Troisième chapitre

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Hi ! Voici enfin le troisième chapitre. Je m'excuse pour le retard que j'ai pris également pour cette histoire ! Ce chapitre est moins long mais il prend plus en profondeur. Vous comprendrez en lisant. Bonne lecture !

***

Son regard me sonde de part en part. Et parfois, il me fuit. Comme il m'a fui auparavant. Il était le premier à me trouver pour briser mes rêves et pourtant... Pourtant !

« Kacchan, est-ce que ça va ? Tu n'as pas touché à ton assiette.
- Arrête. »

Je ne sais pas ce que je fais ici. Pourquoi as-tu demandé à me voir sans m'en donner la raison au préalable ? Cela fait huit ans que nous ne sommes pas vus mais tout le monde sait que le temps n'efface pas les maux. Face à moi, je le sens en colère mais il y a autre chose qui se cache derrière cette colère. De la frustration ? Ou bien... Un sentiment aussi insignifiant que celui de la culpabilité ?

« Arrête de m'appeler Kacchan, reprend-il.
- Et pourquoi devrais-je arrêter ?, froncé-je les sourcils.
- Nous ne sommes plus des enfants. Puis, je n'ai jamais apprécié ce surnom, souffla-t-il.
- Tu m'aurais déjà demandé d'arrêter si c'était le cas. »

Il lève vers moi un regard noir tandis que je détourne le mien. Cette situation me rend mal à l'aise. Moi non-plus j'ai à peine touché à mon assiette. Combien de temps compte-t-il me faire attendre ? A-t-il l'intention de parler de notre enfance ? D'autre chose ? Ça me rend dingue. Mon estomac grogne alors, malgré cette boule formée dans ma gorge, je décide de manger une ou deux bouchées de mon plat. Je ne le finirais pas, c'est certain mais je ne tiendrais pas la soirée si je ne mange pas. Remarquant que nos verres sont vides, je nous ressers du saké et en hume l'odeur qui en émane. Je bois et reporte mon attention sur Kacchan.
Il regarde ce qui se passe dehors par la baie vitrée, le menton posé dans la paume de sa main. Il me semble perdu. Complètement ailleurs. Est-ce que dans sa tête cela est-il aussi entremêlé que dans la mienne ? Kacchan représentait beaucoup pour moi durant notre enfance ; c'est toujours le cas aujourd'hui. Néanmoins, il a dû se passer quelque chose parce qu'il n'est plus le même. Je le pressens et cela m'effraie. Que ne peut-il me parler, moi, qui ai toujours été son plus grand admirateur.

« Qu'est-ce que tu deviens ?, lâche-t-il au bout d'une dizaine de minutes écoulées.
- Je travaille dans un café. Je suis manager, dis-je en mangeant, voyant qu'il s'était mis lui aussi à se nourrir.
- T'as lâché l'affaire hein.
- Oui et alors ?, raillé-je, Tu aimes toujours autant remuer le couteau dans la plaie, hein ? »

Je suis agacé. Je n'aime pas qu'on me rappelle que je n'ai pas d'alter et que c'est ce qui a irrémédiablement défini ma vie à l'âge de mes quatre ans. On m'a donné de faux espoirs et j'y ai cru pendant longtemps. Les poings serrés, j'ai presque envie de sortir de table et de rentrer chez moi mais Kacchan attire mon attention encore une fois. Il se mordille la lèvre inférieure... Comme s'il était prêt à me présenter des excuses après m'avoir humilié durant notre enfance.

Mais je sais qu'il ne le fera pas.

« Je n'ai pas demandé à te revoir pour faire des gamineries.
- Alors pourquoi est-ce que tu le fais ?!, dis-je en m'énervant.
- Wow c'est bon ! Tu vas te calmer, oui ?!, me répond-il sur un ton froid.
- Oui oui, c'est bon, dis-je en me calant au fond de ma chaise et en croisant les bras.
- ... Mais c'est parce qu'il y a beaucoup de choses que je ne comprenais pas à l'époque.
- Ah oui ? Visiblement, c'est encore le cas.
- ... On ne va pas avancer, hein. », termina-t-il de dire.

Oui, on ne va pas avancer. Je n'ai plus faim. Je me lève, pose de quoi payer et je m'en vais. Je l'avais pressenti d'avance que cette conversation ne nous mènera nul part alors autant tout arrêter là. Sorti du restaurant, une pointe de tristesse se fait pourtant ressentir au fond de moi et m'enserre le coeur. Toutefois, je n'ai pas le temps de faire quelques pas que Kacchan apparaît et m'attrape par le bras pour me retenir. Je le regarde comme il me regarde et je baisse la tête. Je n'ai plus peur de lui - je crois -, je baisse la tête parce que cette situation me fait de la peine. Il me lâche le bras, enfonce ses mains dans son jean. Mais pourquoi est-ce que tu fais ça ? Dis quelque chose !
Il décide de m'entraîner jusqu'à la rivière Sumida. Je me rappelle soudainement que ce soir il y a un feu d'artifice près de cette rivière, une tradition qui a lieu chaque année lors du dernier samedi du mois de Juillet. Elle proviendrait en partie du peuple d'Edo qui jadis aimait admirer les feux d'artifice les soirs frais d'été. Tout le monde au Japon aime regarder les feux d'artifice car il faut dire que c'est l'une des principales attractions durant les festivals. Donc, je ne dis rien et je me laisse ennivrer par l'ambiance musicale et agréable de cette douce soirée. Des souvenirs d'enfance affluent en moi et je souris mélancoliquement face à tant d'injustice.
Il y a déjà beaucoup de monde mais de là où nous sommes, nous avons une bonne vue lorsque le feu d'artifice commence. Je le regarde, m'exclame à chaque artifice rocambolesque. Au fond, j'ai gardé un peu de mon âme d'enfant en moi mais je pense que c'est le cas pour tout le monde. Nous grandissons mais nous restons des enfants parce que c'est durant notre enfance que notre personnalité se forge. Je regarde Kacchan, perds mon sourire. Lui le regarde aussi, ce feu d'artifice, mais pas une étoile ne semble briller dans ses yeux.

« Ce monde n'est fait pour personne, Deku.
- Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
- Je suis devenu un héros, répond-il en regardant sa main, Mais je ne peux pas gagner à tous les coups, continua-t-il en serrant son poing, Quand on m'a dit à quoi ressemblait la personne ayant sauvé une mère et son enfant, j'étais sidéré.
- Mais... Pourquoi ?, lui demandé-je, inquiet.
- Parce que c'était toi. Je me suis dit qu'au fond tu n'avais pas changé.
- Mais toi non-plus, lui rétorqué-je.
- Je sais, lâcha-t-il, Mais punaise, Deku, peu importe l'ampleur de l'attaque, dis-toi qu'à proximité tu aurais pu y rester. »

Suis-je en train de rêver ou est-il en train d'admettre qu'il s'est inquiété ? Ou bien avait-il seulement envie de savoir s'il s'agissait bien de moi ? En fait, je crois que je me prends la tête pour rien. Comme lui. On se revoit sept ans plus tard et on se parle maladroitement. On ne se dit pas les choses clairement et cela fiche en l'air cette conversation où on aurait aimé peut-être mettre fin à des querelles d'antan et s'ouvrir à une nouvelle relation moins conflictuelle. Néanmoins, je peine à croire qu'entre Kacchan et moi, cela sera toujours aussi complexe que sa propre personnalité à lui.
Et ça m'effraie. Ça m'effraie punaise ! J'ai l'impression de retrouver cet enfant ce soir que j'ai toujours été, la main tendue vers lui, toujours le dos tourné dès l'instant où il a su que je n'avais pas d'alter. J'étais fébrile, je tremblais sans cesse, je n'arrivais pas à soutenir son regard et pourtant, je ne lâchais pas prise. Je n'en étais pas capable car je possédais toujours un espoir de suivre la voie que je souhaitais suivre. Je m'accrochais éperdumment, me fichant immanquablement des moqueries. Je n'étais qu'un enfant. Aujourd'hui, je suis un adulte alors je ne devrais pas ressentir ce que je ressens à l'instant présent. Du déjà-vu. Je serre les dents, je finis par comprendre pourquoi il me parait si frustré.

Mais Kacchan, tu as été mon pilier durant cette enfance. Tu m'as soutenu pendant si longtemps sans même en avoir conscience. Nous étions entourés de héros mais, mon héros à moi...

... C'était toi.

Forgive meWhere stories live. Discover now