Chapitre 88 : Nouveau plan

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 — Je n'ai pas rêvé, une harpie a parlé, s'étonna Syara.

— Bah, oui, pourquoi ? rétorqua Elyazra.

— Si elles n'étaient pas aussi agressives envers les autres races, elles seraient considérées comme assez intelligentes pour les rejoindre, l'informa Telak.

Tout de suite, la beast se sentit un peu mal d'avoir tué une créature pensante. Elle regarda un instant la créature au corps calciné qu'elle avait abattue et réfléchit un moment. Contrairement aux bandits qu'elle avait tués lors de son voyage vers Sendra, les harpies, elles, avaient attaqués les premières, ce qui justifiait qu'ils se soient défendus. Mais une question lui trottait dans la tête. Leur agressivité était-elle propre à leur espèce ou bien une harpie pouvait-elle s'intégrer aux autres races ? Était-ce leur culture qui les rendait ainsi ?

En réfléchissant à cela, la violoniste ne put s'empêcher de penser à autre chose. Ils allaient se rendre dans un clan de harpie et il y avait de fortes chances que des jeunes soient présents. Si la mission dégénérait en un bain de sang, serait-elle prête à y prendre part et que ces jeunes fassent partis des victimes ou soient livrés à eux-mêmes une fois le combat terminé ?

— Les noms des clans reflètent vraiment leurs caractéristiques physiques ? demanda soudainement Guard.

— Oui. Comme tu peux le voir, elles ne faisaient pas partie des plumes noires. À mon avis, celles-ci viennent du camp des serres tranchantes, un peu plus au nord.

Serres tranchantes, vu l'état dans lequel elles avaient laissé le satyre et l'elfe, ce nom leur allait très bien. L'un avait le corps lacéré et l'autre les épaules perforées. Heureusement, le combat était terminé et Syara pouvait prendre son temps et se concentrer pour lancer correctement un sort de soin.

La mélodie qu'elle avait jouée le matin même lui semblait être bonne pour soigner leurs maux. Si elle avait réussi à apaiser le cœur de ses amis rien qu'avec un instrument banal, elle pouvait sans doute refermer leurs plaies avec le violon de cristal.

Le doux son des notes de son violon résonna bientôt dans toute la forêt et ses deux compagnons virent leurs plaies se refermer peu à peu. Son entraînement avec son instructeur avait fini par payer. Elle avait réussi à lancer le sort qu'elle voulait.

Tandis qu'ils se réjouissaient de ne pas avoir à continuer la mission en étant blessés, l'une des harpies qui avait été assommée par la pluie de pierres de Telak se releva avec peine et porta l'une de ses serres à sa tête, encore confuse.

— Tiens, il en reste une, remarqua Elyazra. Je m'en occupe.

Sautant comme une gamine, la chasseresse s'approcha de sa cible et dégaina sa rapière.

— Non !

Surprise, elle se retourna vers Syara et attendit plus d'explication de sa part.

— Laisse-là partir.

— Mais c'est une harpie...

— Oui. Et comme l'a dit Telak, c'est un être pensant. La tuer ne nous apportera rien, expliqua-t-elle en s'approchant à son tour jusqu'à se trouver juste devant la créature à plume.

Voyant que deux de ses adversaires se trouvaient juste en face d'elle, la harpie, toujours à terre, poussa un cri fort et aigu en leur jetant un regard noir.

— Je sais que tu peux me comprendre, commença la violoniste. Si je t'ai soigné, ça n'était pas une erreur, je l'ai fait délibérément. Nous n'avons rien contre ton clan. Vous nous avez attaqué, nous nous sommes défendus, c'est tout. Je suis désolé pour les morts que cela a engendrés, mais nous n'avons pas eu le choix. Maintenant, pars et retourne chez toi.

Lentement et sans geste brusque, la harpie se releva et recula sans pour autant leur tourner le dos. Dès qu'elle se sentit un peu plus en sécurité, la créature prit son envol et disparut, comme ses congénères, entre les branches des pins.

— Tu es trop gentille, commenta la chasseresse. Tuer une harpie, c'est débarrasser le monde d'une véritable plaie.

— Si elles étaient aussi dérangeantes, les autorités auraient depuis longtemps décidé d'envoyer le plus de mage possible pour les exterminer, répondit-elle. Si nous avons l'occasion d'accomplir cette mission sans faire couler le sang, alors nous choisirons cette option. Je ne peux pas me résoudre à aller chez des créatures pensantes en me disant que je vais toutes les massacrer.

— Très bien, intervint Telak. Nous essayerons par la voie diplomatique, mais ne t'attends pas à ce que cela fonctionne et prépare-toi à te battre.

— Si ce plan ne mène à rien d'autre que de l'agressivité de leur part, alors oui, je me défendrais, mais si vous en voyez une qui est en retrait et essai d'échapper au conflit, s'il vous plaît, laissez-là.

Sur ce point-là, elle avait toute confiance en Telak et Rael qui préféraient bien plus mettre leurs adversaires hors d'état de nuire en les assommant ou en les immobilisant qu'en les tuant. Si la situation dégénérait en bataille, Guard aurait du mal à se focaliser sur autre chose que celles qui l'attaquerait. Non, cette demande était pour Elyazra dont elle sentait que sa soif de sang pouvait la pousser à commettre ce genre de chose.

— D'accord, céda la chasseresse. Mais je te préviens, si l'une de celle qui ne cherche pas le conflit se retrouve derrière une qui veut ma peau, je n'hésiterais pas un seul instant à en faire un dommage collatéral.

— Si tu ne peux pas faire autrement, alors d'accord.

S'il y avait bien une qualité que Syara pouvait reconnaître chez son amie, c'était qu'elle n'avait qu'une parole. En lui faisant promettre qu'elle ne ferait rien à ceux qui ne l'attaquerait pas, la beast s'assurait de faire couler le moins de sang possible si la situation venait dégénérer.

Le groupe soigné et la façon de faire clarifiée, le groupe se remit en route. Au final, l'attaque des harpies ne les avaient que peu ralentis et ils sortirent de la forêt après une demi-heure de marche. À présent au pied de la montagne, ils pouvaient voir clairement l'épreuve qui les attendait. Même si la première partie était une simple pente, la suite était un mur à la verticale dont les prises avaient l'air rare et dispersées, cela n'allait pas être de tout repos d'atteindre le sommet.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant