L'atelier d'écriture

26

SAISON 3, épisode 3

Retour de déjeuner. J'ignore pourquoi, mais les participants de l'atelier s'assoient toujours à la même place, comme si ce rituel leur permettait de se rassurer. Je n'ai rien à dire : je fais de même. La prof ne nous laisse pas le temps de digérer : à peine installés, voici un nouvel exercice d'écriture. Moi je pense surttout à mon douillet fauteuil de lecture, dans lequel je passe d'habitude mon samedi après-midi sous une couverture. Une vraie mémé...

Voici l'exercice : il s'agit de reprendre notre personnage mais il a maintenu ou créé des stéréotypes. Avec sa nouvelle identité, il faut lui faire incorporer des postures physiques et des stéréotypes qui vont avec. Puis il faut le confronter à un événement, une situation, une rencontre à laquelle il ne s'attendait pas, quelque chose d'inattendu qui va le bouleverser. Voici mon texte et la suite de l'histoire d'Ivy :

Le parc de Boston est parsemé de bancs en fer forgé. J'ai besoin de reposer mes multiples contractions féminines. Je m'assois donc à avec délicatesse, comme Paulette me l'a expliqué : garder les genoux serrés et le dos droit, plier les jambes sans laisser les hanches s'effondrer, puis déposer ses pieds sur le côté, c'est plus gracieux. Mon corps épouse la forme du banc et je peux enfin me relâcher. Pour l'instant, ma posture ne me semble pas très naturelle. J'aimerais m'installer avec la fluidité d'un chat. Alors que j'écoute les merles, un homme s'arrête devant moi, puis deux, puis trois. Je ne comprends pas, ils m'encerclent, semblent me réduire à une femme -objet que l'on observe. Soudain, l'un d'eux me frappe au visage et me vole mon sac à main. Tous s'enfuient en courant. D'un bond je me lève pour les poursuivre et leur faire passer leurs envies de maroquineries. Je vais leur montrer à quoi ressemble une femme qui sait se défendre.

J'ai longtemps hésité entre deux possibilités : Ivy va-t-elle subir la situation et se faire agresser (intégrant ainsi cette donnée que la féminité contient la fragilité à l'égard des hommes), ou est-ce que son côté masculin va ressurgir pour la défendre ? Finalement, j'ai décidé qu'elle se défendrait : j'avais envie que ces sales types passent un sale quart d'heure ! Juste avant de lire mon texte aux autres, j'ai ajouté cette phrase :

Ivy retire ses talons, les rattrape et leur pète la gueule.

Et vous ? Qu'auriez-vous fait ?