Un désolé n'efface pas tout.

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Aujourd'hui, j'ai vu ton vrai visage. 

Je suis sortie les mains dans les poches de mon manteau, le froid piquait tellement, j'avais le nez tout rouge et je le savais, les yeux humides et le cœur en perdition. J'allais me lancer au hasard des rues jusqu'à en avoir les chevilles en mille morceaux, à l'image de mon cœur après toi. Putain, comme j'avais mal.

J'ai marché jusqu'à la grande rue, essayant d'ignorer tes appels et tes messages me demandant de revenir. Je ne pouvais pas revenir alors que c'était toi qui étais parti, bordel. Revenir pour quoi ? Je savais que ça serait pire.

Tu m'as dit que tu allais venir. Essaie donc. Je te hais de tout mon cœur. Je ne t'ai pas cru. Puis j'ai vu ton meilleur ami débouler. Il était au téléphone, les sourcils froncés, avec son odeur d'homme sérieux et ses pas de géant. Il m'a appelée. Une fois deux fois. Mais bordel laissez moi tranquille. Laissez moi. Il m'a attrapé le bras, m'a fait face. Je l'ai regardé et de nouvelles larmes ont dévalé mes joues. Il avait un regard sincère et je savais que lui l'était. Lui, au moins. 

Il s'est excusé mille fois. "Je suis désolé, je suis désolé, j'aurai voulu te le dire, on s'était promis de jamais se balancer, tu comprends ? Je suis tellement désolé.. Excuse moi s'il te plaît.. Putain j'aurai du t'en parler. Je suis con. Hein, c'est ce que tu penses, là ? Eh ben j'ai l'honneur de t'annoncer que t'as raison, que j'ai préféré protéger mon pote que le balancer. Mais en fait, j'aurai du." J'ai levé la tête vers lui et j'ai regardé sa tête dépitée. "C'est pas de ta faute si il va voir ailleurs dès que j'ai le dos tourné." "Non, mais je le savais qu'il parlait d'un peu trop près à cette fille, j'aurai pu te le dire, tu méritais pas ça." "Après tout je suis une inconnue."

Je me suis sentie tellement mal. Il m'a serrée dans ses bras jusqu'à ce que je me calme. Je n'arrêtais pas de pleurer, je tremblais, j'étais dans un état lamentable.

- Mais qu'est ce que tu fais là, en fait ?

- Je suis venu te chercher. J'ai détesté ses mots.

- C'est lui qui t'a envoyé. Tu mens.

- Pourquoi tu recules ? N'aie pas peur, je vais pas te faire de mal, il m'a demandé de te trouver et de l'avertir pour qu'il vienne. Il arrive.

- Mais je ne veux pas le voir.

- Il a quelque chose à t'expliquer, écoute le s'il te plaît.

- Tu comprends pas que la dernière personne que je veux voir, c'est lui. Il m'a prise pour une conne, il s'est moqué de moi pendant tout ce temps ! Je suis censée faire quoi, moi, lui sauter dans les bras, peut être ?

Il regardait derrière moi d'un air gêné. Je me suis retournée et il me faisait face. Il avait des traces de larmes sur les joues, les yeux embrouillés. Il a pleuré. Il a pleuré, bordel. Mais il s'est moqué de toi. Il l'a embrassée. Tu as vu la photo, il avait raison quand il disait qu'il n'était pas fait pour toi. T'en as fait qu'à ta tête, ma pauvre. 

Il a ouvert la bouche. L'a refermée. Une fois, puis deux. Je l'ai regardé dans les yeux, je n'ai pas tenu devant ce qu'il me laissait voir. Nous, ça n'avait peut être pas duré autant qu'on l'aurait voulu, mais je l'avais aimé, j'en suis sûre, ça ne laissait aucun doute, j'étais face à lui et je me sentais sombrer.

J'allais tomber, c'était inévitable. J'avais ressenti cette sensation, vous savez, celle où vous savez que votre monde tout entier est en train de se démolir à grands coups, où le retardateur se met en place, une, deux, trois, et c'est l'explosion. On dégringole de deux trois étages avant de se réveiller perdu. Mal de partout. Non, en fait, on ne se réveille jamais vraiment, on apprend à vivre sans son cœur, qui se reconstruit lentement, bleuté et douloureux. Une simple photo avait détruit mon monde, celui où je l'aimais, moi, ce grand fou aux mains immenses et à l'odeur enivrante. C'était mon inconnu. Mais comme on m'a dit un jour, un inconnu n'est l'inconnu que de peu de personnes. Il était son inconnu à elle aussi. Je la détestais.

La photo, je l'avais encore. J'avais zoomé dessus des milliers de fois en espérant que ce ne soit pas lui, avec une blonde accrochée à son cou, les yeux fermés, une main autour de sa hanche. J'avais espéré que ce soit faux. Non, non, non, c'était son manteau bleu. C'était ses cheveux coupés courts. Ses mains. Il n'y avais aucune erreur. Aucune. 

- Est ce que c'est vrai ? 

- Non.. enfin oui.. quoi ? Qu'est ce qui est censé être vrai ? Pourquoi tu pleures ? Pourquoi tu viens de t'en aller ? Pourquoi tu me détestes ? Je comprends plus rien..

- Est ce que les blondes embrassent bien ? 

A ce moment là, j'ai vu ce qu'il se passait sur un visage quand quelque chose se brisait à l'intérieur. Il n'était pas au courant. Une larme a roulé sur sa joue. Puis une autre. 

- Je suis désolé. 

- Désolé de quoi ? On s'excuse de quelque chose qu'on a pas fait exprès, pas de quelque chose qu'on a choisi. C'était bien ? Ca t'a plu ? Parce que c'est terminé. J'aimais jouer à ton jeu, mais là, c'est allé trop loin. Beaucoup trop loin. J'ai perdu. 

-Je...

-  Raconte moi. Qu'est ce qui s'est passé. Qui elle est ? 

- Elle est venue me parler un soir par snap. C'était une erreur, elle a dit. On a parlé, elle était sympa. Elle s'appelle Noémie. Elle me brassait sans s'en cacher.. Elle m'a même pas vraiment plu, en fait. Elle était jolie, mais sans plus. Elle m'a mis au défi de venir au cinéma alors qu'on ne se connaissait pas. J'ai marché. Je suis arrivé en avance, je commençais à regretter, ça faisait deux jours que tu ne me répondais pas, j'étais en colère comme un dingue, t'avais quoi ? 

-J'étais malade.

- Très malade ? 

- Oui. Continue ton histoire. 

- T'avais quoi ? 

- Tu continues ? 

- Elle avait une demi heure de retard. J'ai attendu devant le cinéma comme un con, je commençais à me demander si c'était pas un fake, mais là une meuf est arrivée et elle s'est plantée devant moi. Elle m'a demandé si c'était bien moi, j'ai dit oui. Puis elle m'a embrassé. Pas un petit bisou, non, un vrai. Ca s'arrêtait pas. Je me suis laissé faire. C'était agréable, un peu comme si c'était toi. Puis quand j'ai ouvert les yeux j'ai vu ton cousin qui  était à trois mètres de nous, son téléphone à la main. Il a baissé l'objectif et j'ai couru vers lui. Il m'en a collé une, pas une petite, il m'a gueulé dessus devant tout le monde, puis je me suis excusé. Noémie s'est enfuie, je me suis mis a chialer comme un idiot  et.. qu'est ce que t'as ? Mais pars pas ! Bordel, PARS PAS ! 

Je suis partie. Non, je ne suis pas partie, j'ai vogué jusqu'à un endroit ou je n'avais plus mal. Il m'avait achevée. J'ai tourné le dos et je l'ai quitté. Il m'a rattrapée, cette fois il m'a pris dans ses bras, m'étouffant presque. Je l'ai embrassé de tout mon souffle, de tout mon cœur, je l'ai embrassé jusqu'à en avoir le souffle coupé. Puis j'ai tourné le dos et je me suis éloignée. 

Je suis rentrée dans un café, j'ai commandé et je me suis assise à la table vieille comme son patron, et j'ai pleuré, pleuré dans mes mains. Quelqu'un s'est assis à coté de moi. J'ai levé les yeux. Le patron. Je vous en prie, faites que j'aie fait la remarque sur sa vieillesse dans ma tête. 

-Alors ma petite, ça va pas ? 

- J'ai l'air d'aller, vous trouvez ? 

- Non, c'est vrai. Qu'est ce qui se passe ? 

- Il m'a trompé avec une blonde qui lui a sauté dessus j'étais amoureuse il a pas fait exprès et je le déteste mais je l'aime c'est horrible c'est dur ça fait mal j'ai envie de pleurer encore plus fort je le déteste je la déteste je les déteste..

- Il t'a trompé... ça arrive à tout le monde de faire des erreurs, tu sais..

- Ca, je m'en fiche. une erreur, c'est quelque chose qu'on fait pas exprès. Là, c'était volontaire. 

- il s'est excusé ? 

- Oui, mais j'ai toujours mal. Des excuses, ça sert à quoi ? 

_ Il faut une personne forte pour dire pardon, une encore plus forte pour excuser. 



Mensonges.Where stories live. Discover now