Entre deux cigarettes et une blonde

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Je me réveille en sursaut, il est 6h55. Il va falloir que je me dépêche si je veux arriver à temps à l'Université. Je me déshabille et saute sous la douche. Je savoure la chaleur de l'eau qui coule sur mon corps nu, fatigué.

Je sors et regarde un instant mon visage dans le miroir. J'ai l'air crevé. Je le suis. La petite soirée improvisée d'hier avec Alex n'était pas vraiment une bonne idée. Puis je me rappelle de la manière dont il m'a regardé. Et ensuite il s'est enfuit comme un voleur. Je ne comprends pas. Je soupire en me disant que je ne dois pas y prêter attention. Si on y réfléchit, rien ne s'est passé. Alors je m'habille, je prends mon petit déjeuner en quatrième vitesse et je saute dans le bus qui m'attend à quelques pâtés de maison.

Les écouteurs dans les oreilles, je traverse les couloirs de l'Université. Je regarde ma montre, je ne suis pas en retard. Je passe devant une fille blonde qui me lance un mauvais regard et je file vers mon premier cours de la journée, la littérature. La porte de l'amphi se dessine au bout du couloir, je retire mes écouteurs en signe de respect envers mon cher professeur qui me déteste déjà suffisamment, et me dirige vers ma place habituelle. Je regarde discrètement autour de moi. Aucun signe d'Alex. Peut-être qu'il est malade ? Peut-être qu'il ne veut pas me voir ? De nombreuses questions angoissantes entrent et ne sortent pas de ma tête. Mais elles s'évanouissent lorsque je vois les cheveux bruns d'Alex passer devant le bureau du prof, qui a l'air agacé par son retard. Lorsqu'il passe à côté de moi pour aller s'installer dans le fond, je sens son regard insistant s'attarder sur moi, mais je me force à regarder les notes du cours précédent. Mes mains tremblent. Alors j'inspire profondément. J'ai bien besoin d'une cigarette.

J'écoute Mr. Collins parler. Je me perds dans mes pensées au bout de quelques instants. Je pense à la France, à ma grande et belle maison que j'ai quitté et que je ne reverrai sûrement plus jamais. Je repense à ma petite ville. C'est tellement différent de Melbourne.

Je jète un coup d'œil à ma montre. Plus que 2 minutes. Je range discrètement mes crayons dans ma trousse et je la ferme sans un bruit. Il faut absolument que j'aille fumer. Et il faut surtout que je parte sans qu'Alex me voit.

- A demain, lance Mr. Collins.

Je range mes affaires plus vite que jamais, et je cours presque en direction de l'extérieur de l'Université. Je trouve un petit banc par loin d'une des portes d'entrée, je m'assois et attrape mon vieux paquet de cigarette, et je grimace en me souvenant qu'il ne m'en reste plus que deux. J'en prends une. Je sors mon briquet. Je sens la chaleur de la flamme, la brûlure de la fumée. C'est agréable. Je ferme les yeux en me remémorant la France. Je fumais tout le temps avec mes amies. Même avec celles qui n'aimaient pas que je le fasse. J'ai commencé à fumer un mois de janvier. J'avais un copain qui fumait, et très vite, j'ai pris l'habitude de l'accompagner au coin fumeur de mon lycée. Environ trois semaines plus tard, il m'a quittée, et j'ai continué à fumer. Je trouve ça étonnant que ma mère ne l'ai jamais remarqué. Elle qui voit toujours tout. Ou peut-être qu'elle l'avait remarqué et qu'elle n'avait jamais rien dit, bien que cela ne soit pas du tout son genre. De toute manière, j'ai bientôt 19 ans, alors elle ne pourra pas me l'interdire. Je tire une nouvelle fois.

- C'est quand la première fois que tu as fumé ? demande une voix maintenant devenue un peu trop familière.

C'est Alex. Je tire encore une fois avant de lui répondre:

- La première fois que j'ai essayé de fumer, j'étais en troisième, je crois. J'avais volé une cigarette à mon beau-père. Avec une fille que je considérai comme ma meilleure amie, nous sommes allées au parc près de notre école. Elle avait un briquet, moi la cigarette, alors on l'a allumée sans vraiment savoir comment faire. Dans mon souvenir on n'a pas vraiment tiré, c'était plus pour faire genre.

- Pourquoi ?

Je prends une grande inspiration.

- Parce que le gars qui me plaisait fumait déjà comme un pompier.

- Alors c'est à cause de lui que tu as commencé ?

- Non. Après ça, je fumais souvent en soirée. Un des premiers paquets que je me suis acheté, c'était environ un an plus tard, en été. J'étais chez mon père, je m'ennuyais à mourir, alors je fumais pour passer le temps. Et aussi pour me sentir libre, j'imagine. Et peut-être aussi pour faire chier mes parents. Même si ils ne l'ont jamais su. C'était un peu comme une satisfaction personnelle. Faire quelque chose qu'on n'a pas le droit de faire. Après c'est devenu régulier.

- Quand ?

- Quand je suis sortie avec un gars.

- Encore à cause d'un mec ? Tu as fais ça pour lui ?

- Non, pas du tout. J'aimais bien. Je l'accompagnais quand il allait fumer, alors je fumais aussi avec lui.

- Et ensuite ?

- Ensuite il m'a quitté, et j'ai continué à fumer.

Alex ne dit rien.

- Pourquoi tu me poses toutes ces questions ? je demande alors.

- Je ne sais pas.

- Pourquoi tu me suis ?

- Je ne sais pas non plus.

- Quand tu sauras, tu me le diras.

Je me lève et je me dirige vers l'intérieur. Je n'entends pas de pas derrière moi, ce qui signifie qu'Alex ne me suis plus. Je marche d'un pas rapide, et je la croise encore. Cette blonde qui me fixe d'un mauvais œil. Je lui passe devant, mais elle m'attrape le bras brusquement.

- Qu'est-ce que tu me veux ? je demande froidement.

- Ne t'approche pas d'Alex.

- C'est lui qui me suis.

- Alors fais en sorte qu'il ne te suive plus.

Elle me lâche le bras et part dans la direction opposée d'un pas rapide.

Rosie Where stories live. Discover now