Chapitre 31: confrontation

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— Mais elle est pas bien celle-là ! s'exclama l'une des mages du conseil avant d'invoquer son instrument, imité un instant plus tard par les autres dirigeants des opérations.

— Je veux une réponse, maintenant ! exigea la beast, sans se soucier de la menace qui planait sur elle.

Si Telak gardait son sérieux, Rael, lui, s'amusait beaucoup de cette situation où une apprentie faisait trembler des vétérans.

— Pour avoir une réponse, peut-être devriez-vous nous poser une question un peu plus développée que « où est-elle ? » rétorqua calmement le satyre du conseil.

— Très bien, faisons ça pas à pas. Qui a eu l'idée de construire le rempart ?

Tous se regardèrent d'un air incrédule jusqu'à ce que le satyre reprenne la parole au nom des autres mages.

— Eh bien, nous n'en savons rien. La seule personne capable de vous répondre gît à vos pieds. À ce que je sache, il a été le premier à prendre les choses en main, mais le mur était déjà construit. À présent, si vous pouviez nous expliquer la raison de cette agression et de ses questions, nous pourrions tous baisser nos instruments et discuter comme les personnes civilisées que nous sommes.

Sa diplomatie, malgré ce qu'elle venait de faire à un des leurs, désarma la beast pendant un court moment. Elle reprit cependant contenance et acquiesça. Son entrée fracassante lui avait donné l'ascendant psychologique sur les autres mages, mais l'avait aussi exposé au danger de se prendre un sort en retour. Il fallait donc qu'elle désamorce cette situation et garde un semblant d'assurance. Le satyre lui avait donné cette chance et elle comptait bien s'en saisir.

— Donc, à nous de vous poser une question. En quoi savoir qui a eu l'idée de construire le mur est important ?

— Parce que c'est sans doute à cause de lui que tout est arrivé et qu'il détient la solution pour stopper tout ceci.

Cette réponse ébranla encore un peu plus le conseil qui commença à s'agiter.

— Comment savez-vous ça ?

La question fatidique venait d'être posée. Devait-elle leur répondre au risque que les kidnappeurs soient dans la salle et que les autres ne la croient pas ou rester évasive et perdre en crédibilité ? Syara avait pensé à cette éventualité en chemin, mais n'avait pas trouvé de réponse pour autant.

— Syara, intervint Telak en posant sa main sur son épaule, peut-être devrais-tu nous en dire un peu plus. Même nous ne savons pas ce qui s'est passé. Crois en mon expérience, il vaut mieux qu'un maximum de personnes travaillent sur le vrai problème, quitte à ce qu'un traître soit au courant plutôt que de tout garder pour toi et ne pas trouver la solution à temps.

— Très bien, souffla-t-elle. Mais je vous préviens, si l'un de vous est impliqué, je ferai en sorte qu'il regrette d'être né.

— Nous prenons votre promesse en compte et vous aiderons même à la mettre en œuvre si elle est justifiée, acquiesça le satyre, nullement impressionné par la menace. À présent, dites-nous tout.

Syara conta donc tout ce qui lui était arrivé depuis qu'elle était montée sur le rempart. Les émotions qu'elle ressentait, son idée de calmer la chose qui se cachait dans l'océan, son agression et sa chute.

Les membres du conseil, comme elle s'y attendait, furent étonnés à l'évocation de ce passage. Personne jusque-là n'avait été attaquée personnellement.

La beast enchaîna ensuite sur son saut dans l'océan, sa tentative d'entrer en contact avec la créature, son trajet tumultueux pour la rencontrer et enfin, ce qu'elle était en réalité. La violoniste finit son explication en résumant la discussion qu'elle avait eut avec le triton, l'enlèvement de sa fille et le fait que le mur ait été construit avant même qu'il passe à l'attaque.

La plupart des membres du conseil semblaient outrés de savoir que tout ceci était dû à un enlèvement tandis que les autres n'arrivaient pas à assimiler que des créatures intelligentes vivaient dans les océans bien avant l'ouverture du portail.

— Vous savez tout, conclut-elle. Allez-vous m'aider à la sauver ou continuer à rester les bras croisés ?

— Rester les bras croisés ? Je suis originaire de cette ville et ne la laisserai pas sombrer parce que d'immondes personnes ont enlevé une personne innocente, clama l'un des membres du conseil. Je vais chercher un soigneur pour remettre Xain sur pied, il fait peut-être partie de ce complot.

— Une minute, intervint Rael en lui barrant le passage. Ne le prenez pas mal, mais toutes les personnes ici sont suspectes. Si quelqu'un quitte cette pièce, cela peut très bien être pour aller prévenir ses complices.

— C'est vrai, acquiesça Syara. Tu devrais y aller à sa place.

— Non, je suis tout autant un suspect qu'eux. Toi et Telak êtes les seuls dont nous soyons sûr de l'innocence. Je propose donc que ce soit lui qui y aille.

— Et pourquoi eux et pas nous ? s'offusqua un autre mage.

— Parce qu'ils sont arrivés il y a seulement trois jours et qu'ils ont trouvé la cause du déluge alors que nous butions tous depuis plus d'un mois.

Son explication réussit à calmer les plus outrés par ses accusations. En s'incluant lui-même dans les potentiels traîtres, Rael avait joué un très beau coup et fait passé son idée bien plus facilement.

Telak partit donc à la recherche d'un soigneur pendant que les autres s'attelaient à attacher Xain sur une chaise. Le démon revint après une dizaine de minutes avec un homme recouvert de la tête au pied d'une peau verte et écailleuse et une longue queue qui balayait le sol derrière lui. Ce beast descendait sans aucun doute d'un reptile que l'on pouvait trouver dans les régions chaudes du monde.

— Mais qu'est-ce qui lui est arrivé ? questionna-t-il en voyant l'état lamentable dans lequel était le blessé.

— L'accident bête, il a trébuché et s'est fracassé la tête contre la maquette, expliqua Syara.

— Et pourquoi vous l'avez saucissonné comme ça ?

— Eh bien, c'est pour éviter qu'il tombe de sa chaise, rétorqua la beast, comme si sa réponse était une évidence. Enfin bref, vous le soignez ou je m'en occupe ? Je vous préviens, avec moi, il a quatre chances sur cinq de perdre un morceau en plus.

Le sourire sadique de la beast montrait clairement qu'elle ne mentait pas et provoqua des frissons à toute l'assemblée. Il se dégageait d'elle une aura mystérieuse qui arrivait à faire trembler les plus puissants mages de la ville, et ce, même en sachant qu'elle n'était qu'une apprentie.

Le beast reptilien sortit son instrument et débuta une légère mélodie curative. Les blessures de Xain se résorbèrent rapidement jusqu'à totalement disparaître. Alors qu'il émergeait, Syara approcha son visage au plus près du sien, les yeux plongés dans les siens.

— Alors Xain ? Prêt à répondre à quelques questions ? demanda-t-elle d'une voix qui promettait mille tourments.  

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant