Perdu à jamais.

16 3 0
                                    

"Lorsque tu me parles je t'écoute comme si c'était les derniers mots que tu prononçais."


Et je t'ai détesté, je t'ai détesté tellement fort que j'aurai pu t'oublier dans les premiers temps de ta disparition. J'aurai pu faire comme si je ne t'avais jamais connu, comme si tu ne m'avais pas laissée toute seule face à la vie toute entière.

T'avais pas le droit de m'abandonner, pas comme ça. J'ai rien soupçonné, j'ai rien senti, aucune intonation de voix, aucun geste différent de d'habitude, tu voulais visiblement pas m'inquiéter, t'as joué ton rôle du début à la fin, je ne me suis doutée de rien. quand j'ai raccroché, je me souviens même pas d'avoir eu autre chose que cette inquiétude qu'il t'arrive quelque chose, comme à chaque fois.

Un été brûlant, deux heures du matin, au bord de sa piscine. J'étais assise là entre sobriété et délire total. Les yeux perdus dans l'eau, ses pas même pas entendus, il s'est assis à coté de moi. Il a commencé.

- T'as froid ?

- Non.

- T'as sommeil ?

- Non.

- Alors t'as quoi ?

- J'ai pas envie que tu partes, tu soûles, je veux pas que tu me laisses, t'as pas le droit, je m'en moque qu'ils soient plus gentils là bas, qu'ils aient des meilleures écoles. Tu vas m'abandonner, pauvre con, et je te déteste.

- C'est l'alcool qui parle, là ? t'as bu quoi ?

- J'aimerais bien, mais non, c'est moi. Arrête de tout mettre sur le dos de l'alcool.

- Tu me détestes vraiment ?

- Au fond, oui, un peu.

- Je te laisse pas, hein.

- Te fous pas de ma gueule, tu pars a des milliers de kilomètres et tu reviendras jamais, alors que t'aurais pu rester. Tu me laisses, point final.

- T'es sure de ce que tu dis ?

- Laisse moi, sérieux, pars, j'ai envie d'être toute seule.

- D'accord.

Il s'est levé et il m'a posé un bisou sur le front. J'étais en colère, tellement en colère. Je me suis levée d'un bond et je lui en ai collé une. C'était con, c'était stupide, mais ça m'a fait du bien. Il m'a regardée et il m'en a mis une à mon tour. C'est parti comme une mèche d'explosif, d'une simple claque on se foutait des coups, je le détestais, c'était pas possible, je lui en voulais tellement. Il s'est retrouvé au dessus de moi et il me regardait de la colère plein les yeux. Puis j'ai encaissé une baffe, une dernière.

- Je suis bien content de partir.

J'ai entendu ces mots, c'était la goutte de trop. J'avais mal à la pommette, et mon corps tout entier était douloureux. Je me suis levée, je l'ai poussé et je suis partie. En chemin j'ai attrapé un verre et je suis montée me coucher. J'ai vidé le verre d'une traite, senti l'alcool me brûler la gorge. Je me suis glissée sous les draps toute habillée et j'ai pleuré, jusqu'à avoir les yeux brouillés et le souffle rauque. Puis je me suis endormie.

Quand je me suis réveillée, j'ai senti quelqu'un d'autre à côté de moi. Il faisait encore nuit, je me suis couchée sur le dos et j'ai regardé le plafond. La personne à côté de moi a murmuré.

- On s'est sacrément amochés, hein.

- Je te déteste, je veux plus te parler, laisse moi dormir.

- T'as dormi une journée entière, peut être que ça suffit non ?

- Ouais.

- Arrête de m'en vouloir. Ça me donne envie de pleurer, sérieux.

- J'ten veux à mort, putain. J'men fous que tu pleures, là, j'en ai marre que tout parte à vau-l'eau. C'est horrible la sensation que j'ai, t'imagines pas. Je déteste que tu partes. T'as pas le droit, voilà, t'as pas le droit, ça me fait mal, un peu trop.

- J'ai pas choisi.

- Moi non plus.

-Je suis désolé.

-Honnêtement, je veux pas parler, ce matin.

- On est le soir. T'as dormi une journée entière et t'as pleuré super longtemps. J'ai désinfecté ton œil et tu m'as envoyé chier. Mais t'as pas fait de cauchemar.

- C'est que tu partes, mon cauchemar.

- Dis pas ça.

- J'ai l'impression que si tu pars je vais te perdre.

- Mais non, jamais, je te promets, jamais. Viens.

Il m'a ouvert ses bras et je m'y suis réfugiée. J'avais mal au crâne et envie de me rendormir. Mais avec le temps, jamais, jamais j'ai oublié ces dernières phrases. Peut être sous l'emprise d'alcool et du manque de sommeil, mais j'avais vu juste. Il est parti et je l'ai perdu à jamais.

Mensonges.Where stories live. Discover now