes avaient perdues presque toutes leurs plumes et il était devenu impossible pour elle de voler.

— Je suis désolé. Je peux soigner des blessures, mais je ne pense pas pouvoir faire repousser des membres, devina la beast. Si cela ne peut se guérir tout seul, nous trouverons un moyen de te les rendre.

Avec un hochement de tête, la harpie fit comprendre qu'elle était d'accord avec ce qu'elle venait de dire et tenta, avec l'aide de sa bienfaitrice, de se remettre debout. Ce n'est que dans cette position et à cet instant qu'elle remarqua la taille de sa patiente. Si les autres harpies étaient aussi grandes qu'elle, celle-ci ne dépassait même pas ses épaules. Elle devait être jeune et son amie avait failli commettre l'irréparable.

En la voyant ainsi, Syara n'avait pas l'impression de se trouver au côté d'une créature perfide comme l'avait décrite Elyazra, mais près d'une adolescente normale qui ne comprenait pas vraiment ce qui venait de lui arriver.

Lorsque les deux harpies la virent arriver saine et sauve et presque entière, elles ne purent s'empêcher de courir dans sa direction et de la prendre dans leur bras, soulagée.

— De vraies garces, comme des diablotins avec des plumes et des seins, chuchota Syara à l'oreille de la chasseresse. C'est ce que tu penses réellement quand tu les vois comme ça ?

— Je te rappelle que c'est elles qui m'ont attaquées, rétorqua-t-elle.

— Qu'allons-nous faire d'elles ? demanda la beast au chef du groupe.

— Elles font partie du clan des plumes noires, alors deux choix s'offrent à nous. Soit nous les laissons partir maintenant, soit nous les gardons et elles retourneront chez elles avec nous.

— La première est plus risquée et la seconde offre bien plus d'avantages, mais comment faire pour qu'elles restent sans croire qu'elles sont des otages ? commenta Rael.

— J'ai une idée pour ça, laissez-moi faire, répondit le démon.

Voyant le bassiste approcher, les harpies lui firent face et attendirent de voir ce qui allait leur arriver.

— Nous avons réfléchi à deux options. La première serait de vous libérer maintenant pour que vous puissiez rentrer chez vous. La seconde est de vous garder avec nous et de vous raccompagner demain. Bien sûr, nous savons que vous préférez sans doute la première option, mais...

Avant de continuer, Telak fouilla dans une de ses sacoches et en ressortit un pot en verre contenant une étrange substance verte.

— C'est une crème régénératrice qui aiderait sans doute votre sœur à s'en remettre plus vite et...

— N'en dites pas plus, le coupa celle qui, par la taille, devait être l'aînée. Nous restons.

— Mais vous n'avez pas peur que nous nous en prenions à vous pendant la nuit ? Nous pourrions très bien nous libérer de ses liens et vous attaquer pendant que vous dormez, réfléchit à voix haute la petite harpie.

— C'est vrai, admit le démon.

Fouillant une nouvelle fois dans sa sacoche, Telak sortit un couteau et coupa les liens qui les entravaient. Ne comprenant pas ce geste, les harpies le regardèrent d'un air étonné.

— Vous dites vous-même que vous pouvez très bien vous libérer de vos liens par vous-même, alors autant ne pas perdre de temps et faire en sorte que vous soyez confortablement installé dès maintenant. De plus, la plupart d'entre nous sont assez expérimentés pour ressentir les menaces qui nous entourent, même endormi. Vous avez vu ce dont était capable Elyazra, mais le reste du groupe est tout aussi capable d'en faire de même.

— C'est nous qui avons attaqué et pour tout vous dire, je ne pensais pas que nous nous en sortirions vivantes. Vous avez ma parole que nous ne tenterons rien. Tout ce que je veux à présent, c'est que ma petite sœur s'en remette et rentrer chez nous.

— heureux de l'entendre. À présent, est-ce que faire un feu attirera l'attention sur nous ou bien pouvons-nous en faire un sans craindre de se faire attaquer ?

— Il n'est pas rare que nous en faisions nous-mêmes, donc ça ne devrait pas poser de problème.

— Bien. Syara, je te laisse t'occuper de ça, moi je vais m'occuper de notre invitée.

Tandis que Syara et Elyazra, chacune accompagnée d'une harpie, partaient à la recherche des rares arbres de la plaine pour chercher du bois et alimenter le feu, Telak prit à part la plus jeune et commença à lui appliquer généreusement le baume sur ses bras aux plumes endommagées. Une fois terminé, le démon posa dessus des bandages. Il ne put cependant pas les serrer pour ne pas gêner les plumes, mais fit tout de même en sorte qu'ils se maintiennent malgré les mouvements qu'elle pourrait faire.

Avec cette proximité qu'il avait avec elle, Telak se rendit compte, comme Syara, qu'elle n'était qu'une enfant, une adolescente au mieux. Même s'il était loin d'être un novice en tant que mage, c'était la première fois qu'il rencontrait une créature de cette espèce. À présent que les préjugés étaient tombés, le bassiste voulait en connaître plus sur cette race. Peut-être même qu'au bout de cette mission, les harpies, ou tout du moins un clan, pourraient s'ouvrir aux autres races.

Le violon de cristal: les partitions perduesWhere stories live. Discover now