Chapitre 54: départ forcé (Elyazra)

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— Tu peux nous donner plus de détails sur cette nouvelle lubie de vouloir partir ? On est très bien ici ! s'énerva Elyazra.

— Ne sois pas si impatiente, j'y viens. Je vais juste devoir m'absenter pendant quelques semaines, voir plusieurs mois.

— D'accord, dans ce cas, nous t'attendrons, rétorqua le chasseur.

— Non Orélius, vous ne restez pas non plus.

— Comment ça, s'inquiéta la chasseresse.

— Mon départ est une bonne occasion pour vous de voler de vos propres ailes. Mon fils, tu es doué d'une grande bonté et je suis sûr que ton aide sera la bienvenue à Sendra. Le déluge a causé beaucoup de dégâts là-bas. Elyazra, tu as de grands pouvoirs et tu rêves d'aventure. Je suis certain que Léfarène sera une ville où tu pourras trouver ton bonheur.

— Mais, sans toi pour...

— Il n'y a pas eut d'incident depuis bien longtemps. Ne t'en fais pas, tout ira très bien.

Les deux chasseurs restèrent silencieux un long moment, devant le pas de la porte. Pourquoi cette soudaine envie de les voir partir ? Pourquoi ne pas les laisser décider par eux-mêmes et les séparer ?

— Quand devons-nous partir ? se décida à demander Orélius.

Pour toute réponse, son père sortit deux sacs de l'entrée de la maison et leur tendit. Le message était on ne peut plus clair. Ils n'avaient plus leur place ici désormais. Sans dire un mot, la jeune femme s'empara de son paquetage et lança un dernier regard noir à l'homme avant de partir, sans même dire un dernier au revoir ou se retourner. Le chasseur, lui, resta encore un peu sur le pas de la porte, le regard vide vissé sur le sac que lui tendait son père.

— Va la rejoindre, elle finira par se calmer. Après ce que je viens de vous faire, je comprends sa colère, mais sache que si je fais cela, c'est par obligation et non par envie de vous voir partir. Cela ne veut pas dire non plus que nous n'allons plus nous revoir.

— Je comprends, au revoir père.

À son tour, Orélius prit son sac, s'éloigna de la maison qui l'avait vu grandir et rejoignit la chasseresse qui marchait à vive allure, tête baissée et visage fermé.

— Tu n'aurais pas dû partir comme ça, dit-il après un long moment de silence.

— C'est toi qui n'aurais pas dû rester aussi longtemps. Ton père vient littéralement de nous foutre à la porte !

— Ça n'est pas toi, il y a à peine une semaine, qui criait dans la maison que tu en avais assez et que tu voulais partir d'ici ?

— Ne mélange pas tout...

— Mélanger ? Tu voulais partir, tu pars, qu'est-ce qu'il te faut de plus ?

— Un peu plus de considération.

— Je suis sûr qu'il a ses raisons, et toi aussi, au fond de toi, tu le sais.

Elyazra allait pour rajouter quelque chose, mais préféra refermer la bouche et rester silencieuse. Tout était allé si vite qu'elle commençait tout juste à remettre de l'ordre dans ses idées. Au final, son ami avait raison, elle n'arrêtait pas de se plaindre qu'elle s'ennuyait dans cette forêt, et là, alors que l'occasion se présentait d'enfin partir, elle ne faisait que râler.

— Dans combien de temps allons-nous atteindre Sendra ? finit-elle par demander, une fois toutes ses idées remises en ordre.

— À pied je dirais quatre, voir cinq jours.

— Pfff ! Et si on...

— N'y penses même pas !

— Mais pourquoi ?

— Parce que tu cèdes toujours à la facilité. En plus, ça te fera du bien de marcher.

— Oui... Ou alors c'est que tu n'arriverais plus à me suivre.

— Je ne tomberais pas dans ce piège.

— Quel piège ? demanda-t-elle avec l'air le plus innocent du monde.

— Si je te dis que je vais aussi vite voir plus vite que toi, tu vas vouloir faire une course et donc avoir ce que tu voulais.

— Tu crois que je m'abaisserais à une telle fourberie ?

— Elya... On se connaît depuis qu'on est gosse. C'est comme si tu étais ma sœur. De ce fait, je sais exactement à quoi tu penses rien qu'en regardant les expressions sur ton visage. Là par exemple, tu me trouves chiant et tu vas accélérer le pas pour en finir avec cette discussion... Et là... Vu ta mine boudeuse, tu ne vas pas le faire puisque ça me donnerait raison.

Orélius éclata de rire alors que la jeune femme lui tournait la tête, vexée d'apprendre qu'il pouvait lire en elle comme dans un livre ouvert.

Ainsi se passa leur voyage vers Sendra. Les deux compagnons, presque frère et sœur, se chamaillaient puis, se disputaient réellement pour enfin se réconcilier dans le but de se chamailler une nouvelle fois et ainsi de suite. Vu le vacarme qu'ils faisaient, il était étonnant qu'ils n'aient attirés aucun prédateur des plaines. Toutes ses disputes les avaient retardés, si bien que les deux chasseurs n'arrivèrent à la porte de Sendra qu'au milieu du sixième jour.

— Je comprends à présent pourquoi ton père t'a demandé de venir en aide aux habitants de Sendra tandis qu'il m'a envoyé à Léfarène, dit-elle alors qu'ils étaient arrivés au croisement qui allait les séparer.

— Et bien dit-moi, parce que je n'ai toujours pas compris.

— Parce que tu me ralentirais dans mon voyage et que, si j'étais restée avec toi, nous aurions fini par détruire la ville en nous disputant.

— Je te ralentis ? C'est toi qui t'énerves tout le temps pour un rien, rétorqua calmement Orélius.

— Je m'énerve pour un rien ? Je m'énerve pour un rien ! Eh bien au revoir !

Elyazra tourna les talons et se mit en route pour Léfarène. Comment osait-il dire une chose pareille alors qu'elle essayait d'être gentille avec lui. La chasseresse allait pour faire la même scène au fils qu'au père, en partant sans se retourner. Elle fut tout de même vite rattrapée par Orélius qui la prit dans ses bras.

— Fait attention à toi, petite sœur, murmura t-il.

— Et toi ne fais pas de bêtise, petit frère, finit-elle par répondre au bout de quelques seconde.

Le jeune homme relâcha son emprise et la regarda s'en aller puis entra dans la ville d'un air triste.

Le violon de cristal: les partitions perduesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant